Étude de l’impact sur le nourrisson de la consommation tabagique au cours de la grossesse

L’étude IMPACT a permis de comparer deux populations de nourrissons exposés et non exposés au tabagisme in utero et de décrire les connaissances des mères et attitudes des médecins vis-à-vis de cette intoxication tabagique.
Cette étude confirme que les nourrissons exposés présentent significativement plus de symptômes cliniques que les nourrissons non exposés. Ils sont également moins nombreux à être allaités dans le groupe “exposé” et allaités moins longtemps que les nourrissons non exposés.


Rationnel

Selon les données du baromètre INPES 2014, la France est le pays d’Europe où les femmes enceintes fument le plus et d’après l’étude de cohorte EDEN, la prévalence du tabagisme pendant la grossesse est estimée à 12,9 %. De nombreuses études épidémiologiques ont identifié des risques pour le nourrisson liés au tabagisme de la mère pendant la grossesse :
– risque plus élevé de coliques,
– risque de prématurité et de faible poids de naissance,
– perturbation de la croissance pulmonaire entraînant une hyper-réactivité bronchique (bronchiolites, asthme, etc.),
– infections ORL à répétition.
Dans ce contexte, cette enquête visait à comparer une cohorte de nourrissons exposés in utero au tabac par rapport à une cohorte non exposée. Cette étude avait également comme objectif de décrire les actions de prévention et l’éducation reçue concernant la consommation tabagique et la grossesse.

Méthodologie

IMPACT est une enquête observationnelle, transversale, nationale et multicentrique conduite de septembre 2016 à février 2017 et menée chez le pédiatre et le médecin généraliste en France métropolitaine. Chaque médecin devait recruter, dans sa pratique quotidienne, deux nourrissons exposés pendant la grossesse et deux nourrissons non exposés, âgés de moins de 4 mois.
Les données ont été recueillies par le médecin sur le cahier d’observation et auprès de la mère au travers d’un autoquestionnaire. Le médecin complétait également un questionnaire déclaratif sur ses opinions et préventions vis-à- vis du tabagisme chez la femme enceinte.

Objectifs de l’enquête

Objectif principal

Comparaison de la proportion de nourrissons présentant au moins l’un des deux évènements suivants entre les nourrissons exposés et non-exposés :
– faible poids de naissance (< 2,5 kg),
– et/ou coliques.

Objectifs secondaires

Les objectifs secondaires de l’étude :
– comparaison entre les nourrissons exposés et non-exposés du poids à la naissance et du poids à la visite ; de la présence de coliques et de régurgitations,
– évaluation dans les deux groupes de l’état nutritionnel (IMC) des nourrissons, de la durée d’allaitement, des troubles respiratoires et du nombre de bronchiolites,
– description de l’état des connaissances des mères sur les recommandations vis-à-vis du tabagisme pendant la grossesse et post-accouchement,
– description des pratiques des spécialistes vis-à-vis du tabagisme de la mère pendant la grossesse et post-accouchement.

Populations étudiées

452 médecins, exerçant majoritairement en milieu urbain, dont 89,4 % étaient des pédiatres, ont inclus au moins un patient.
Ils étaient en majorité des femmes (64 %) et 90 % d’entre eux déclaraient ne pas fumer.
1 507 nourrissons ont été inclus dans l’analyse, dont 1 195 avec un autoquestionnaire « mère » évaluable (79,3 %) :
– 759 nourrissons exposés (50,4 %),
– 741 nourrissons non exposés (49,2 %),
– 7 nourrissons au statut indéterminé (0,4 %).

Caractéristiques générales des nourrissons

51,0 % des nourrissons étaient des garçons, et étaient âgés de 3 jours à 4,3 mois avec un âge médian de 2,1 mois. À la naissance, les nourrissons mesuraient en moyenne 49,2 ± 2,4 cm, et pesaient 3,2 kg ± 0,5 kg.
À l’inclusion dans l’étude, le poids moyen était de 5,0 ± 1,1 kg et l’IMC moyen de 15,5 ± 1,9 kg/m2.
Un faible poids de naissance et/ou des coliques sont plus fréquemment rapportés chez les nourrissons exposés (Fig. 1).


Figure 1 – Présence de coliques et/ou faible poids à la naissance selon l’avis du médecin et selon la classification ROME III, en fonction de l’exposition au tabagisme de la mère pendant la grossesse.

Un poids à la naissance significativement plus faible chez les nourrissons exposés au tabagisme :
3,1 ± 0,5 kg vs 3,3 ± 0,5 kg chez les nourrissons non exposés (p < 0,001). De même, lors de la visite, le poids des nourrissons exposés était significativement inférieur à celui observé chez les nourrissons non exposés (respectivement, 4,9 ± 1,1 kg vs 5,1 ± 1,1 kg, p < 0,001). La même tendance a été observée pour l’IMC dans une moindre mesure (15,4 ± 2,0 kg/m2 chez les nourrissons exposés vs 15,6 ± 1,7 kg/m2 chez ceux non exposés; p = 0,021). Les coliques diagnostiquées avec les critères de ROME III semblaient sous-estimées par rapport à l’évaluation réalisée par le médecin. Néanmoins, dans les deux cas, elles étaient significativement plus importantes chez les nourrissons exposés (Fig. 2).

Figure 2 – Présence de coliques selon l’avis du médecin et selon la classification ROME III, en fonction de l’exposition au tabagisme de la mère pendant la grossesse.

Signes cliniques et manifestations pathologiques

Hormis les hospitalisations, tous les symptômes étudiés étaient significativement plus fréquents chez les nourrissons exposés (Fig. 3).
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Figure 3 – Signes et/ou manifestations présentés par le nourrisson en fonction de l’exposition au tabagisme de la mère pendant la grossesse.

Alimentation des nourrissons (Fig. 4)

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Figure 4 – Fréquence de l’allaitement à la sortie de la maternité et toujours en cours au moment de la visite.

Les nourrissons exposés sont moins allaités que les nourrissons non exposés. Néanmoins, si le nourrisson était allaité en sortie de maternité (n = 884), l’allaitement était toujours en cours à la visite chez 66,3 % des exposés (n = 361) et 76,5 % des non exposés (n = 519). Les mamans fumeuses cessent plus rapidement l’allaitement puisque la durée médiane d’allaitement était de 2 mois chez les nourrissons non exposés vs 1 mois chez les nourrissons exposés. Lors de la visite, 56,9 % des nourrissons (exposés ou non exposés) étaient alimentés exclusivement avec un lait infantile. Les formules infantiles standard (55,2 %) et les formules infantiles épaissies (type AR) (27,7 %) étaient les formules les plus fréquemment rapportées.

Caractéristiques des mères

En moyenne, les mères étaient âgées de 30,7 ± 4,5 ans ; 57,3 % avaient fait des études supérieures (BAC + 2 à BAC > 5), et 3,5 % vivaient seules. Les motifs de poursuite du tabagisme sont variables (Fig. 5).
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Figure 5 – Motif principal pour avoir poursuivi le tabagisme durant la grossesse.

518 mères fumeuses (43,3 %) au moment de la visite

507 (98,6 % d’entre elles) ont fumé pendant la grossesse

  • 151 ont réduit avant la grossesse (30,1 %)
    > 8,4 cigarettes / jour (médiane = 6)
  • 447 ont réduit pendant la grossesse (89,6 %)
    > 4,6 cigarettes / jour (médiane = 4)

677 mères actuellement non fumeuses (56,7 %)

217 mamans (36,3 % d’entre elles) ont déjà fumé

  • Arrêt de la cigarette :
    – « En vue de la grossesse » : 81 mamans (39,9 %)
    – 51,5 % déclarent avoir arrêté au moins 6 mois avant la grossesse
    – 35,3 % déclarent avoir arrêté depuis le début de la grossesse (64,6 % ont arrêté lors du 1er mois)

Connaissances et pratiques vis-à-vis du tabagisme pendant la grossesse (Fig. 6)

Figure 6 – Connaissances des mamans sur le tabagisme de la femme enceinte.

Les mamans qui fument pendant leur grossesse ont tendance à sous-estimer les risques encourus par rapport à celles qui ne fument pas ou qui ont arrêté avant la grossesse. Pourtant la quasi-totalité des fumeuses (90,5 %) ont informé leur médecin de leur tabagisme.
D’après elles, les recommandations de leur médecin étaient alors :
– « Arrêter complètement de fumer » 51,3 %,
– « Réduire mais sans arrêter complètement » 38,5 %,
– « Aucune recommandation particulière » 10,2 %.

Conclusion

Cette étude a tout d’abord confirmé l’impact du tabagisme maternel pendant la grossesse puisque les nourrissons exposés présentent significativement plus de symptômes cliniques que les nourrissons non exposés : faible poids de naissance, coliques, régurgitations, bronchiolites, troubles ORL.
Cette étude montre aussi que la majorité des femmes fumeuses ne parvient pas à arrêter sa consommation tabagique pendant leur grossesse et privilégie une réduction de la consommation plutôt qu’une abstinence.
Ces femmes sous-estiment les risques et, selon elles, les médecins ne sont que 51,3 % à leur recommander d’arrêter complètement de fumer.
À la suite de leur accouchement, les mères qui continuent de fumer allaitent moins et cessent plus rapidement d’allaiter.
Face à ce problème de santé publique majeur, les mesures préventives et les connaissances vis-à-vis du tabagisme doivent être améliorées.


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