Quelles indications des amino-acides ? L’allergie alimentaire n’est plus une fatalité à subir

L’augmentation de la prévalence et de l’incidence des manifestations allergiques augmente sans cesse dans les pays industrialisés. L’allergie alimentaire est de ce fait devenue un problème de santé publique puisqu’elle touche 5 à 7 % des enfants de moins de 3 ans.

L’allergie progresse…

Aucun traitement n’a démontré son efficacité en termes de prévention sur l’ensemble des allergies. La tendance actuelle étant de solliciter régulièrement les nourrissons à risques avec de nombreux allergènes afin d’acquérir une tolérance.

Quand l’allergie alimentaire a été suspectée, une éviction de l’allergène est proposée dans un premier temps. Ces symptômes évocateurs d’allergie alimentaire déclencheront un bilan anamnestique et allergologique.

Les prick tests et IgE spécifiques sont réalisés en cas de présentation clinique IgE médiée. Les patch tests ne semblent pas avoir une sensibilité et spécificité suffisante dans les diagnostics des allergies non IgE médiées et sont de moins en moins prescrits. Le test de provocation par voie orale (TPO) reste le “gold standard” sous forme d’une épreuve d’éviction/réintroduction permettant de faire disparaître les symptômes avec l’éviction de l’allergène incriminé et la réapparition des symptômes au moment de la réintroduction. Il est indispensable dans les formes atypiques ou douteuses afin “d’économiser” une prescription inutile de diète restrictive.

Quand il s’agit d’une allergie aux protéines de lait de vache (APLV), un hydrolysat poussé de protéines de lait de vache est prescrit (voire un hydrolysat de protéines de riz ou de soja en fonction du contexte clinique).

Et parfois le degré d’hydrolyse doit progresser également !

Parmi les problèmes rencontrés au quotidien, la compliance n’est pas la moindre, du fait d’une palatibilité pas toujours au goût des nourrissons !

Ainsi, Isolauri et al. avaient suivi 100 enfants d’âge moyen de 7 mois, avec dermatite atopique et APLV prouvée. Une évaluation nutritionnelle avait conclu à une taille et rapport poids/taille moindre qu’en population contrôle (p < 0,0001 et p = 0,03), une albuminémie basse dans 6 % des cas, une urémie basse pour 24 % d’entre eux. Le retard de croissance était d’autant plus important que la symptomatologie (donc le régime) avait été débutée tôt dans la vie.

Les amino-acides permettent d’obtenir une croissance correcte chez ces enfants allergiques. De plus, parfois, les hydrolysats prescrits ne sont pas efficaces sur l’amendement de la symptomatologie.
En effet, ces hydrolysats sont conçus pour traiter 90 % des nourrissons allergiques. Il en résulte que pour 10 % d’entre eux, cette hydrolyse est insuffisante. Il convient alors de proposer un amino-acide pour traiter le nourrisson.

Certaines formules d’amino-acides permettront par ailleurs d’améliorer la qualité de vie de la famille avec un meilleur sommeil, moins d’irritabilité et un eczéma moins invalidant.

Quand utiliser des amino-acides ?

Les amino-acides sont des formules infantiles dénuées de protéines. Les seules traces éventuelles présentes proviennent de contaminants issus des amidons et des fractions lipidiques. Rappelons que l’allergie s’adresse à des épitopes protéiques et non glucidiques ou lipidiques. Certes, ces formules sont efficaces dans le traitement de l’APLV typique en première intention, mais l’idée qui tendrait à traiter toutes les APLV par amino-acides n’est pas optimale.

Pourquoi ne pas traiter avec une formule très efficace et dont la palatibilité est satisfaisante ? Tout d’abord, car certains travaux évoquent l’hypothèse d’un retard d’acquisition de tolérance avec ce type de formule versus une formule d’hydrolysat poussé standard ou enrichie en probiotiques. Par ailleurs, le coût d’une formule AA est 2 fois plus élevé que le coût d’un hydrolysat classique. Et enfin, les hydrolysats conviennent à 90 % des nourrissons.

Plusieurs guidelines ont été élaborés pour encadrer ces prescriptions depuis 2008. Nous retiendrons la synthèse française du comité de nutrition des indications pertinentes des amino-acides.

Indications pertinentes des amino-acides :

  • Persistance des symptômes de l’APLV sous hydrolysat poussé de protéines
  • APLV sévères IgE médiées avec choc anaphylactique
  • Certaines formes cliniques de l’APLV : gastro-entéro-coloproctite non IgE-médiée avec retard de croissance, SEIPA, eczéma atopique sévère avec hypotrophie
  • Symptômes d’APLV avec rectorragies survenant sous allaitement maternel exclusif
  • Allergies alimentaires multiples
  • OEsophagite à éosinophiles

La clinique des indications…

L’APLV répond à plusieurs mécanismes physiopathologiques. La classification de Gell et Coombs oppose classiquement les allergies IgE médiées et non IgE médiées.

Formes IgE médiées

Les formes IgE médiées sévères peuvent être responsables de choc anaphylactique imposant de l’adrénaline par voie IM dans la cuisse à 0,01 mg/kg (seringue préremplie à 0,15 mg disponible pour l’enfant entre 15 et 30 kg). Il faudra ensuite proposer un amino-acide afin d’éviter une récidive de cet incident grave.

Formes non IgE médiées

Dans les formes non IgE médiées type SEIPA, c’est une expansion volémique qui est requise en urgence, mais le relais par amino-acide est le même.

La colite hémorragique au lait de mère

Une des formes non IgE médiée est également la colite hémorragique au lait de mère. La clinique est d’emblée caractéristique chez un enfant allaité au sein qui, dans un contexte de bon état général, présente des rectorragies sans lésions anopérinéales. Il est inutile de réaliser une endoscopie qui montrerait une hyperplasie nodulaire lymphoïde riche en polynucléaires éosinophiles.
La prise en charge sera de poursuivre l’allaitement maternel en demandant à la mère d’éviter de consommer des protéines de lait de vache. En effet, il est démontré que les protéines ingérées par la mère passent dans la circulation puis dans les acini mammaires avant d’être ingérées par l’enfant sous forme d’épitopes allergéniques. En cas d’échec de régime de la mère, ou de volonté de sevrage de la part de celle-ci, les formules d’aminoacides sont indiquées.

L’oesophagite à éosinophiles

L’oesophagite à éosinophiles est une pathologie émergente considérée comme une maladie de type allergique (Fig. 1). Son incidence serait de 0,16 à 1/10 000 avec une prévalence pédiatrique de 0,89 à 4/10 000.

Figure 1 – Images endoscopiques d’oesophagites à éosinophiles. 4 images possibles :

1 : normal (32 % des patients) ; 2 : anneaux pseudotrachéaux (12 % des patients) ; 3 : stries longitudinales sur la hauteur de l’oesophage (41 % des patients) ; 4 : surrélévations blanchâtres (15 % des patients) ; 5 : aspect pseudotrachéal avec impaction alimentaire ; 6 : le diagnostic est histologique : plus de 15 visualisés par champs polynucléaires éosinophiles au grossissement x 40.

Photos de S. Berthet (CHU Nice), A. Lachaux (CHU Lyon) (Liacouras et al.).

Elle survient le plus souvent chez un enfant plus grand (8-10 ans) ayant des antécédents d’allergie alimentaire, voire de polyallergie. Les signes d’appel sont des manifestations de reflux gastro-oesophagien (régurgitations, pyrosis) associées à des épisodes de blocage alimentaire. La fibroscopie montre des anomalies macroscopiques (granularité, anneaux circulaires, sillons longitudinaux, taches blanchâtres, rétrécissement), les biopsies étagées retrouvent un infiltrat massif d’éosinophiles (> 15 éosinophiles par champ x 400) et confirment le diagnostic. Le traitement comporte une éviction d’un allergène identifié par le bilan allergologique et l’utilisation de corticoïdes déglutis (préparations topiques, corticoïdes inhalés).

Toutefois, les formules d’aminoacides sont indiquées dans les allergies alimentaires multiples ou en cas de maladie sévère ne répondant pas au régime d’éviction, surtout chez l’enfant jeune. La durée du traitement est alors initialement de 4 semaines.

Références


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