Détecter et agir face à un retard de croissance

Cas clinique

Inès, 13 mois, est adressée par son médecin traitant pour petite taille. Elle mesure 66,5 cm (- 3 DS, pour déviation standard) et pèse 8,420 kg (10e percentile). Ce ralentissement s’est déroulé progressivement après la naissance. Sa taille de naissance à terme était de 51 cm. Il n’existe pas d’antécédents familiaux particuliers. Son père mesure 185 cm et sa mère 161 cm. Du point de vue de son développement, elle s’est tenue assise à 9 mois, se déplace assez peu et a une alimentation normale. Elle a un front bombé et un aspect « potelé ». Le reste de l’examen clinique est sans autre particularité.

Diagnostic et recommandations

Le diagnostic de retard de croissance (RC) repose sur la courbe de croissance et son évolution à partir des mesures de la taille et du poids au cours des différents motifs de consultation. Ils doivent être retranscrits sur le carnet de santé systématiquement.

Le diagnostic de retard de croissance est posé en cas de1 :

  • 1. taille < – 2 DS pour l’âge et le sexe (courbe de Sempé et Prédon),
  • 2. taille < – 2 DS de la taille cible parentale ([taille père + taille mère]/2 + 6,5 cm chez le garçon et – 6,5 cm chez la fille), ou
  • 3. vitesse de croissance insuffisante (en général < 4 cm/an) et responsable d’un changement de couloir sur la courbe de croissance.

Un grand nombre de diagnostics peut être évoqué devant un RC et confirmé ou éliminé à partir de son caractère progressif ou brutal, des antécédents personnels et familiaux cliniques et auxologiques (petites tailles familiales), de l’examen clinique et d’explorations complémentaires ciblées.

L’âge osseux, trop souvent réalisé, a pour intérêt au départ de juger le retard de maturation associé au RC, évoquer une maladie osseuse (brachymétacarpie, Madelung), et suivre à distance l’évolution en cas de traitement si nécessaire2.

Signes à repérer

  • La taille de naissance et le terme pour diagnostiquer le retard de croissance lié à une petite taille pour l’âge gestationnel (retard de croissance gestationnel ou SGA pour Small for Gestational Age) ou (retard de croissance intra-utérin, RCIU) n’ayant pas rattrapé leur vitesse de croissance après l’âge de 2 ans (10 % des cas)3. Le diagnostic est posé à partir d’une taille de naissance (TN) < – 2 DS, selon les valeurs des tailles de naissance entre 25 à 44 semaines de grossesse, d’après Usher & Mc Lean.
  • Les signes évocateurs d’hypopituitarisme en période néonatale (hypoglycémie, ictère, front bombé, petite ensellure nasale, fente labiopalatine (syndrome de la ligne médiane) et cryptorchidie, micropénis chez le garçon)2.
  • Une insuffisance nutritionnelle par carence d’apport (anorexie), hypercatabolisme (maladie inflammatoire, activité physique) ou malabsorption entéropathie (maladie coeliaque, mucoviscidose)1.
  • Les signes cliniques de maladies organiques sévères retentissant sur la croissance (insuffisance cardiaque, pulmonaire, maladies inflammatoires chroniques intestinales, insulinorésistance, diabète déséquilibré…).
  • Des signes malformatifs évocateurs d’une maladie génétique, le syndrome de Turner : à toujours évoquer chez une fille de petite taille, d’une autre maladie osseuse constitutionnelle (chondrodysplasie, dystrophie d’Albright…), d’autres syndromes plus rares (Noonan, délétion du gène SHOX)1.
  • Le caractère brutal avec véritable « cassure » de la courbe staturale doit faire éliminer dans les plus brefs délais une tumeur intrahypophysaire et en premier lieu un craniopharyngiome.
  • Une IRM cérébrale centrée sur l’hypophyse doit être réalisée au moindre doute en cas de ralentissement de la vitesse de croissance, a fortiori en cas de signe clinique ou biologique évocateur d’un déficit hypophysaire somatotrope isolé ou combiné à d’autres déficits1.
  • Des signes évocateurs d’une hypothyroïdie (goitre, frilosité…), d’un hypercorticisme organique ou médicamenteux, le plus souvent associés à une augmentation de l’IMC (prise de poids associée au ralentissement de la vitesse de croissance)1.
  • Parfois peu d’éléments évocateurs nécessitent d’éliminer, entre autres, un déficit en hormone de croissance isolé par des explorations hormonales (dosage de l’IGF1, test dynamique) avant de conclure selon l’âge à une petite taille idiopathique ou à un RC lié à un retard pubertaire. Un caryotype est à réaliser systématiquement chez les filles (caryotype en mosaïque)1.

Évolution du cas clinique et prise en charge

Le diagnostic d’hypopituitarisme est confirmé avec un déficit somatotrope (IGF1 < 10 ng/ml), thyréotrope (T4l = 10,03 ng/l sans élévation de la TSH) et corticotrope (cortisol 8 h = 88,6 μg/dl). L’IRM cérébrale centrée sur l’hypophyse montre une interruption de la tige pituitaire, une hypoplasie hypophysaire et une post-hypophyse visible en position ectopique. L’étude génétique est en cours à la recherche de mutations de gènes impliqués dans ce trouble de l’embryogenèse hypophysaire.

Dans ce cas d’hypopituitarisme congénital, un traitement substitutif a concerné l’ensemble des déficits somato, thyréo et corticotrope par hormone de croissance, L-thyroxine et hydrocortisone, et a été immédiatement débuté. L’évolution ultérieure a été rapidement favorable tant au niveau du statural que du point de vue du développement psychocomportemental.

Conclusion

Cinq étiologies de retard de croissance peuvent bénéficier d’un traitement par hormone de croissance (biosynthétique ! Les parents s’en assurent encore) en France4 :

  • le déficit ou l’absence de sécrétion d’hormone de croissance endogène chez l’enfant,
  • les dysgénésies gonadiques (syndrome de Turner) confirmées par analyse chromosomique (environ 1 000 filles traitées),
  • l’insuffisance rénale chronique (IRC) chez l’enfant prépubère (moins d’une vingtaine de cas traités),
  • le syndrome de Prader Willi (entre 250 et 400 cas traités),
  • les enfants nés petits pour l’âge gestationnel avec un poids et/ou une taille de naissance < – 2 DS, n’ayant pas rattrapé leur retard de croissance après 4 ans,
  • le déficit du gène SHOX : très peu d’enfants traités dans cette indication actuellement.

1. L’enfant trop petit. Coutant R, Nicolino M. http://pap-pediatrie.com/hepatogastro/lenfant-trop-petit
2. Retard de croissance staturo-pondérale. Item 36. SFEndorcino.org. http://www.sfendocrino.org/article.php?id=383#causes
3. CEEDMM. Retard de croissance statuto-pondérale. www.endocrino.net
4. Croissance et ses troubles. http://www.inserm.fr/thematiques/biologie-cellulaire-developpement-et-evolution/dossiers-d-information/croissance-et-sestroubles


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