Identification des déterminants cliniques, sociologiques et économiques de la durée de l’allaitement maternel exclusif : analyse des variations régionales

INTRODUCTION

Selon la Haute Autorité de Santé comme pour l’American Pediatric Association ou l’OMS, l’allaitement maternel constitue la référence pour l’alimentation du nourrisson pendant les premiers mois de la vie. Exclusif durant les 6 premiers mois de la vie, on considère que le sevrage ne devrait pas intervenir avant 4 à 6 mois. En sortie de maternité, le taux d’allaitement est connu : 69% dont 60% d’allaitement exclusif et 9% d’allaitement mixte (Etude Epifane, France, 2012). Mais au-delà, les données sur l’allaitement sont mal connues.

L’objectif de l’étude Dolcia a été de déterminer la durée de l’allaitement maternel exclusif après la sortie de la maternité et d’identifier les déterminants cliniques, sociologiques et économiques susceptibles de l’influencer.

 

MATERIEL ET METHODE

L’étude Dolcia est une enquête observationnelle transversale conduite chez 745 médecins pédiatres ou médecins généralistes (89% de pédiatres et 11% de généralistes). Les médecins devaient inclure dans l’enquête les 5 premières mères âgées de plus de 18 ans souhaitant ou devant arrêter l’allaitement maternel exclusif de leur enfant dans les 7 jours qui suivaient la consultation ou ayant arrêté dans les 7 jours qui précédaient la consultation. Ont été inclues 2773 mères âgées de 30,6 ± 4,5 ans.

 

RESULTATS

La décision d’allaiter a été prise avant la grossesse par 68,8% des femmes, pendant la grossesse par 25,4%, à la maternité par 2.8% et à l’accouchement par 2,6%. Cette décision est d’autant plus fréquemment prise avant la grossesse que la femme avance en âge variant de 50,2% chez les femmes de moins de 25 ans à 76,2% chez les femmes de 35 ans et plus.

Des motivations fortes pour allaiter. Les motivations pour débuter l’allaitement maternel étaient par ordre de fréquence : la bonne santé de l’enfant (95,4%), la relation mère-enfant Cartographie de la durée moyenne de l’allaitement maternel exclusif en fonction des régions françaises (en semaines) (75,4%), l’aspect pratique (37,6%), pour suivre les conseils des professionnels de santé (médecins, sages-femmes…) (32,5%) loin devant toutes les autres motivations.

Des expériences antérieures positives. 78,8% de ces femmes avaient déjà allaité un autre enfant et cet allaitement s’était très bien déroulé pour 62,4% des femmes et moyennement pour 28,0%.

L’information reçue pour l’allaitement. 62,2% s’estimaient avoir été bien informées, 25,9% moyennement informées des bénéfices de l’allaitement au sein pour leur enfant.
Les mères étaient très satisfaites pour 49,2% d’entre elles (moyennement 34,9%) des informations et du soutien reçus concernant l’allaitement.

Un allaitement dans de bonnes conditions et décontracté. 66,9% des mères n’ont eu aucune (34,3%) ou peu (32,6%) de difficultés pour débuter l’allaitement. 59,9% ont allaité leur enfant dans un lieu public et 80,2% n’en ont éprouvé aucune gêne (46,7%) ou une faible gêne (33,5%). Seules 10,7% ont eu recours fréquemment à un tire-lait.

Des femmes peu aidées par leurs employeurs. 80,1% des mères n’étaient pas du tout satisfaites (64,1%) ou peu satisfaites (16,0%) du soutien de l’entreprise où elles travaillaient en faveur de l’allaitement.

L’allaitement maternel exclusif : une durée moyenne de 11 semaines

La durée moyenne de l’allaitement maternel exclusif a été de 11,3 ± 7,7 semaines et moins d’un quart des enfants (22,9%) ont été allaités exclusivement au lait maternel durant plus de 4 mois. Les raisons de l’arrêt de l’allaitement maternel exclusif ont été dominées par des nécessités professionnelles et/ou liées à la mise en crèche (45,6%), des problèmes de santé maternels (24,6%) ou des difficultés de lactation (15,8%). A l’arrêt de l’allaitement maternel exclusif, 65,6% des mères optaient pour un allaitement mixte et 34,4% pour une formule infantile exclusivement.

Focus sur l’allaitement maternel exclusif de plus de 4 mois

Les résultats montrent qu‘un allaitement maternel exclusif est poursuivi durant plus de 4 mois de manière significativement plus fréquente chez des femmes âgées de plus 35 ans (OR 2.4 [1.5 ; 4.0]), ayant des difficultés financières (OR 2.8 [1.2 ; 6.3]), sans activité professionnelle (OR 2.0 [1.4 ; 2.8]), non fumeuses (OR 1.8 [1.2 ; 2.8]), ne buvant pas d’alcool (OR 1.4 [1.1; 1.7]), trouvant pratique le fait d’allaiter (OR 1.4 [1.1 ; 1.7]), considérant que cela favorise la relation mère-enfant (OR 1.6 [1.2 ; 2.2]), n’ayant pas eu de difficultés pour débuter l’allaitement (OR 1.8 [1.2 ; 2.6]), n’éprouvant pas de gêne pour allaitement dans un lieu public (OR 2.2 [1.8 ; 2.8]) et surtout appréciant le fait d’allaiter leur enfant (OR 5.2 [2.2 ; 12.2]).
Un autre élément déterminant est l’absence de troubles digestifs présentés par l’enfant (OR 1.4 [1.1 ; 1.8]).

Lorsque l’analyse est conduite exclusivement chez les mères exerçant une activité professionnelle, les mêmes critères ressortent auxquels s’ajoute l’existence dans l’entreprise d’une politique en faveur de l’allaitement maternel (OR 1.8 [1.1; 2.8]).

 

CONCLUSION

La durée de l’allaitement maternel exclusif est de 11 semaines ce qui témoigne du peu de progrès obtenus au cours de ces dernières années. Les déterminants de la durée de l’allaitement maternel exclusif sont multifactoriels et relèvent aujourd’hui plus du domaine psychosocial et sociétal que du médical au sens strict. Si on veut obtenir un allaitement plus fréquent et plus long, il faudrait être plus incitatif pendant la grossesse surtout chez les jeunes mamans en insistant sur la bonne santé de l’enfant et d’une bonne relation mère-enfant et proposer à la femme qui travaille des dispositions qui correspondent à son mode de vie, en particulier la reconnaissance du statut de femme allaitante sur son lieu de travail avec des aménagements.
Une véritable valorisation statutaire, psychologique et sociale, de la femme qui allaite son enfant semble nécessaire.


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