Antibiothérapie par voie générale dans les otites de l’enfant

Les sociétés d’infectiologie, de pédiatrie et d’ORL ont avalisé de manière commune des recommandations de bonnes pratiques en antibiothérapie dans les otites de l’enfant (1). Le texte ne concerne que les enfants de plus de 3 mois immunocompétents, ceux de moins de 3 mois immunodéprimés nécessitant une prise en charge spécialisée. Ce texte de fin 2011 diffère peu, quant aux aspects cliniques, de la dernière recommandation de l’Afssaps de 2005. Par contre, une modification importante est intervenue dans l’antibiothérapie.

Le vaccin antipneumococcique a modifié l’écologie bactérienne

Précédemment, devant une otite moyenne aiguë (OMA) du nourrisson, trois types d’antibiotiques étaient conseillés de première intention : amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin ®), cefpodoxime-proxetil (Orelox ®), cefuroxime-axetil (Zinnat®). Depuis l’avènement du vaccin antipneumococcique, l’écologie bactérienne s’est considérablement modifiée. En effet, dans des prélèvements systématiques effectués lors d’otites chez des enfants vaccinés, la sensibilité aux antibiotiques des pneumocoques et de l’haemophilus influenzae s’est considérablement modifiée. Lors du traitement empirique d’une otite moyenne aiguë purulente du nourrisson, deux bactéries sont à redouter en premier lieu, le pneumocoque et l’haemophilus influenzae (30 % des cas pour chacune des deux bactéries), la Moraxella catarrhalis est beaucoup plus rare (au plus 10 % des infections), et dans 30 % des cas aucune bactérie n’est retrouvée.

Amoxicilline : l’antibiotique de choix des otites moyennes aiguës purulentes du nourrisson

  • Alors que les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline représentaient un fléau majeur entraînant des problèmes de santé publique, chez les enfants correctement vaccinés, il n’existe que très rarement ce type de pneumocoques au profit de pneumocoques de sensibilité intermédiaire à la pénicilline en grande majorité sensibles à l’amoxicilline.
    Par contre, ces pneumocoques, dans 50 % des cas, sont résistants aux céphalosporines de deuxième ou de troisième génération. De plus, les céphalosporines augmentent le taux de germes BLSE (bêta-lactamases à spectre élargi).
    Il n’est donc plus licite de traiter une otite moyenne aiguë du nourrisson avec des céphalosporines en première intention.
  • En ce qui concerne l’haemophilus influenzae, le pourcentage des souches productrices de pénicillinase est descendu à 17 % avec des souches de sensibilités diminuées au bêtalactamines par modification de la PLP3 (protéine liant les pénicillines), soit environ de 5 %.
    Une récente étude publiée dans le  New England Journal of Medicine en2012 (et oui, il est possible de publier dans cet illustre journal une étude sur une pathologie aussi banale que les otites moyennes aiguës du nourrisson), un essai randomisé a permis de mettre en évidence que 50 % des otites moyennes aiguës purulentes du nourrisson étaient guéries sous placebo (2, 3).
    Il serait licite de traiter les otites à haemophilus influenzae par amoxicilline-acide clavulanique afin de cibler les sécréteurs de bêta-lactamases. Mais ceux-ci ne représentant que moins de 20 % des 30 % d’haemophilus responsables de l’ensemble des otites, ceci ne représente que 6 % au total. En considérant que la moitié cède sous placebo, le risque d’échec, en ne ciblant pas les bêta-lactamases, n’est donc plus que de 3 %.
    La conclusion bactériologique théorique de cette petite démonstration d’antibiothérapie est que l’amoxicilline devient l’antibiotique de choix de toutes les otites moyennes aiguës purulentes du nourrisson.

Comment traiter en pratique ? (figure 1)

En première intention
L’amoxicilline doit être préconisée à la dose de 80 à 90 mg/kg/jour. Si le temps entre les trois prises quotidiennes ne peut être équidistant (ce qui est quasiment toujours le cas, parlez-en aux nourrices…), il est préférable d’administrer le produit en deux prises pour une durée de huit à dix jours chez le nourrisson.
Toutes les autres antibiothérapies ont un rapport bénéfices-risques moins favorable exposant donc à une efficacité moindre ou à plus d’effets secondaires.
Les exceptions
Toutefois, certaines situations imposent de modifier l’antibiothérapie de première intention. Il s’agit :
  • du nourrisson victime d’un syndrome otite conjonctivite où la probabilité d’une infection à haemophilus influenzae est de plus de 70 % ;
  • d’un nourrisson ayant une allergie aux pénicillines sans allergie aux céphalosporines.
Le cefpodoxime proxétil est alors préconisé, du cotrixmoxazole en cas de contre-indication avérée aux bêta-lactamines (attention aux rares mais dramatiques effets iatrogènes), et enfin le recours à une injection intramusculaire de ceftriaxone dont la seule indication libellée par l’AMM est l’impossibilité d’assurer un traitement adapté par voie orale.
En cas d’échec
En cas d’échec du traitement antibiotique sans avoir besoin d’une paracentèse, l’amoxicilline sera switchée au profit de l’association amoxicilline-acide clavulanique. En cas de deuxième échec, un avis ORL est recommandé pour juger de l’opportunité d’une paracentèse.
Rappelons qu’aucun antibiotique n’est requis dans les otites congestives et les otites séro-muqueuses et que, chez les enfants de plus de deux ans, l’antibiothérapie n’est recommandée qu’en cas de symptômes intenses.

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