Une allergie au supermarché…

Rares avant les années 1970-1980, les allergies alimentaires (AA) sont devenues de plus en plus fréquentes, on parle même d’« épidémie d’allergies » depuis la fin du XXe siècle. Le principal aliment responsable de cette épidémie est l’arachide (cacahuète), bientôt suivi par une multitude d’allergènes d’abord émergents puis de plus en plus importants (noisette, noix exotiques, sésame, sarrasin, soja, etc.), les AA aux allergènes classiques (lait de vache, oeuf de poule) restant à un niveau conséquent.

Cas clinique

Maria, âgée de 5 ans, développe une urticaire généralisée simple en suçant un bonbon. Les lésions, typiques, fugaces et migratrices, disparaissent en 24-36 heures sous antihistaminiques et corticoïdes per os (40 mg de prednisolone/jour pendant 2 jours). Le pédiatre pense alors qu’il s’agit d’une virose, car l’enfant éternuait et avait une rhinite modérée au cours de l’examen. Quinze jours plus tard dans un supermarché, l’enfant présente brutalement une gêne respiratoire sifflante, des nausées puis des vomissements, des douleurs abdominales, et une urticaire généralisée. Après prise en charge par le SAMU, elle est admise aux urgences pédiatriques où la situation s’améliorera sous antihistaminiques sédatifs et corticoïdes IV. On apprend que l’enfant venait juste de finir un gâteau à la noisette. L’interrogatoire, alors orienté vers une AA, révèle que lors du premier épisode l’enfant avait consommé un bonbon à la noisette.

Traitement et recommandations

  • L’éviction de la noisette a été recommandée, mais elle peut être difficile, car la noisette est un allergène fréquent et sou-vent masqué (fruits secs, glaces, chocolats, nougats, gâteaux, etc.)1. Sa présence n’est pas signalée dans de nombreux produits, même sous la forme d’un étiquetage de précaution (« peut contenir… »). Sa présence résulte souvent d’une contamination pendant la chaîne de fabrication1, à l’instar d’autres allergènes comme l’amande ou l’arachide. Parmi 92 échantillons de chocolats produits en Europe et en Amérique du Nord dont l’étiquetage ne mentionnait pas la présence d’arachide, 32 chocolats nord-américains ne comportaient pas d’arachide et 30,8 % des chocolats importés d’Europe sans étiquetage de précaution (Europe centrale et Europe de l’Est) comportaient des protéines d’arachide2.
  • Une trousse d’urgence comportant un stylo auto-injecteur d’adrénaline doit être prescrite : la dose appropriée au poids corporel est de 150 μg (0,15 mg/0,3 ml) pour moins de 20 kg et de 300 μg (0,30 mg/0,3 ml) pour plus de 20 kg, en injection intramusculaire (IM) au niveau du quadriceps (face antérolatérale de la cuisse)3. Un plan d’action écrit doit être fourni aux parents.
  • Une immunothérapie spécifique par voie sublinguale s’est montrée efficace dans l’allergie à la noisette permettant aux patients de supporter 5 fois plus d’allergène à l’issue du traitement, mettant la plupart des patients à l’abri d’une ingestion accidentelle4. Actuellement, des inductions de tolérance par voie orale initiées en milieu hospitalier sont efficaces pour l’arachide, le lait et l’oeuf en particulier, elles peuvent être envisagées pour la noisette.

Signes à repérer

L’anaphylaxie est caractérisée par le début aigu (de quelques minutes à quelques heures) et par la progression rapide des symptômes d’autant plus marqués que la situation est sévère : prurit, flush, urticaire, gonflement des lèvres, de la langue et de la luette, troubles respiratoires, malaise, etc.5
Dès les premiers symptômes, il ne faut pas hésiter à faire une injection intramusculaire d’adrénaline. La mise en position de sécurité (couché en décubitus latéral gauche) et l’appel des numéros d’urgence sont les deux principaux gestes à effectuer.
Actuellement, le dosage des IgEs contre certains allergènes de recombinaison de la noisette permet de caractériser certains profils cliniques. La présence d’IgEs contre Cor a 9 et Cor a 11 est associée aux réactions systémiques (comme celles présentées par notre patiente). Mais la présence des IgEs contre Cor a 1 est associée aux réactions légères de type syndrome d’allergie orale6.

Évolution du cas clinique

Le diagnostic est facilement confirmé par la positivité isolée du prick test à un extrait commercial de noisette (6 x 12 mm). Le dosage des IgE sériques spécifiques (IgEs) était positif (45,34 kUA/l). Le diagnostic d’AA à la noisette est évident et il est inutile de soumettre l’enfant à un test de provocation par voie orale. Cette AA était isolée, une éviction stricte est fortement recommandée, sans récidive.

1. Wensing M, Koppelman SJ, Penninks AH et al. Hidden hazelnut is a threat to allergic patients. Allergy 2001 ; 56 : 191-2.
2. Vadas P, Perelman B. Presence of undeclared peanut protein in chocolate bars imported from Europe. J Food Prot 2003 ; 66 : 1932-4.
3. Dutau G. Adrénaline. In : Dictionnaire de l’anaphylaxie. Paris : Phase 5 Éditeur, 2015, pages 9-11.
4. Enrique E, Pineda F, Malek T et al. Sublingual immunotherapy for hazelnut food allergy: a randomized, double-blind, placebo-controlled study with a standardized hazelnut extract. J Allergy Clin Immunol 2005 ; 116 : 1073-9.
5. Muraro A, Roberts G, Worm M et al. Anaphylaxis: guidelines from the European Academy of Allergy and Clinical Immunology. Allergy 2014 ; 69 : 1026-45.
6. Dutau G. Noisette. In : Dictionnaire des principaux allergènes. Paris : Phase 5 Éditeur, 2014, p. 98-99.


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