Parler de l’allaitement soulève parfois des débats passionnés entre défenseurs de l’allaitement maternel “à tout prix” et partisans d’une liberté de choix : celle des femmes qui choisissent d’allaiter ou pas, choix qui doit être libre et éclairé. Le médecin a pour rôle de protéger ce droit fondamental – celui de tout nourrisson de pouvoir bénéficier du lait de sa mère – et cela passe par un éclairage des parents visant à leur apporter les éléments les plus objectifs sur les bienfaits de cette alimentation, mais aussi les réponses à leurs éventuelles difficultés.
Il est difficile d’aborder ce thème sans tenir compte du contexte culturel et de l’environnement dans lequel les parents évoluent. L’établissement par l’OMS des nouvelles courbes de croissance des nourrissons allaités a permis de créer un standard selon lequel tous les enfants allaités, quels que soient le continent, l’ethnie, vont en moyenne suivre une courbe de croissance pondérale comparable. Ces courbes sont très différentes de celles des enfants sous préparations infantiles. Dans ce dossier, A.C. Chary-Tardy nous donne un aperçu transculturel des interactions entre allaitement et relations humaines à l’échelle du cercle familial et des ethnies. P. Nathan apporte des données actualisées sur l’instauration et la composition de la flore des nourrissons pendant les 1ers mois de vie. Cette flore intervient de façon indéniable dans les processus de défense immunitaire à court, moyen et long termes. Par quelques cas cliniques pratiques, I. Loras-Duclaux rappelle la nécessité de connaître la sémiologie de la croissance des nourrissons allaités et les moyens de soutien dans les cas où l’allaitement évolue de façon inhabituelle. Le sevrage de l’allaitement maternel représente une étape importante dans ce processus : un allaitement réussi doit aussi inclure un sevrage bien réalisé. Ses modaliés doivent tenir compte du contexte culturel, du choix des parents, mais aussi du nourrisson, ainsi que des possibilités familiales. A l’heure où plusieurs préparations infantiles sont développées avec pour objectif de se rapprocher le plus possible de la composition du lait maternel (enrichies en prébiotiques, probiotiques…), il est important de rappeler que le lait maternel reste et restera la référence. Toutes les préparations infantiles améliorées (“laits plus”) devront être comparées, non pas au lait maternel, mais plutôt aux préparations lactées standard. Ainsi, les bienfaits allégués de ces aliments, diminution du risque d’allergie, colique, diarrhée…, s’ils sont validés par des études cliniques, permettront de proposer aux parents une alternative la plus adaptée possible lorsque l’allaitement maternel n’est pas réalisable.
Ainsi, pour un allaitement réussi, le médecin se souviendra toujours de la nécessité d’un soutien constant à l’allaitement, d’un suivi régulier de la croissance sur des courbes adaptées et d’une aide au sevrage le moment opportun.