Congrès de l’ESPGHAN 2010

Du 9 au 12 juin, s’est tenu à Istanbul le 43e congrès de la Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (ESPGHAN). Nous vous livrons ici une sélection de quelques présentations phares…

Méfions-nous des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)…

L’usage actuellement répandu des anti-sécrétoires et la description de plusieurs effets secondaires différents chez l’adulte ont conduit plusieurs auteurs à se poser la question de la prévalence de ces complications chez l’enfant, notamment l’augmentation des infections.

• Dans le premier travail présenté par Salvatore et al. (1), 146 enfants et nourrissons (NRS) traités par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et 41 témoins étaient prospectivement suivis pendant une durée médiane de 4 mois (2-12 mois).
Les auteurs relevaient une plus forte fréquence des infections à l’âge de 9 mois :

– 17 versus 2, chez les nourrissons de 1-3 mois ;
– 32 versus 4, à l’âge de 4-6 mois ;
– 49 versus 5, entre 5-7 mois ;
– 6 versus 3, entre 10-12 mois.

Quatre cas de pneumonie étaient rapportés : 3 NRS traités par IPP et 1 NRS traité par anti-H2.
La survenue d’une infection urinaire était observée chez 6 patients du groupe IPP versus 1 patient du groupe témoin.

• La deuxième étude (2) concernait le lien entre traitement anti-sécrétoire et la survenue d’une infection digestive à Clostridium difficile (CD). Les auteurs ont réalisé une étude cas-témoins chez les sujets hospitalisés pour premier épisode d’infection digestive à CD. Cette étude incluait 68 cas et autant de témoins.
Les facteurs pouvant contribuer à un risque augmenté d’infection à CD étaient analysés.
Le seul facteur significativement associé à un risque de CD était l’usage de traitements antisécrétoires :

– traitement par IPP : Odds ratio (OR) = 4,52 ; IC 95 % = 1,4-14,4 ; p = 0,006 ;
– traitement par anti-H2 : OR = 3,78 ; IC 95 % = 0,7-18,9 ; p = 0,08.

L’enfant obèse et le reflux gastrique…

Il est connu depuis longtemps, chez l’adulte, que l’obésité représente un facteur de risque de reflux gastro-œsophagien. Chez l’enfant, cette association n’a pas été clairement établie.
L’épidémie actuelle d’obésité qui touche les adultes et les enfants pourrait contribuer à augmenter l’incidence du RGO chez l’enfant.

Des auteurs italiens (3) se sont penchés sur la question et ont étudié la prévalence du RGO chez l’enfant en surpoids ou obèse, comparés à une population d’enfants de corpulence normale.
Ainsi, dans ce travail, 106 enfants (53 garçons) âgés en moyenne de 8 ans (2-17) ont été examinés de manière prospective entre juin et décembre 2009. Un examen clinique détaillé et un questionnaire permettant de rechercher l’existence d’un RGO ont été administrés à chaque enfant. Un score de reflux a été calculé.
Les résultats de cette étude démontrent un lien significatif entre le niveau d’IMC et le score de reflux : 2,65 vs 0,64 entre les sujets obèses et ceux de poids normal, respectivement (p < 0,005), et une tendance à un score plus élevé chez les sujets en surpoids versus les sujets de poids normal.

Malgré la limite que constitue l’évaluation objective du RGO par un questionnaire, cette étude apporte des arguments supplémentaires pour encourager à stabiliser le poids et diminuer l’IMC de nos jeunes patients obèses.

Faut-il continuer à doser les transaminases dans les gastroentérites ?

La réponse est clairement NON car, dans près d’un tiers des cas, elles sont augmentées et les contrôles ultérieurs montrent une normalisation spontanée.

C’est ce que des auteurs égyptiens (4) ont présenté dans une série de 130 enfants hospitalisés pour gastroentérite aiguë à rotavirus (GEA).
Tous les enfants à l’admission avaient eu un dosage de transaminases (ALAT), de CPK, LDH, bilirubine et créatinine.
Trente cinq enfants sur 130 avaient un taux d’ALAT augmenté (26 %). Ce taux était augmenté de 1 à 3 fois la normale chez 24 enfants et de 6 à 20 fois la normale chez 10 enfants. Le degré de cytolyse était corrélé à la sévérité de la déshydratation. L’odds ratio d’avoir une cytolyse était de 31 chez les enfants ayant une déshydratation importante versus ceux non déshydratés.
Tous les enfants avaient une normalisation des transaminases en 3 à 10 jours.

Le dosage des transaminases n’apporte pas un élément important dans la prise en charge de la déshydratation sur gastroentérite, car leur normalisation va de pair avec la correction de la déshydratation.

Ça me gratte, mon greffon !

La survenue d’allergie de novo semble importante après transplantation d’organe, notamment de foie. Les mécanismes en cause pourraient passer par le biais de l’immunosuppression nécessaire au maintien de la tolérance de l’hôte vis-à-vis du greffon.

Afin d’étudier quelle est la réelle prévalence de ces néo-allergies, une équipe australienne (5) a repris sa série de patients greffés du foie de façon rétrospective sur 11 ans.
Un total de 78 enfants a reçu 85 greffons cadavériques pendant la période de l’étude.
Parmi eux, 12 (15,4 %) ont présenté des réactions allergiques médicamenteuses sévères et 13 (16,6 %) des réactions allergiques alimentaires sévères. La plupart des enfants présentant des réactions allergiques alimentaires sévères étaient âgés de moins de 3 ans.

L’évaluation et le suivi allergologique après greffe d’organe semblent être à l’heure actuelle un élément primordial à intégrer dans le cadre du suivi post-opératoire des greffés hépatiques.
Par ailleurs l’existence de réactions sévères justifie, chez ces enfants allergiques, de disposer de kits d’adrénaline prêts à l’emploi à utiliser en cas d’urgence.

Un cœur malade qui a du mal à grossir

Chez l’enfant, les maladies chroniques en général retentissent sur la croissance pondérale, voire staturale. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas des cardiopathies congénitales au cours desquelles, non seulement les besoins sont majorés par la pathologie cardiaque en elle-même, mais, en outre, les hospitalisations et chirurgies répétées, ainsi que d’éventuels troubles de l’oralité, vont retentir sur les prises alimentaires, et donc la croissance.

L’équipe parisienne de cardiologie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades associée à l’équipe de gastroentérologie et nutrition pédiatrique ont présenté les résultats d’une étude prospective incluant 54 nourrissons âgés en moyenne de 6,6 mois (6).
Ces nourrissons étaient évalués lors de l’admission, avec mesure du poids, de la taille, de l’IMC, des périmètres brachial et crânien, et une enquête alimentaire.

25 NRS présentaient une cardiopathie associée à une hypertension pulmonaire (HTP) ; 89 % avaient subi une intervention chirurgicale soit correctrice (32 cas), soit palliative (16 cas).
Les auteurs retrouvaient une dénutrition modérée à sévère chez 50 % des enfants (ratio poids/taille < 80 % ou taille/âge < 90 %). Cette dénutrition était plus sévère chez les NRS avec HTP associée à la cardiopathie.
L’enquête calorique démontrait une nette diminution des ingestas oraux chez tous les enfants dénutris, et encore plus importante en cas d’HTP. Tous les enfants recevaient un support nutritionnel, soit par voie orale (alimentation enrichie), soit par sonde nasogastrique. Les objectifs caloriques moyens étaient de 130 kcal/kg/j.

Cette étude souligne l’importance de dépister la dénutrition de façon précoce chez les enfants suivis pour cardiopathie congénitale et de la prendre en charge de façon active, avec nécessité de mettre en route chez certains enfants une supplémentation entérale par sonde.

Le gluten pas trop tôt… sinon ça coince

Des données consensuelles recommandent de retarder l’introduction du gluten après l’âge de 4 mois.
Y a-t-il un lien entre introduction du gluten et constipation du nourrisson ?

C’est ce qu’ont étudié des auteurs néerlandais dans une étude de cohorte en population (7). Cette cohorte (génération R) incluait des enfants suivis prospectivement dès la naissance jusqu’à l’âge adulte. Les données concernant l’histoire du transit étaient disponibles pour 4 651 enfants.
A l’âge de 24 mois les auteurs notaient un taux de constipation relativement important : 12 % des nourrissons. Dans une analyse ajustée sur l’âge gestationnel, le poids de naissance, le sexe, le niveau éducatif de la mère et l’ethnie, les auteurs retrouvaient comme facteurs associés à un risque augmenté de constipation, à l’âge de 2 ans, l’introduction du gluten avant l’âge de 6 mois (OR : 1,36 ; IC 95 % : 1,11-1,67). Aucun autre aliment étudié n’était corrélé au risque de constipation. “

 

Références …