Controverse n°1

Les nourrissons à risque atopique représentent une population importante qui fait l’objet de mesures de prévention. Les antécédents familiaux de premier degré (1 ou 2 parents, ou la fratrie) représentent une situation fréquente d’enfants à risque.

Les conseils habituels (1-5) sont représentés par :

• l’allaitement maternel prolongé (pendant 4 à 6 mois) ;

• ou, en l’absence d’allaitement maternel, par l’utilisation de formules partiellement hydrolysées (laits HA) validées par des études cliniques.

L’allaitement maternel exclusif (supérieur ou égal à 4 mois) a montré son efficacité sur des populations de nourrissons à risque d’atopie. Ces mesures préventives ont pu être étudiées sur des cohortes importantes d’enfants avec des méthodologies satisfaisantes.

La deuxième mesure préventive controversée est l’âge de la diversification et le type d’aliments à introduire chez ces enfants à risque.

L’âge de la diversification a fait l’objet de débats importants depuis le milieu du XXe siècle, avec des conseils extrêmement variables suivant les lieux et les périodes. Actuellement, une controverse existe sur l’âge de diversification d’un enfant à risque atopique, et sur l’introduction particulière de certains aliments comme l’œuf, le poisson, l’arachide ou le blé.

OUI – Il faut diversifier différemment les enfants à risque atopique

Le sevrage est une période particulièrement sensible chez les nourrissons à risque atopique. L’introduction de nouveaux aliments doit être attentivement surveillée, surtout concernant les aliments à risque, comme l’œuf, le poisson et l’arachide (4).

De plus, l’OMS recommande un allaitement maternel exclusif pour une période de 6 mois retardant de fait la diversification alimentaire après 6 mois (5).

  • Les études publiées

• L’effet de l’introduction d’aliments solides sur l’apparition de l’eczéma à 2 et 10 ans, ainsi que de l’asthme à 4 ans, a été étudié dans deux cohortes de 1 265 et 1 110 nouveau-nés néo-zélandais (6, 7). La prévalence de l’eczéma était associée aux antécédents atopiques des parents et à l’âge d’introduction des aliments solides, montrant ainsi une relation linéaire entre le nombre d’aliments solides introduits avant 4 mois et le développement de l’eczéma à 2 et 10 ans. En revanche, l’asthme n’était pas lié à la diversification.

• Cet effet a également été montré dans une cohorte d’enfants à risque atopique allaités en comparant la diversification à 3 mois par rapport à celle réalisée après 6 mois (8). La prévalence de l’eczéma était supérieure dans le premier groupe à 1 an (35 % versus 14 % ; p < 0,01) mais identique à 3, 5, 10 et 17 ans.

  • Les recommandations

• Des recommandations de prévention chez les nourrissons à risque sont proposées par certains auteurs (9), avec la diversification après 6 mois et la non-introduction de certains aliments avant 1 an : œuf, poisson, arachide.

• L’American College of Allergy, Asthma and Immunology (ACAAI) a publié en 2006 des recommandations de diversification des nourrissons à risque d’atopie (10) :

– âge de la diversification retardé après 6 mois ;
– introduction des produits laitiers à 12 mois ;
– introduction de l’œuf et de l’arachide à 24 mois ;
– introduction des noisettes ainsi que du poisson après 36 mois.

  • En conclusion

La diversification à l’âge de 6 mois est confortée par les études.
L’introduction retardée des aliments réputés allergènes doit être plus tardive chez les enfants à risque atopique que chez les autres enfants.

NON – Il ne faut pas diversifier différemment les enfants à risque atopique

 

  • Les études publiées

• L’étude de cohorte de Zutavern (11) a suivi, de façon prospective, 642 enfants à risque d’atopie, sur une période de plus de 5 ans. L’âge d’introduction des aliments solides n’avait pas modifié la prévalence de l’eczéma ou de l’asthme. Toutefois, il y avait une augmentation du risque d’eczéma (Odds ratio [OR] : 1,6 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % = 1,1 à 2,4) en cas d’introduction tardive de l’œuf (> 8 mois), ou du lait (OR : 1,7 ; IC à 95 % = 1,1 à 2,5).

• Dans une population normale (cohorte LISA) de 2 073 enfants, sur une période de 6 ans, le même auteur (12) n’a pas montré d’influence de l’âge de la diversification (avant 4 mois, de 4 à 6 mois, après 6 mois) sur la survenue de l’asthme et de la rhinite allergique.

A contrario, une augmentation de la sensibilisation aux aliments a été retrouvée chez les enfants diversifiés après 6 mois (OR : 3,01 ; IC à 95 % = 1,19 à 7,61).

• Ces résultats ont été confirmés dans une cohorte de nouveau-nés prématurés (diversifiés à 17 semaines ou avant) (13).

• De la même façon, une étude portant sur l’âge d’introduction des céréales (14) a retrouvé une augmentation de la sensibilisation IgE aux céréales en cas d’introduction après 6 mois.

• Par ailleurs, une cohorte prospective suédoise de 4 089 enfants a étudié spécifiquement la consommation de poisson (15). Les enfants qui consommaient cet aliment avant l’âge de 1 an présentaient moins de maladies allergiques et de sensibilisation alimentaire.

De même, le suivi 4 921 enfants (cohorte de Göteborg), sur 12 mois montre que le risque allergique est diminué si le poisson est introduit avant l’âge de 9 mois (OR = 0,76 ; IC 95% : 0,62-0,94 ; p < 0,009) (16).

  • Les recommandations

L’ESPGHAN (17) indique qu’il n’y a pas de preuve établie que l’éviction ou le retard d’introduction d’aliments potentiellement allergènes, tels que l’œuf ou le poisson, réduise le risque d’allergie chez ces enfants.

• Les recommandations les plus récentes proposent une diversification, entre 4 et 6 mois, pour les enfants sans antécédent comme pour ceux à risque atopique, ainsi qu’une introduction normale des aliments à risque allergique (18-20).

  • En conclusion

Il n’y a pas de preuve du bénéfice de l’introduction retardée des aliments allergènes. Certaines études montrent même une augmentation du risque.

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