La maladie de Wilson

Nous rapportons deux cas cliniques de maladie de Wilson découverte à l’âge pédiatrique au stade d’insuffisance hépatocellulaire.

Anaïs, 13 ans et demi…

Anaïs, âgée de 13 ans et demi, n’a aucun antécédent particulier. C’est la deuxième enfant d’une fratrie de trois. Jusqu’ici en bon état général, c’est une adolescente sportive, bonne élève de 4e.

Elle consulte son médecin traitant pour une asthénie depuis 3 semaines avec apparition d’un oedème du visage et des chevilles, ainsi qu’une prise de poids récente de 3 kg.

  • Une échographie abdominale est réalisée en ville, retrouvant un foie de petite taille à contour bosselé et d’aspect hétérogène micronodulaire, associé à une splénomégalie, une ascite importante et des signes d’hypertension portale.
  • A l’examen clinique, Anaïs présente un sub-ictère conjonctival, un syndrome oedémato-ascitique sans circulation collatérale, ni angiome stellaire. L’examen neurologique est normal.
  • L’insuffisance hépatocellulaire est confirmée avec un TP à 21 % et un facteur V à 22 %. Le reste du bilan biologique montre une tricytopénie (hémoglobine à 9,4 g/dl, plaquettes à 53 000/mm3, GB à 3 200/mm3), une cytolyse à 6 fois la normale avec prédominance sur les ASAT, une cholestase (GGT à 209 UI/l, bilirubine à 52 µmol/l à prédominance conjuguée).
  • Le bilan étiologique initial est négatif pour les sérologies des virus hépatotropes (VHA, VHB, VHC, EBV, HSV, CMV, VIH), ainsi que pour une cause auto-immune. La cuprurie des 24 heures est très élevée à 36 µmol/24h.

Le diagnostic évoqué est donc une maladie de Wilson.

Dans ce contexte une consultation ophtalmologique met en évidence un anneau de Keyser-Fleischer bilatéral. L’IRM cérébrale est normale. Un traitement par D-pénicillamine est débuté.
Devant l’aggravation rapide de l’insuffisance hépatocellulaire, Anaïs a bénéficié d’une transplantation à J4 de la prise en charge. Les suites post-greffe ont été simples. Aujourd’hui, Anaïs va bien. L’enquête familiale a permis de dépister sa grande sœur qui est actuellement traitée par un chélateur du cuivre.

Charlotte, 11 ans…

Charlotte, âgée de 11 ans, est adressée aux urgences pédiatriques pour insuffisance hépatocellulaire.

  • Elle a présenté une semaine auparavant un syndrome grippal traité de façon symptomatique par paracétamol. 24 heures avant son arrivée aux urgences, elle présente un ictère conjonctival et cutané pour lequel elle consulte son médecin traitant qui prescrit un bilan biologique. Celui-ci retrouve un TP à 30 % et un facteur V à 40 % ainsi qu’une cytolyse hépatique à 6 fois la normale prédominant sur les ASAT.
  • Aux urgences, Charlotte est asthénique, pâle et ictérique. A l’examen abdominal, on note une circulation veineuse collatérale péri ombilicale, une hépatomégalie à un centimètre et une ascite. L’examen neurologique est normal.
  • Le bilan biologique met en évidence une anémie macrocytaire sur probable hémolyse (Hb à 7,8 g/dl, VGM à 95 Fl, haptoglobine effondrée), une bilirubine à 246 µmol/l (origine mixte avec bilirubine libre à 138 µmol/l et conjuguée à 108 µmol/l), des GGT à 4 fois la normale et une insuffisance rénale avec une créatinine à 83 µmol/l et une urée à 8,7 mmol/l. Les sérologies virales sont là encore négatives, le dosage de l’alpha1-antitrypsine est normal, la recherche de toxiques est négative.

Le diagnostic de maladie de Wilson est évoqué devant le tableau clinique d’hépatopathie chronique avec cytolyse prédominant sur les ASAT associé à une anémie hémolytique.

Le diagnostic est confirmé par les dosages biologiques : céruloplasmine basse à 0,19 g/l (N : 0,25-0,62) et cuivre sérique élevé à 28 µmol/l (N : 13-27).

Comme pour Anaïs, l’évolution clinique rapide vers une insuffisance hépatique sévère conduit à un transfert en service spécialisé et à une greffe hépatique à J5 de l’évolution. Nous sommes actuellement à 1 an et demi de la greffe avec une évolution clinique favorable. L’enquête familiale n’a pas retrouvé d’autre personne atteinte dans la famille.

Ce qu’il faut savoir sur la maladie de Wilson

Voici 2 observations de maladie de Wilson découverte dans l’enfance avec une atteinte hépatique sévère. Cependant, bien d’autres présentations cliniques sont possibles. Il s’agit d’une maladie autosomique récessive liée à une mutation du gène ATP7B. Sa fréquence est de 12 à 25 cas pour 1 000 000 (1). La physiopathologie est liée à un défaut d’incorporation du Cu dans l’apocéruléoplasmine (ce qui entraîne une diminution de la synthèse de la céruléoplasmine, qui est un transporteur sérique du cuivre) et dans les métalloprotéines (ce qui entraîne une diminution de l’excrétion biliaire du cuivre). Ces deux mécanismes conduisent à une accumulation progressive du cuivre dans le foie, puis à une libération sérique du cuivre sous forme ionisé et une accumulation secondaire dans les autres organes. Les modes de révélation de la maladie sont variables d’un individu à l’autre. Les formes découvertes dans la première décennie de vie sont essentiellement de présentation hépatique (80 % des cas) alors qu’à l’adolescence la présentation est neurologique dans 40 % des cas (2, 3).

Les signes cliniques

  • L’atteinte hépatique peut présenter des formes différentes au diagnostic : hépatite aiguë (25 %), hépatite fulminante (25 %), hépatopathie chronique (25 %) ou cirrhose (25 %) (3). L’insuffisance hépatocellulaire est une mode de révélation fréquent de la maladie avant 20 ans. Les signes évocateurs d’une maladie de Wilson dans ce contexte sont la prédominance de la cytolyse sur les ASAT avec des ALAT peu élevées, l’anémie hémolytique associée et les phosphatases alcalines normales.
  • L’atteinte neurologique est liée à l’accumulation secondaire du cuivre dans le système nerveux central. La symptomatologie est très hétérogène : syndrome parkinsonien, dysarthrie, tremblement, syndrome cérébelleux, convulsions. Elle peut se manifester également par des troubles cognitifs (baisse du rendement scolaire, troubles du comportement) ou des formes psychiatriques (troubles anxio-dépressifs, tableau psychotique, démence).
  • L’accumulation du cuivre au niveau de la cornée entraîne l’apparition d’un anneau de Kayser-Fleischer qui est visible à l’examen à la lampe à fente et qui est présent dans 50% des cas dans les formes hépatiques et dans 95 % des cas dans les formes neurologiques.

L’accumulation secondaire du cuivre dans les autres organes peut entraîner une atteinte rénale à type de tubulopathie proximale et une atteinte hématologique à type d’hémolyse aiguë intra-vasculaire.

Les explorations

Le diagnostic est confirmé par les dosages biologiques : céruloplasmine basse et cuprurie des 24 heures élevée. Dans les formes de diagnostic difficile, le dosage de la cuprurie des 24 heures après sensibilisation par la prise de D-pénicillamine peut être utile. La confirmation est apportée soit par l’étude moléculaire, soit par la biopsie hépatique qui met en évidence l’accumulation de cuivre intra-hépatique.

La prise en charge

Le traitement repose sur les chélateurs du cuivre (D-pénicillamine, sels de zinc ou trientine) associé à un régime pauvre en cuivre. La greffe hépatique est indiquée dans les hépatopathies sévères et dans les formes neurologiques graves.

En conclusion

La maladie de Wilson est l’une des principales causes d’hépatopathies chroniques chez l’enfant. Il faut savoir y penser devant une atteinte hépatique mais également devant des troubles neurologiques ou une baisse inexpliquée du rendement scolaire.

Focus sur… le cuivre

Dr Jantchou Prévost (Gastropédiatre, CHU Sainte-Justine, Montréal, Canada)


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