Constipation du nourrisson

La constipation est un trouble fonctionnel digestif fréquent chez les nourrissons. Les enquêtes épidémiologiques retrouvent une incidence assez variable, jusqu’à 5 % des nourrissons de moins d’un an (Brancato, 2010). Moins fréquent que le reflux et les coliques, ce trouble est un motif fréquent de consultation médicale et génère beaucoup d’angoisse familiale, de changements d’alimentation et de prescriptions plus ou moins adaptées.

Définition de la constipation

La constipation du nourrisson est définie par un nombre de selles inférieur ou égal à 2 par semaine associé à d’autres signes cliniques ou d’interrogatoire (Tableau 1). Cette définition est précisée dans les recommandations internationales récentes, légèrement différentes entre l’enfant de moins de 4 ans et l’enfant de plus de 4 ans ayant acquis la continence.
Ce chiffre théorique de 2 selles par semaine doit être interprété en fonction des situations cliniques (âge du nourrisson, alimentation, diversification alimentaire), en particulier chez le nourrisson allaité.

Les étapes « transit » de la première année

Allaitement maternel exclusif de 4 à 6 mois : le modèle physiologique programmé

L’allaitement maternel exclusif est recommandé pendant les 6 premiers mois par l’OMS. Le tube digestif du nouveau-né humain est parfaitement adapté au lait maternel. Celui-ci établit un écosystème bactérien anaérobie très particulier. Le sein fournit des bactéries capables d’influencer la colonisation bactérienne colique (principalement des Lactobacilli), et des facteurs de croissance composés de sucres complexes différents d’une mère à l’autre (HMO, human milk oligosaccharides). Les substrats glucidiques sont métabolisés par glycolyse anaérobie pour produire de l’acétate et de l’acide lactique, ce qui explique les selles acides jaune d’or si caractéristiques. Malgré tout, le transit d’un nourrisson allaité est extrêmement variable, d’une selle à chaque tétée à une selle toutes les trois semaines. Il n’y a donc pas de norme de nombre de selles par jour en allaitement, dans la mesure d’une croissance régulière et suffisante.

Diversification alimentaire ou l’introduction des fibres alimentaires

La diversification alimentaire incluant des fruits et des légumes constitue le premier apport en fibres et modifie l’écosystème bactérien. Les selles se modifient rapidement pour devenir plus consistantes et moins nombreuses. Le maintien de l’allaitement maternel permet de favoriser un transit facile et adapté à la physiologie colique du petit enfant.

Constipation ou dyschésie : 2 symptômes différents à distinguer

Sémiologiquement, il est nécessaire de dissocier constipation et dyschésie. Ces deux symptômes ne correspondent pas à la même réalité clinique et à la même prise en charge. La dyschésie correspond aux difficultés d’émission de selles normales, non dures. À partir de la naissance et dans le premier mois de vie, l’immaturité rectale peut gêner l’évacuation des selles. La stimulation basse est fréquemment nécessaire (suppositoires de glycérine dans les premiers jours). Cette difficulté d’exonération correspond à la dyschésie. Si ce symptôme est très fréquent dans le premier mois de vie, il peut persister chez certains bébés durant plusieurs mois. La fréquence de ce symptôme digestif est variable suivant les études épidémiologiques et prédomine pendant les premiers mois. Une mise au point récente des critères de ROME IV a étendu ce symptôme jusqu’à 9 mois (Zeevenhooven, 2016).

Constipation fonctionnelle ou organique

Chez le nourrisson, les causes fonctionnelles restent très prédominantes. Il faut néanmoins considérer les causes organiques malformatives pouvant s’exprimer dès la naissance. Les signes associés permettent souvent de reconnaître un retentissement sur l’état de santé du nourrisson : mauvaise prise de poids, ballonnement important, vomissements, altération de l’état général.
La maladie de Hirschsprung réalise généralement un tableau occlusif bas avec ballonnement important et vomissements bilieux.
Les malformations ano-rectales peuvent également se manifester par une constipation sévère (imperforation anale avec fistule antérieure). L’examen clinique et plus particulièrement de la marge anale est important afin de vérifier la présence et la normalité du sphincter. Les causes classiques de constipation comme l’hypothyroïdie, l’hypercalcémie et l’hypokaliémie s’expriment rarement par une constipation isolée.
Enfin, l’allergie aux protéines du lait de vache peut s’accompagner d’une constipation, même si ce symptôme est rarement isolé. Le lien entre APLV et constipation reste controversé dans la littérature.

Traitement de la constipation du nourrisson

La prise en charge nutritionnelle

L’utilisation d’une formule infantile 100 % lactose est la méthode la plus simple pour traiter la constipation fonctionnelle du nourrisson. Afin de mimer l’effet « fermentation acide » du lait maternel, il est logique de favoriser l’apport en lactose. Même si une proportion du lactose est utilisée dans l’intestin grêle après action de la lactase, l’excédent du lactose est métabolisé dans le côlon.
Certaines formules infantiles contiennent exclusivement ce sucre (laits 100 % lactose) à des taux équivalents à ceux du lait maternel. Ils permettent de traiter la constipation des enfants non diversifiés et d’améliorer le transit après la diversification (en fonction du volume consommé). L’efficacité du lactose sur le transit est dose-dépendante.
L’eau Hépar, riche en magnésium, est fréquemment proposée dans la prise en charge de la constipation fonctionnelle du nourrisson. Les preuves d’efficacité de cette pratique de puériculture sont minimes. Une utilisation excessive d’une eau riche en sels minéraux peut exposer le nourrisson à des complications ioniques (hypophosphatasie, hypocalcémie) et doit faire limiter l’utilisation à 50 % des apports en eau.

Les traitements médicamenteux

Le lactulose et le polyéthylène-glycol peuvent être utilisés. Ces deux glucides respectivement disaccharide et polysaccharide ne sont pas absorbés par l’intestin.

  • Le lactulose, laxatif fermentescible, est utilisable chez le nourrisson de moins de 6 mois (AMM correspondante), son mode d’action est très proche du lactose excédentaire. Il déclenche les mêmes processus de fermentation colique. Il peut entraîner ballonnement et inconfort surtout à fortes doses.
  • Le polyéthylène glycol (PEG) utilisable après 6 mois selon l’AMM, constitue la molécule de référence du traitement de la constipation de l’enfant. Les doses recommandées sont de 0,4 g/kg en traitement d’entretien. Son acceptabilité est bonne avec peu de risque d’effet secondaire (ballonnement, douleurs abdominales modérées, inconfort). À noter que la durée du traitement est fréquemment supérieure à la durée conseillée de 2 mois à 3 mois.

Conclusion

La constipation du nourrisson est un symptôme digestif fréquent qui doit faire l’objet d’une analyse attentive afin d’éliminer une cause organique. Elle doit être différenciée de la dyschésie surtout dans les premiers mois de vie. L’allaitement maternel protège le nourrisson de la constipation. La prise en charge repose souvent sur une adaptation nutritionnelle : lait 100 % lactose, plus efficace chez le nourrisson non diversifié. Le recours aux médicaments reste de seconde intention et doit favoriser des molécules validées (lactulose et PEG).


Références

  1. Koppen IJ, Lammers LA, Benninga MA, Tabbers MM. Management of functional constipation in children: therapy in practice. Pediatr Drugs 2015 ; 17 : 349-60.
  2. Tabbers MM, DiLorenzo C, Berger MY et al. Evaluation and treatment of functional constipation in infants and children: evidence-based recommendations from ESPGHAN and NASPGHAN. JPGN 2014 ; 58 : 258-74.
  3. Constipation in children. Nurs Stand 2014 ; 28 : 18.
  4. Xinias I, Mavroudi A. Constipation in childhood. An update on evaluation and management. Hippokrathia 2015 ; 19 : 1-19.
  5. Zeevenhooven J, Koppen I, Benninga M. The New Rome IV Criteria for Functional Gastrointestinal Disorders in Infants and Toddlers. JPGN 2017 ; 20 : 1-13.

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