La flore intestinale du nouveau-né

La composition et la variation de la flore intestinale chez l’enfant est reconnue comme ayant un impact sur sa santé, essentiellement par son action sur la maturation du système immunitaire intestinal (1) et la résistance à la colonisation par des bactéries potentiellement pathogènes. La cinétique d’implantation de la flore intestinale commence à être bien connue, ainsi que les différentes possibilités de retard et de perturbations dans son implantation.

 

Du fœtus stérile à un nouveau-né colonisé

Tout au long du déroulement de la grossesse, le fœtus est stérile et baigne dans un milieu stérile. Dès la rupture des membranes fœtales, l’accouchement et le contact avec le milieu environnant, le nouveau-né est brutalement mis en rapport avec un environnement bactérien riche et va subir une véritable “colonisation”. Il va être colonisé par une flore simple à partir des flores vaginales, fécales, cutanées de sa mère, et des flores de l’environnement : air et personnes qui gravitent autour de sa naissance. Cette colonisation va varier selon différents facteurs environnementaux, comme le mode d’accouchement, d’allaitement, l’introduction d’un traitement antibiotique (2).

A la fin de la 1re semaine de vie, la flore intestinale se développe pour atteindre 108-10 unités formant colonie (UFC) par gramme de selles.

Au cours de son développement, le tout-petit va être continuellement exposé à de nouveaux microorganismes bactériens, de par les contacts avec sa mère et son entourage via la tétée, les baisers, le portage et les caresses par la famille et les proches, l’alimentation. On considère que l’enfant a acquis une flore intestinale proche de l’adulte entre 2 et 4 ans (3). Elle peut subir des modifications au cours de la vie adulte.

Une flore sous influences

Plusieurs circonstances vont pouvoir orienter le développement de la flore (figure 2).

Le mode d’accouchement (5)

L’accouchement par voie basse prolongé favorise l’implantation de bactéries viables dans la bouche et l’estomac du nouveau-né. Le fœtus étant mis en contact lors de la descente vaginale avec le microbiote de la mère, la première implantation de la flore se fera avec des bactéries anaérobies strictes : Bifidobacterium et bactéroidies.

Si l’enfant naît par césarienne, le nouveau-né va rencontrer en premier lieu la flore constituée par l’environnement de sa naissance : personnel soignant et air ambiant ce qui va modifier la composition et la cinétique d’implantation de la flore. L’orientation de la flore se fera surtout avec des espèces anaérobies facultatives (entérobactéries, entérocoques, staphylocoques). Bifidobacterium et Bacteroides s’implanteront plus tardivement. Mais peuvent s’implanter rapidement les bactéries anaérobies de l’environnement comme le Clostridium (6).

Le niveau de technicité

La haute technicité des accouchements avec une hygiène de plus en plus stricte réduit l’exposition de l’enfant avec les flores vaginale et fécale de la mère. Le nouveau-né va présenter une colonisation par les bactéries de l’environnement plus riche en Clostridium que bifidobactéries (7). Ainsi, la flore des nouveau-nés nés dans les pays industrialisés diffère de la flore des pays en voie de développement.

L’allaitement

Les enfants nourris au sein n’ont pas la même flore que les enfants nourris avec des préparations infantiles.

L’allaitement maternel permet le développement d’une flore riche en bifidobactéries avec évolution de la flore, car les oligosaccharides du lait maternel stimulent sélectivement la croissance des bifidobactéries. Leur pourcentage moyen passe de moins de 40 %, à une domination entre 60 à 91 % de la flore dès le 4e jour, et sous-dominance des Bacteroides et d’E. coli ; contrairement aux nouveau-nés nourris artificiellement qui développent une flore contenant plus de Bacteroides, clostridies et autres entérobactéries (6, 8, 9). Au moment du sevrage, les différences entre les deux populations s’atténuent. Avec les nouveaux laits adaptés contenant des facteurs bifidogènes, la différence entre les 2 modes d’allaitement s’atténue. Ainsi, on observe moins de manifestations allergiques et d’infections gastrointestinales et respiratoires chez les nourrissons allaités par la maman par rapport aux nourrissons nourris au biberon. Les propriétés immunologiques du lait maternel sont en partie liées à la présence d’oligosaccharides et de prébiotiques.

L’âge gestationnel

Chez le prématuré, on note un retard d’implantation de la microflore digestive par rapport aux nouveau-nés à terme. L’implantation de la flore anaérobie Bifidobacterium, Bacteroides, est d’autant plus retardée que l’âge gestationnel est bas. On peut expliquer cela par la plus grande fréquence des césariennes, avec placement rapide du nouveau-né dans une unité de soin intensif stérile aseptisée et mise sous antibiothérapie à large spectre. La colonisation par la flore de la mère est moins fréquente que par celle de l’environnement (5).

Les traitements antibiotiques

Tout antibiotique peut modifier la composition de la flore, surtout autour des 1ers jours de vie. Une étude portant sur 650 enfants de 1 mois à 15 ans traités par antibiotiques a noté la survenue de diarrhée dans 11 % des cas (10). Sont en cause une colonisation par Clostridium difficile toxinogène, Salmonella, Clostridium perfringens type A, Staphylococcus aureus (11). Les antibiothérapies précoces sont fortement suspectes d’être à l’origine du développement d’un asthme (12) ou d’une maladie de Crohn (13). L’antibiothérapie chez la mère peut modifier aussi le climat de la flore (10).

Conclusion

L’intestin est le premier organe immunocompétent de l’organisme, et accueille plus de 1014 bactéries pour lui permettre de vivre avec son environnement septique.

Il représente la plus grande interface entre l’homme et son environnement. La surface intestinale développée chez l’adulte est de 300 m2. C’est entre la flore intestinale et le système immunitaire intestinal que va se jouer une dynamique et un véritable ballet avec dialogue des microorganismes entre eux, microorganismes et hôte, qui fait que la flore va pouvoir exercer son action dans le développement et l’activation du système immunitaire, en particulier intestinal, avec un effet notamment sur la production d’IgA sécrétoires ; tout déséquilibre pouvant avoir des effets délétères à court et à long terme.

L’étude de la flore ouvre d’importantes perspectives de prévention, en particulier vis-à-vis des infections chez le tout-petit et sur la maladie allergique future.

Pour en savoir plus…


Publié

dans

par

Étiquettes :