Coliques du nourrisson

Ce que dit la littérature…

Le premier réflexe est de se fier à la littérature : ce travail de revue systématique et de méta-analyse a été effectué récemment (37, 38) et voici ce que nous pouvons en retenir :

Le portage

Les auteurs estiment, en ce qui concerne la prise en charge comportementale, que le portage n’a pas d’effet et que les “berceaux à vibrations” n’apportent pas d’amélioration significative. Les méthodes d’évaluation des conseils et de “l’entraînement intensif” des parents sont trop peu fiables pour pouvoir conclure.

Les médicaments

Les médicaments étudiés n’ont aucun intérêt : la diméthicone (Polysilane®) n’a pas d’efficacité ; la dicyclomine et la méthylscopolamine (qui a trop d’effets secondaires) ne sont pas commercialisées en France.

Les plantes ou infusions

Les infusions aux plantes ont montré un effet, mais la consommation nécessaire est de 32 ml/kg/j au moins, ce qui implique une ration lactée moindre et des conséquences nutritionnelles négatives possibles en cas de consommation prolongée.

La prise en charge diététique

– Le régime d’éviction des PLV chez la mère qui allaite est très discutable ;
– le lait enrichi en fibre et le lait enrichi en lactase n’ont pas démontré d’efficacité patente ;
– le lait sans PLV représente un essai thérapeutique souhaitable (le lait de soja n’ayant sa place qu’en deuxième intention).

Notre expérience pratique : plus nuancée

Notre expérience de pratique quotidienne est plus nuancée.

  • Tout d’abord, au niveau sémantique, les coliques forment un syndrome et ne sont pas synonyme d’une douleur isolée.
  • La gravité de ce syndrome est difficile à apprécier :
    – le nourrisson ne peut nous indiquer sur une échelle précise l’importance de la douleur ;
    – et certains parents estiment que les pleurs sont inconsolables s’ils ne cessent pas dès que l’enfant est dans leurs bras !
  • Or, la prise en charge est différente selon le type et l’intensité des coliques.
  • Ensuite, leur origine étant sans aucun doute multifactorielle, l’approche thérapeutique doit être polymorphe. Il nous semble donc licite de proposer certaines mesures systématiquement et certaines adaptées au contexte clinique.

Ce que nous conseillons…

Nous proposons ce canevas, plus qu’un guide de consultation.

La première étape

Elle consiste en un examen clinique soigneux et une écoute attentive de la description des coliques et de l’attitude des parents vis-à-vis de ces symptômes. Les consultations se prolongent donc souvent.

Une fois les diagnostics différentiels éliminés

Il s’agit d’informer la famille de la nature bénigne des coliques et de leur caractère transitoire. Ne confondons pas bénignité et réalité du vécu douloureux à l’origine d’une attitude médicale trop désinvolte.

Seul un discours initialement emphatique permettra, en la partageant, de gérer l’anxiété parentale. Car rassurer n’est pas une prescription facile, d’autant plus qu’on ne peut jurer de l’efficacité constante de tel ou tel traitement. Il convient d’expliquer que les pleurs ne sont pas obligatoirement synonymes de douleurs, mais un mode d’expression type « je crie, donc je suis ! ». N’a-t-il pas crié à la naissance ? Et pourtant cela ne vous a-t-il pas procuré une joie intense !

Le portage

Il n’est pas efficace dans les méta-analyses. Toutefois, Taubman (39) a montré que les conseils prodigués aux parents sont plus efficaces que les changements alimentaires, qui eux sont efficaces dans les études… Quoi qu’il en soit, le portage permet de “prendre l’affaire en main” et de ne pas rester les “bras ballants”.
En pratique, il est réalisé sous forme d’une tenue du nourrisson en décubitus ventral, tête ballante, avec les mains jointes de la mère dans la région épigastrique, ou l’abdomen de l’enfant contre la cuisse de la mère. Cette résolution active aide les parents à se déculpabiliser et à diminuer la distension abdominale du nourrisson par un massage.

Des périodes de repos pour la famille

Il est indispensable de ménager des périodes de repos pour toute la famille. Dans la spirale socio-professionnelle actuelle, c’est une gageure ! Mais il est aisé de comprendre qu’à la fin de la journée (au moment où il pleure le plus), des parents rentrant harassés du travail ou une mère fatiguée par des tâches ménagères et les cris incessants du bébé, la disponibilité pour porter et rassurer l’enfant soit réduite (à néant ?).

Des petits moyens d’apaisement à conseiller

Promenades, en particulier en voiture, balancement doux, musique, suppression des causes d’aérophagie (faire boire lentement, diminuer le calibre de la tétine, proposer une tétine de manière adaptée).

La prise en charge diététique

Ensuite, la prise en charge diététique sera guidée par les symptômes associés éventuels du nourrisson.

  • S’il présente des régurgitations fréquentes, un lait pré-épaissi sera prescrit, en cas de constipation une formule adéquate sera proposée.
  • En cas d’antécédents d’atopie familiale ou personnelle, un régime avec un hydrolysat poussé sans protéines au lait de vache doit être entrepris ; une épreuve de réintroduction des PLV vers l’âge de 6 mois sera préconisée pour avaliser le diagnostic.
  • S’il ne présente aucun symptôme digestif associé, des formules de laits appauvris ou sans lactose peuvent être associés, un essai thérapeutique avec des préparations à base de soja est aussi une alternative séduisante, car ces formules adaptées pour le nourrisson sont sans lactose et sans protéines de lait de vache.
    Il ne semble toutefois pas légitime de modifier sans cesse les prescriptions de lait. A la place d’une “valse des laits”, concentrons-nous sur une “danse” harmonieuse entre parents et enfants !

“Le bébé, l’environnement et les troubles fonctionnels intestinaux”

A la fin de l’entretien, une figure triangulaire est proposée avec, comme trois angles, le bébé, l’environnement et les troubles fonctionnels intestinaux.

On propose aux parents de situer leur enfant dans ce triangle. Ce schéma a l’avantage de faire reprendre la main aux parents, d’avoir un dessin de l’évolution au fil des consultations (on refait le schéma à chaque consultation) et de mieux comprendre le phénomène, donc de maîtriser la situation qui, de fait, est moins anxiogène. Les bébés pleurent parfois tout autant, mais ces pleurs sont mieux tolérés.


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