Allergie aux protéines de lait de vache

Le symposium organisé par Menarini lors des 14es Rencontres de Pédiatrie Pratique, et modéré par le Pr Christophe Dupont, a permis de faire le point sur la prise en charge actuelle de l’APLV.

1- Comment identifier les formes atypiques d’ALPV ?

Quels symptômes ?
Alors que l’APLV aiguë, IgE-dépendante, se manifeste dans les 2 h suivant l’ingestion de lait de vache et par les symptômes classiques de l’allergie, l’APLV non IgE-médiée est plus difficile à identifier. Ces réactions, chroniques et retardées, donnent lieu à des symptômes variés et non spécifiques :

  • digestifs (50-60 % des cas) = diarrhée chronique, constipation, vomissements, reflux gastro-oesophagien (RGO), coliques, rectorragies, prolapsus rectal, anorexie, hématémèse;
  • cutanés (50-60 % des cas) = dermatite atopique, surtout si elle apparaît avant l’âge de 6 mois, érythème et/ou irritations anales pouvant aller jusqu’à la fissure ou fistule ;
  • respiratoires (20-30 % des cas) = asthme, rhinites chroniques, infections respiratoires fréquentes ;
  • autres = troubles du sommeil, troubles psychologiques, retards de croissance…

Ces symptômes, lorsqu’ils sont associés, anormalement durables et/ou résistants aux traitements, doivent faire évoquer une APLV. Seule l’éviction du lait de vache permet leur disparition.

Quelques exemples cliniques, en pratique

  • Allergie ou intolérance ?
    L’allergie répond à une véritable définition immunologique. Ainsi, des ballonnements et un inconfort digestif améliorés avec un régime restrictif comprenant l’éviction du lait de vache peuvent provenir d’une simple intolérance au lactose.
  • Allergie ou changement d’alimentation ?
    Le transit est lié au mode d’alimentation et il est fréquent d’observer son ralentissement et/ou des ballonnements lors du sevrage. Chez un enfant qui présente d’autres signes (atopie, fissure annale…), il faut cependant savoir évoquer l’APLV.
  • Allergie ou simple reflux ?
    Des vomissements itératifs sur lesquels tous les traitements médicamenteux échouent doivent aussi faire évoquer l’APLV, même lorsque le transit, la croissance et l’examen clinique sont normaux.
  • Allergie ou mucoviscidose ?
    Devant des ballonnements, diarrhées chroniques, prolapsus rectaux, il convient, avant de poser le diagnostic d’APLV, d’envisager la possibilité d’une mucoviscidose. Dans ce cas, les hydrolysats poussés améliorent aussi ces enfants.

 

2- Immunothérapie et désensibilisation : où en est-on ?

Dans les APLV IgE-médiées persistantes, seul le régime d’éviction est efficace, mais il entraîne de nombreuses contraintes. Des essais par immunothérapie (IT) au lait de vache ont été réalisés, par voie injectable, orale ou locale. Notre objectif actuel est d’augmenter le seuil de tolérance aux PLV des enfants, ce qui, la plupart du temps, se révèle suffisant : diminution des risques en cas d’ingestion accidentelle, élargissement du régime alimentaire, reprise de confiance, “sociabilisation”, et meilleure qualité de vie.

  • L’IT “classique” orale consiste à donner des doses croissantes de lait de vache. Staden U et al. (Allergy 2007 ; 62 : 1261-9) obtiennent, sur une durée médiane de 21 mois, 36 % de répondeurs, 12 % de répondeurs à la condition de représenter régulièrement l’allergène, 16 % de répondeurs partiels et 36 % de non répondeurs. Cependant, cette IT peut induire des effets secondaires parfois sérieux.
  • La voie sublinguale a été évaluée dans une étude préliminaire de D. de Boissieu et C. Dupont (Allergy 2006 ; 61 : 1238-9) chez 8 enfants de 6 à 17 ans ayant une APLV IgE-médiée, avec des résultats encourageants : administration quotidiennement 0,1 à 0,8 ml de lait de vache (< dose réactive) sous la langue pendant 6 mois. Parmi les 6 enfants ayant terminé l’étude, 4 ont normalisé leur régime et 2 ont augmenté leur dose réactive (de 8 à 93 ml et de 14 à 44 ml). A la suite de ces résultats, E. Bidat et al. ont mis au point une étude multicentrique, prospective, randomisée, LACTAIDE, comparant des enfants traités par IT sublinguale au lait, à des témoins (régime sans PLV). Les résultats préliminaires sont comparables à ceux obtenus avec une IT orale, avec une meilleure tolérance (possible allergie de contact).
  • L’équipe de C. Dupont (American Academy of Allergy, Asthma and Immunology Annual Meeting 2009, abst. 700) a également expérimenté la voie épicutanée (patchs de PLV), avec des résultats prometteurs.

 

3 – Intérêt d’une nouvelle formule HPP dans l’APLV

APLV et RGO sont souvent liés (le RGO est l’un des signes de l’APLV ; 20 % des nourrissons présentent un RGO au sein de la population générale, et au moins autant parmi les enfants atteints d’APLV), et il est parfois difficile de distinguer les régurgitations primaires de celles liées à l’APLV.

Traiter l’APLV et le RGO ?

Chez le nourrisson, des recommandations proposées par Vandenplas et al. (Arch Dis Child 2007 ; 92 : 902-8) concernant la prise en charge d’une APLV incertaine préconisent un régime d’exclusion avec substitution par un hydrolysat poussé. Mais, s’ils traitent efficacement les symptômes de l’APLV, ils ne permettent pas de supprimer les régurgitations liées à un reflux primitif. Du fait de caractère très liquide, les formules d’HPP auraient même tendance à les favoriser. Ces deux pathologies étant fréquentes et pas toujours distinguables en pratique, il était judicieux de proposer une spécialité associant hydrolysat poussé et épaississement, permettant de traiter conjointement les deux pathologies. Allernova® AR (Anti-Régurgitation), association d’un hydrolysat poussé de caséine ayant déjà fait ses preuves dans le traitement de l’APLV et d’un amidon de maïs traité spécifiquement pour préserver la viscosité et l’équilibre nutritionnel (ce qui n’est pas le cas avec un épaississement “maison”) répond à ce double objectif.

Une étude pilote prometteuse

Une étude pilote coordonnée par Y. Vandenplas a été réalisée avec Allernova® AR chez 24 enfants pour lesquels il y avait suspicion de RGO et/ou d’APLV, et restant symptomatiques malgré une formule anti-régurgitation ou un hydrolysat poussé. Après 1 semaine d’utilisation, les parents ont noté une diminution significative de plus de 60 % de la fréquence des régurgitations (Figure ci-dessous). Les 18 enfants qui ont poursuivi le traitement pendant 6 mois (durée moyenne de consommation : 125 j) ont bien toléré la formule et présenté une courbe staturo-pondérale normale. Allernova® AR possède un pouvoir satiétogène plus élevé, n’augmente pas l’effet calorique par rapport à l’épaississant ajouté et ne modifie pas spécifiquement la consistance des selles. Une étude est prévue pour confirmer les bénéfices d’Allernova®  AR sur une plus large population.


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