2/Congrès 2012 des Sociétés Médico-Chirurgicales de Pédiatrie, Bordeaux

En France, seules 3 molécules ont l’autorisation de mise sur le marché chez l’enfant :

• l’oméprazole pour l’œsophagite ulcérée chez l’enfant de plus de un an ;
• l’esoméprazole et le pantoprazole chez l’enfant de plus de 12 ans dans les indications d’œsophagite peptique, de prévention des récidives d’œsophagite, mais aussi du RGO symptomatique.

Leur utilisation peut toutefois être tolérée même avant l’âge de un an selon les recommandations Afssaps (grade C) (1).

La confusion demeure parfois chez le nourrisson qui régurgite et qui pleure.

– L’œsophagite expose volontiers à une satiété précoce, une douleur per-prandiale, une perte de poids, et rarement à une carence martiale, ce qui la distingue des coliques.

– Il n’est pas recommandé de traiter un nourrisson par IPP en cas de coliques ou de pleurs isolés (Accord professionnel) (1). En cas de doute persistant, un essai empirique peut être institué, mais arrêté au bout de 48 heures en cas d’absence de réponse clinique (3).

– Il n’est pas recommandé de traiter par IPP un enfant qui a fait un malaise en l’absence de RGO pathologique

– Toute épigastralgie ne requiert pas d’IPP. La dyspepsie du grand enfant (épigastralgie accompagnée de satiété précoce, éructations, ballonnements) est à distinguer des douleurs de gastrite ou d’ulcère et n’est donc pas une indication.

– Dans un contexte d’hémorragies digestives de faible abondance induites par des vomissements itératifs, il n’y a pas lieu d’explorer et de traiter par antisécrétoires, sauf en cas de prise d’AINS.

– Un traitement antisécrétoire n’est pas recommandé pour la prévention des hémorragies liées au stress en réanimation ni dans la prise en charge des varices œsophagiennes hémorragiques ou non.

Les indications selon la symptomatologie

– Devant un RGO compliqué avec reflux acide authentifié par pH-métrie ou avec lésions œsophagiennes endoscopiques, un traitement de 2 à 3 mois par IPP est recommandé (1, 4).

– Une hémorragie digestive nécessite une exploration endoscopique. Lorsque l’endoscopie est différée, un traitement d’attente par IPP peut être prescrit (Accord professionnel) (1).

– La contamination par Helicobacter pylori survient dans l’enfance, d’autant plus précocement que le niveau socio-économique est bas. En France, le taux d’infection chez l’enfant est de 5 à 10 % selon l’âge. L’infection est rare avant 4 ans. Dans tous les schémas de traitement validés, une cure de 7 jours d’IPP (en l’absence d’ulcère) est préconisée en association à deux antibiotiques.

Un hiatus entre indications et utilisation

Les mesures hygiéno-diététiques jugées insuffisantes par les familles, l’inefficacité des prokinétiques et le bon recul de leur utilisation chez l’adulte ont fait multiplier par 4 les prescriptions depuis 2000 en pédiatrie aux USA (5) dans des indications discutables (RGO dans 59 % des cas et coliques dans 20 % des cas).
Il faut donc insister pour une utilisation plus ciblée, contrairement aux traitements empiriques prescrits trop souvent aux long cours devant des symptômes ORL peu spécifiques et sans démonstration étayée de RGO.

Les effets indésirables des IPP

Les IPP ont la réputation de générer peu d’effets secondaires en fréquence, et de type mineurs.

  • Les études chez l’enfant

La dernière revue de la Société européenne de gastroentérologie fait toutefois part de 14 % d’effets secondaires !
Chez 80 patients encéphalopathes traités de 3 à 11 ans, dont 35 pendant plus de 5 ans et 15 pendant plus de 8 ans, seulement six réactions adverses ont été notées : nausées, diarrhée, rash cutané, état d’agitation ou irritabilité (6).
Rappelons qu’il n’existe pas d’indication “officielle” pour la prescription d’IPP au long cours chez l’enfant.
Sur 2 943 appels pour effets secondaires des IPP au Texas, entre 1998 et 2004, une gestion à domicile a été possible dans tous les cas sans hospitalisation (7).

Toutefois, des réactions iatrogènes graves et polymorphes sont rapportées :
• réactions cutanées (éruption, urticaire, prurit) ;
• réactions hématologiques (leucopénie, anémie, thrombopénie) ;
• réactions digestives (hépatite, pancréatite ou colite) ;
• réactions psychiatriques (confusion mentale) ;
• et pullulation microbienne ou sensibilité aux infections.

Concernant ce dernier point, une étude multicentrique prospective (8) pour évaluer l’impact des anti-sécrétoires sur la fréquence des pneumonies et des GEA a été conduite en Italie chez des enfants âgés de 4 à 36 mois traités pour RGO compliqué. Ils étaient traités pendant 2 mois par anti-H2 10 mg/kg chez 50 enfants ou par 1 mg/kg d’omeprazole chez 50 enfants. La durée du suivi a été de 4 mois. Le taux de gastroentérites et de pneumonies était significativement plus important dans le groupe traité par rapport à un groupe placebo apparié (47 % de GEA contre 20 % et 12 % de pneumopathie, contre 2 % , sans différence entre anti-H2 et IPP).

  • Les effets potentiels à long terme : les études chez l’adulte

De plus, en théorie, la gastrine stimule la croissance des cellules de la lignée hépatocytaire. Or les inhibiteurs de la pompe à protons entraînent un état d’hypergastrinémie.

Une banque de données (9) des vétérans soignés dans 4 états du sud des Etats-Unis (cohorte de 484 226 patients) note que 112 343 (22,3 %) prenaient des inhibiteurs de la pompe à protons et 409 (0,09 %) avaient un cancer hépatocellulaire. Après ajustement sur l’âge, la race, le sexe, la présence d’un diabète, la notion de tabagisme et d’alcoolisme, les sujets traités sont apparus plus à risque de développer un cancer hépatocellulaire (odd ratio = 1,52 ; IC 95 % : 1,23-1,87 ; p < 0, 0001).
Des travaux prospectifs contrôlés sont souhaitables pour vérifier les résultats de cette étude américaine qui a mis en évidence une augmentation de 52 % du risque de cancer hépatocellulaire dans une population de vétérans traités par IPP.

En ce qui concerne le cancer du côlon, il n’existe pas de sur-risque chez les patients traités par IPP, alors que pour les cancers de l’estomac les études divergent. Par ailleurs, il a également été montré que des traitements longs par IPP favorisaient la survenue de polypes (par hypertrophie des cellules pariétales) et de nodules gastriques (10).

Enfin, la question de la prédisposition à l’ostéoporose et aux fractures ostéoporotiques chez les patients adultes traités par IPP reste posée. Les dernières études montrent là aussi des résultats divergents.

Conclusion

L’Afssaps a pu rappeler les principales indications des IPP mais a surtout souligné les utilisations superflues ou non démontrées par l’evidence-based medicine. De plus, les nombreux effets secondaires décrits doivent conduire à une utilisation contrôlée de ces traitements. Le rôle des pédiatres est maintenant de suivre les recommandations d’experts dans leur pratique quotidienne.

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