Consensus dans l’œsophagite à éosinophiles

L’œsophagite à éosinophiles (OE) est la cause la plus fréquente de dysphagie et d’impaction alimentaire chez l’enfant. Quel que soit l’âge, après l’œsophagite peptique, c’est l’étiologie principale de l’inflammation chronique de l’œsophage. Elle a été décrite pour la première fois au début des années 1990.
En 2017, un consensus européen a essayé de répondre aux questions selon la méthode GRADE (pourcentage de votes positifs à une réponse précise).

Définition

L’OE se définie par une réponse immunitaire anormale de la muqueuse œsophagienne vis-à-vis d’allergènes exogènes. Cliniquement, elle occasionne une dysfonction de l’œsophage et histologiquement une inflammation chronique prédominant sur les polynucléaires éosinophiles (Fig. 1).

Figure 1 – Aspect endoscopique d’une oesophagite à éosinophiles : présence de nodules blanchâtres pseudo-candidosiques.

 

Toute autre cause doit être exclue et les manifestations cliniques et histologiques doivent s’intégrer dans un contexte clinique cohérent. Il existe un continuum entre les OE répondant aux inhibiteurs de pompes à protons (IPP) et celles résistantes.
Il existe donc une seule entité et deux phénotypes : les OE résistantes et les OE sensibles aux IPP.
L’OE et le reflux gastro-oesophagien (RGO) sont deux entités différentes qui peuvent coexister.

 

Épidémiologie

L’OE touche plus volontiers les sujets de sexe masculin (sexe ratio 3/1). Elle affecte le plus souvent l’adulte jeune âgé de 30 à 50 ans. On retrouve une atopie dans 50 à 80 % des cas. C’est une maladie vraisemblablement sous-diagnostiquée en France dont la prévalence, en augmentation, serait proche de celles des maladies de Crohn, estimée en moyenne en Europe à 40-56 cas pour 100 000 habitants, avec une prévalence plus élevée chez l’adulte que chez l’enfant. Les données épidémiologiques en France sont actuellement méconnues.
L’OE survient à n’importe quel âge avec un pic de fréquence chez l’adulte entre 30 et 50 ans.
Elle ne précède pas a priori d’autres pathologies inflammatoires ou systémiques.

Symptomatologie

La présentation clinique est différente chez le jeune enfant et l’adulte. Cette différence s’explique par l’histoire naturelle de la maladie qui initialement entraîne une inflammation de l’œsophage et peut progresser vers la fibrose.
Chez le nourrisson, on observe souvent des signes non spécifiques souvent apparentés au RGO (difficultés alimentaires, vomissements, douleurs abdominales, mauvaise croissance staturo-pondérale).
Chez l’enfant plus âgé ou l’adulte, une dysphagie (70-80 %), des impactions alimentaires, des douleurs rétro- sternales traduisent cette évolution fibro-sténosante de l’œsophage (Tab. 1).

Il est important de réaliser un interrogatoire précis à la recherche des signes cliniques d’OE chez les patients atopiques. En effet, du fait de la chronicité des troubles, le patient a tendance à s’habituer à ses symptômes et dans un certain nombre de cas ne les évoquera pas forcément spontanément.

Diagnostic différentiel

La présence d’éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne n’est pas pathognomonique de l’OE. D’autres pathologies peuvent s’accompagner d’une infiltration de l’œsophage par des polynucléaires à éosinophiles. Un certain nombre de diagnostics doivent être éliminés (Tab. 2).

Néanmoins, le principal diagnostic différentiel est le RGO qui peut par ailleurs être cause ou conséquence de l’OE. C’est l’histoire clinique, l’aspect endoscopique et histologique qui permettent de poser le diagnostic.

Diagnostic

La réalisation d’une fibroscopie œsogastro- duodénale est essentielle dans le diagnostic. On peut observer un œdème (diminution de la trame vasculaire de l’œsophage), la présence de dépôts ou exsudats blanchâtres « pseudo-candidosiques », des sillons longitudinaux et pourpres, un aspect pseudo-trachéal, voire un rétrécissement concentrique de la muqueuse qui peut apparaître dans les formes évolutives chez l’adolescent et l’adulte. La muqueuse peut être considérée comme normale et il est indispensable de réaliser, pour objectiver le diagnostic, des biopsies étagées, au minimum 6 biopsies localisées à la partie proximale et distale de l’œsophage. Il est nécessaire également de réaliser des biopsies gastriques et duodénales pour éliminer une gastroentérite à éosinophiles. L’examen histologique après coloration à HES permettra de chercher une infiltration de la muqueuse œsophagienne par des polynucléaires éosinophiles (> 15 éosinophiles/ champ au grossissement 400) qui peuvent se regrouper et former des micro-abcès, et des signes d’œsophagite chronique révélés par un allongement des crêtes papillaires, un œdème, une hyperplasie de la couche basale. À l’état normal, il n’y a pas de polynucléaires éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne.
Il est donc indispensable de travailler avec des collègues anatomopathologistes aguerris à cette pathologie.
L’aspect endoscopique peut donc être évocateur, mais ne peut en aucun cas suffire au diagnostic. De plus, une endoscopie normale est compatible avec une vraie OE. On peut observer la présence de dépôts blanchâtres, des stries longitudinales le long de l’œsophage, un aspect pseudo-trachéal, voire un début de sténose qui constitue l’aspect évolutif majeur à craindre dans cette pathologie.

Prise en charge

Pour comprendre les enjeux thérapeutiques de cette maladie, il faut savoir qu’il s’agit d’une maladie chronique, évolutive (potentiellement sténosante) à haut potentiel de rechutes. Elle nécessite un traitement d’attaque, mais également d’entretien.
Les IPP doivent être proposés systématiquement, car ils sont actuellement considérés comme un traitement potentiel de l’OE au même titre que les corticoïdes inhalés ou les évictions alimentaires.
Deux grandes lignes thérapeutiques sont possibles en fonction du bilan allergologique, du contexte clinique, de l’âge de l’enfant (régime diététique ou corticoïdes déglutis) :
chez le jeune nourrisson, on privilégiera dans un premier temps la diète alimentaire par solution à base d’acides aminés. Chez l’enfant plus grand, diversifié, ce type d’alimentation, bien qu’ayant montré une bonne efficacité, reste compliqué à mettre en place. Il peut être proposé une éviction guidée par le bilan allergologique (si celui-ci est contributif) ou une éviction des allergènes les plus fréquents avec une réintroduction progressive de chaque aliment qui sera suivie d’une endoscopie avec biopsie de contrôle. Cette prise en charge reste lourde et compliquée nécessitant des endoscopies répétées.
Les corticoïdes locaux déglutis (Budésonide visqueux) ont démontré leur efficacité. La tolérance et l’acceptabilité sont bonnes, le principal effet secondaire est la candidose buccale.
Dans les formes graves sténosantes, des dilatations œsophagiennes peuvent être réalisées avec un risque de perforations non négligeables. L’algorithme suivant est proposé (Fig. 2).


Figure 2 – Algorithme diagnostique et thérapeutique proposé pour l’OE chez les enfants et les adultes.

Il reste encore beaucoup d’interrogations concernant la prise en charge et l’évolution des patients atteints d’OE. Le groupe francophone d’hépatogastroentérologie et nutrition pédiatrique s’efforce de bâtir un groupe de travail pour élucider la prise en charge optimale et surveiller le pronostic à moyen et long termes de cette pathologie.


Références

  • Lucendo AJ,Molina-iInfante J, Arias A et al. Guidelines on eosinophilic esophagitis : evidence-based statements and recommendations for diagnosis and management in children and adults. United European Gastroenterol J. 2017 Apr ; 5(3) : 335-358.

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