Allergie aux protéines du lait de vache

Le lait, base de l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, lui apporte tout le nécessaire à sa croissance : calories, nutriments, vitamines et minéraux. En cas d’allergie aux protéines du lait de vache, celui-ci est remplacé par un hydrolysat dont la composition varie un peu d’un laboratoire à l’autre, mais dont la formulation se rapproche d’une préparation classique. Si l’enfant allergique boit son hydrolysat en quantité suffisante, il n’y a donc pas de risque de carence en nutriments, vitamines et minéraux.

De quelle dose de lait se contenter chez le nourrisson non encore diversifié ?

Les apports nutritionnels conseillés (ANC) sont de l’ordre d’une centaine de Kcal par kg et par jour, pour l’enfant de moins de un an. Les hydrolysats apportent en moyenne 70 Kcal pour 100 ml. Il faudrait donc que l’enfant boive 140 ml par kg et par jour pour couvrir ses besoins.

En pratique :
Certains enfants peuvent avoir besoin de davantage pour assurer une bonne cinétique de croissance. Dans ce cas, il faut enrichir leur lait. Deux moyens s’offrent à nous :

1. La concentration de l’hydrolysat

Les hydrolysats ayant une osmolarité faible, il est possible d’augmenter leur taux de reconstitution jusqu’à 20 %, sans désordre digestif.

En pratique : Le lait se reconstitue toujours en diluant une mesurette de poudre pour 30 ml d’eau (taux de reconstitution du fabricant, en moyenne 14 %, le lait apportant environ 0,7 Kcal/ml). On peut conseiller de reconstituer le lait en diminuant la quantité d’eau : d’abord une mesurette pour 25 ml d’eau, puis pour 20 ml d’eau (taux de reconstitution d’environ 20 %, le lait apportant environ 1 Kcal/ml). Ce système a l’avantage de n’utiliser qu’un produit (l’hydrolysat) et d’être simple à l’emploi.

2. L’enrichissement en huile et dextrine maltose

Il peut arriver cependant qu’un enfant ne tolère pas cette concentration au niveau digestif ou ait besoin de plus de 1 Kcal/ml. Nous pourrons alors tester l’ajout dans chaque biberon d’huile et de dextrine maltose (DM). L’idée de l’huile peut surprendre les parents : il suffit de leur montrer que le lait que boit leur enfant en contient déjà et que nous allons juste en ajouter de sorte à compléter ce qui manque. La DM est un glucide disponible en pharmacie ; elle ne modifie ni la texture, ni le goût du lait.

En pratique :

  • Les quantités de chaque produit sont, pour 100 ml de lait reconstitué normalement :

• 1/2 cuillère à café (soit 1,5 ml) d’huile + 1/2 mesurette de DM (en prenant la mesurette de la boîte de lait, soit 3 g environ) pour obtenir 0,9 Kcal/ml ;

• 1 cuillère à café (soit 3 ml) d’huile + 1 mesurette de DM (soit 5 g) pour obtenir 1,1 Kcal/ml.

  • Il est préférable d’ajouter un produit à la fois, sur plusieurs jours, et d’augmenter progressivement les quantités. On peut ainsi aller jusqu’à 1,2 Kcal/ml. Au-delà, l’osmolarité devient trop importante et des troubles digestifs peuvent apparaître.

Quelle huile utiliser ? De préférence des huiles permettant d’apporter des acides gras essentiels (AGE) différents, neutres en goût, et raffinées pour limiter le risque allergique. L’utilisation d’huiles permet en outre de couvrir les besoins en vitamine E.

En pratique : Alterner 1 jour sur 2 huile de tournesol et huile de colza serait l’idéal.

(NB : Il existe une poudre d’enrichissement apportant lipides et glucides (Duocal®) et permettant un enrichissement jusqu’à 1,4 Kcal/ml, mais celle-ci n’est disponible qu’en pharmacie hospitalière. Il existe également des préparations avec triglycérides à chaîne moyenne (TCM) pour remplacer l’huile (Liprocil® et Liquigen®), mais elles ne sont pas indiquées dans le cadre d’allergie aux protéines du lait de vache sans pathologie associée).

Comment faire boire l’hydrolysat ?

Il est fréquent, compte tenu du goût et de l’odeur des hydrolysats, que la quantité bue soit insuffisante ; ceci s’observe surtout lors de la diversification. Il est possible qu’un enfant préfère une marque à une autre, mais, en pratique, aucun ne faisant vraiment l’unanimité, il semble raisonnable de ne pas tous les tester. La seule solution est alors d’en modifier le goût. Selon l’âge de l’enfant et son avancée dans la diversification, on pourra :

1. Proposer d’ajouter :

Du sucre ou du miel : Ce sont les seuls aliments que l’on puisse introduire avant la diversification. Cette solution n’est bien sûr pas idéale, mais la priorité est que le nourrisson boive son hydrolysat. On constate souvent que l’enfant boit par faim à certaines heures, on peut alors sucrer uniquement les biberons qui sont systématiquement refusés ou ajouter le sucre une fois que l’enfant rassasié boudera la fin du biberon.

Des céréales infantiles : Il existe de nombreuses marques, de nombreux parfums. Il faut bien sûr s’adapter au stade de la diversification en ce qui concerne les ingrédients (attention aux mélanges de fruits ou de légumes). Les céréales peuvent être ajoutées dans le biberon ou proposées en bouillie, à la cuillère.

(NB : Les céréales contiennent quasiment toutes des traces de lait, dans le cadre d’une éviction stricte excluant toute trace, on peut s’orienter sur la marque Babybio®1)

Du cacao en poudre, du sirop de fruit

(NB : Le traditionnel Nesquick®1 ne contient ni trace de lait, ni fruit à coque)

De la compote de fruit, des légumes mixés : Ils peuvent aussi être ajoutés dans le biberon. En revanche, ajouter de l’hydrolysat dans les purées peut avoir l’effet pervers que l’enfant refuse alors tout aliment, car il y retrouve le goût de l’hydrolysat.

Des biscuits : Ils peuvent être ajoutés dans le biberon ou proposés en panade.

(NB : Il existe des biscuits garantis sans lait de vache, notamment chez Valpiform®1)

2. Cuisiner l’hydrolysat

Il est possible de remplacer le lait de certaines recettes par l’hydrolysat. Les résultats sont variables et ne doivent pas faire baisser les bras au premier échec ! Des recettes sont disponibles auprès des marques ou sur Internet, notamment sur le site du CICBAA.

De quelle dose de lait se contenter chez l’enfant diversifié ?

Les hydrolysats sont malheureusement assez pauvres en calcium pour la grande majorité des enfants allergiques car, en moyenne, en dessous de 700 ml/j. Il faut envisager une supplémentation calcique médicamenteuse. Le calcul de la supplémentation est simplement la différence entre les ANC et les apports calciques quotidiens (selon la teneur de l’hydrolysat et la quantité journalière bue en moyenne). L’idéal reste bien sûr que l’enfant boive son hydrolysat à chaque repas ; c’est-à-dire un grand biberon de l’ordre de 200 ml matin et soir, et un complément de purées de légumes à midi et de fruits au goûter, de l’ordre de 120 ml.

En pratique :
Plus l’enfant grandit, plus il est difficile de maintenir ces quantités. Un objectif réaliste serait de 500 ml/j entre 8 mois et l’âge de réintroduction (12 à 24 mois).

Quels aliments faut-il contrôler pour éviter les carences ?

Il faut faire le tour des apports et contrôler les quantités :

• De protéines
Pour assurer un bon apport protidique, on peut conseiller, par rapport à l’enfant non allergique, de doubler les quantités de viandes, poissons et oeufs, soit 20 g/j à 1 an et 40 g/j à 2 ans en raison de l’absence de laitages. Ceci a en outre l’effet d’augmenter les apports en fer, en vitamines B (viandes) et en vitamine A (poissons gras).

• De graisses
A partir de 8 mois, l’ajout de matière grasse dans les préparations devient indispensable. Cet ajout peut varier de 1 c. à café le midi à 1 c. à soupe midi et soir, selon la prise pondérale de l’enfant. Les matières grasses peuvent être les huiles, mais aussi les margarines qui permettront plus de facilités pour la cuisine.

(NB : Saint Hubert®1 a créé une margarine garantie sans lait, Pur’Végétal®) Les huiles couvrent les besoins en acides gras essentiels et en vitamine E. L’ajout de matière grasse évite par ailleurs le syndrome du colon irritable dont les manifestations pourraient faire croire à une reprise des symptômes de l’APLV.

• De féculents
Pour augmenter les apports caloriques et équilibrer la ration alimentaire, le tiers de l’assiette (à la moitié selon la prise pondérale) doit être constituée de pomme de terre, pâtes, riz… Il est possible aussi de proposer pain blanc (avec margarine, confiture, poudre cacaotée…) et biscuits (Valpiform®), notamment au petit-déjeuner et au goûter.

• De légumes et fruits
Une erreur fréquemment observée est un apport trop important en légumes et en fruits. Les parents ne sachant que proposer d’autre à leur enfant lorsqu’il refuse son hydrolysat, ont tendance à donner des légumes midi et soir, et des fruits à chaque repas. Or, sous cet apparent volume, les apports sont quasi nuls puisque ces aliments sont constitués de 85 à 90 % d’eau. On peut alors conseiller aux parents de réaliser des desserts maison au moins une fois par jour, à base de “lait” de riz. C’est d’ailleurs la seule indication des laits végétaux. On utilisera une préparation à base de riz, plutôt que de soja ou fruit à coque, en raison du risque allergique, afin de créer des crèmes desserts, des crêpes… Même si les apports du « lait » de riz en lui-même sont quasi nuls, il permettra d’apporter d’autre aliments : farine, oeuf…, sous une forme que toute la famille peut partager. Ceci permet en outre une sociabilisation de l’enfant allergique par la convivialité du repas.

(NB : Il existe des crèmes dessert à base de riz sur le site Rizen®, qui ont l’avantage d’être prêtes à l’emploi et qui apporteront quelques lipides. Par ailleurs, les poudres pour flan de la marque Impérial® ne contiennent pas de traces de PLV)

Dans les rares cas où :

  •  l’APLV persiste au-delà de 2 ans ;
  • elle est associée à d’autres allergies alimentaires ;
  • l’enfant refuse totalement tout hydrolysat (et que le soja est aussi exclus) ;
  • c’est la maman qui allaite et poursuit aussi elle-même le régime… ; un bilan détaillé des apports alimentaires devra être effectué.

Il est possible qu’une supplémentation vitaminique (A et D principalement) ou minérale (calcium) soit nécessaire. Mais il a été montré que les risques de carence sont évitables pour la grande majorité des  patients, et leurs apports nutritionnels sont équivalents, voire meilleurs, à ceux de la population témoin, grâce à ces quelques conseils et la surveillance de la courbe de croissance de l’enfant allergique aux PLV (Flammarion S et al., Rev Fr Allergol Immunol Clin, 2006).

 

1. Attention, les marques citées sont celles de ma pratique quotidienne.Il serait trop long de fournir un catalogue exhaustif de tous les produits convenant aux patients allergiques au lait. D’autre part, la composition des produits peut varier dans le temps, il est donc recommandé de vérifier systématiquement l’étiquetage d’un produit avant sa consommation.


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