Gastroentérite aiguë du nourrisson et de l’enfant : La prise en charge nutritionnelle

La gastroentérite aiguë (GEA) reste la principale cause de déshydratation aiguë chez le nourrisson et l’enfant. Les études d’incidence montrent une prépondérance de cette affection chez les jeunes nourrissons. La mortalité reste un problème préoccupant, surtout dans les pays émergents atteignant ainsi près de 20 % des causes de mortalité chez les enfants âgés de moins de 5 ans. Depuis l’introduction de la vaccination anti-rotavirus, on note une diminution spectaculaire de l’incidence des formes sévères et de la mortalité dans les pays où la vaccination a été généralisée.
Ce dossier vise à apporter un éclairage récent reposant sur les dernières données de la littérature, sur les aspects épidémiologiques (Dr Jantchou), la prise en charge nutritionnelle (Dr Piloquet) et thérapeutique (Dr Bellaïche et Dr Cézard).


La gastroentérite reste une affection fréquente chez l’enfant de moins de 2 ans. Après une première étape d’évaluation clinique de la déshydratation, la prise en charge thérapeutique est essentiellement nutritionnelle, visant à éviter les deux complications principales que sont la déshydratation et la dénutrition (1). Les différents consensus récents des sociétés savantes, aussi bien française qu’européenne, ont permis de réaffirmer la place de cette prise en charge et le rôle modéré des médicaments dans cette affection.

 

La gastroentérite reste une affection fréquente chez l’enfant de moins de 2 ans. Après une première étape d’évaluation clinique de la déshydratation, la prise en charge thérapeutique est essentiellement nutritionnelle, visant à éviter les deux complications principales que sont la déshydratation et la dénutrition (1). Les différents consensus récents des sociétés savantes, aussi bien française qu’européenne, ont permis de réaffirmer la place de cette prise en charge et le rôle modéré des médicaments dans cette affection.
Le premier objectif reste de généraliser, par tous les moyens possibles, l’utilisation du soluté de réhydratation orale (SRO) qui assure la prévention et le traitement efficace de la déshydratation. Les professionnels de santé ont comme mission l’éducation des parents à une utilisation systématique et adaptée de ce soluté de réhydratation chez tous les nourrissons, en particulier dans les situations à risque.

1er volet Lutter contre la déshydratation :  SRO, l’arme absolue

Le SRO, un traitement très efficace aussi vieux que l’humanité !

Les premières traces d’utilisation d’un SRO sont attribuées à Sushruta, médecin indien (-1 000 ans avant JC), sous forme d’eau, de morceaux de sel et de mélasse. Différents mélanges réalisés avec des produits locaux disponibles ont été utilisés par les hommes depuis l’Antiquité.
Toutefois, la compréhension de leur action (absorption couplée de 2 ions Na pour 1 molécule de glucose) et la standardisation de leur composition est beaucoup plus récente ; ces deux démarches sont considérées par certains auteurs comme « le plus grand progrès médical du XXe siècle ».
L’amélioration des connaissances a abouti à des recommandations (2) (tableau 1) en termes de composition vis-à-vis de :

  • la quantité de sodium (50-60 mmol/l) ;
  • et l’osmolarité (< 270 mosm/l).

Prescription médicale systématique : promouvoir les produits du commerce

En pratique, ces solutés ne sont pas assez prescrits. Ils doivent faire l’objet d’une promotion toujours plus grande, aussi bien du côté des professionnels de santé (médecins prescripteurs, pharmaciens d’officine, paramédicaux de la petite enfance) que des parents (éducation des familles).
En terme de prescription, les études cliniques ont montré une augmentation nette depuis 10 ans en France ; la dernière étude nationale chez les pédiatres libéraux montrait une prescription en cas de gastroentérite dans 63 % des cas (3).
Plusieurs produits sont commercialisés en pharmacie, ils sont en vente libre, et bénéficient d’une prise en charge par la Sécurité Sociale sur prescription médicale. Ces produits, qui ont la même efficacité en terme de réhydratation, doivent être préférés aux mélanges “maisons” plus ou moins dosés en sodium et glucose.

Le tableau 2 montre la composition des différents mélanges à ne pas utiliser pour réhydrater un nourrisson, certains étant trop riches en sucres (boissons sucrées, cola), d’autres trop riches en sodium (bouillon de poulet).

L’utilisation du SRO : peu et souvent

Les sachets de SRO sont vendus par boîte de 10, en général.
Dans de nombreux pays, notamment les pays en voie de développement, l’administration à la petite cuillère permet de freiner la vitesse d’ingestion, ce qui correspond très bien à la tolérance gastrique et à sa vidange. Dans notre pays, les nourrissons sont le plus souvent réhydratés au biberon et nécessitent donc une limitation stricte des quantités avec un biberon gradué.
La survenue fréquente de vomissements correspond le plus souvent à une administration trop rapide. Les vomissements ne représentent donc pas une contre-indication à l’utilisation d’un SRO.
Enfin, la quantité totale de SRO bue par l’enfant en 24 h n’a pas de limite supérieure, elle dépend bien sûr du volume des selles.

La surveillance

La déshydratation reste une situation à risque chez le nourrisson ; l’utilisation généralisée du SRO doit permettre de minimiser le risque d’aggravation de la déshydratation. Certaines études ont montré que la réhydratation par voie orale était efficace dans plus de 96 % des cas (4).
Les formes les plus sévères nécessitent une réhydratation intraveineuse en milieu hospitalier.

Prévention : prescrire le SRO en amont

Afin de prévenir la déshydratation du nourrisson, la prescription préalable d’une boîte de SRO en maternité ou dans les premières semaines de vie pourrait sensibiliser les parents à ce risque spécifique et permettre une action d’éducation précoce.
Le développement de supports médiatiques expliquant l’utilisation d’un SRO peut aider à l’éducation des parents dans les salles d’attente médicales, les services d’urgences pédiatriques et les centres de PMI. (Groupe REAGIR, 2008).

2e volet : Prévenir la dénutrition : la réalimentation précoce

La multiplication des épisodes de gastroentérite chez le même enfant peut conduire à une dégradation de l’état nutritionnel.
La prévention de cette complication à moyen terme consiste à promouvoir la réalimentation précoce, dès la 4e heure, le plus souvent avec l’alimentation habituelle de l’enfant, en évitant les erreurs diététiques pouvant aggraver la diarrhée.

Diarrhée et produits laitiers : un couple qui fonctionne !

Pendant des décennies, les médecins ont cru à l’intérêt du repos digestif dans les diarrhées aiguës. Depuis 20 ans, cette notion a été progressivement abandonnée. Pourtant, certaines idées fausses persistent dans la population générale. L’utilisation de produits laitiers pendant un épisode de diarrhée ne pose généralement aucun problème, même si cela reste difficile pour de nombreux parents.

Chez le nourrisson allaité : continuer l’allaitement

L’allaitement maternel exclusif permet de diminuer le nombre de diarrhées aiguës de 50 %.
Au-delà de l’aspect préventif, l’allaitement simplifie la prise en charge de la diarrhée, puisqu’il suffit de répondre aux besoins de l’enfant qui boira aussi souvent que nécessaire, le lait maternel étant parfaitement adapté et toléré.
L’alternance des tétées avec des apports de SRO permet de lutter efficacement contre la déshydratation, tout en maintenant un apport calorique satisfaisant.

Chez le nourrisson en alimentation lactée exclusive (0-4 mois)

Les nourrissons recevant une alimentation lactée artificielle sont plus exposés et nécessitent, dans les formes sévères, une adaptation de leur alimentation.
La réalimentation sera débutée après une courte période de réhydratation (4 à 6 heures).
Le choix du lait, aliment exclusif de l’enfant, fait l’objet de discussions importantes et de recommandations souvent différentes, voire contradictoires suivant les groupes d’experts ; ceci est expliqué par le manque d’études publiées dans cette tranche d’âge.
Le choix met en cause deux constituants majeurs, les protéines de lait de vache et le lactose, avec deux catégories de produits correspondants :

  • les laits sans lactose ;
  • et les laits sans protéine de lait de vache et sans lactose.

L’utilisation d’un hydrolysat de protéines (sans protéines de lait de vache et sans lactose) peut être nécessaire, surtout en cas de diarrhée sévère, d’antécédent de prématurité, de pathologie chronique, ou d’antécédent familial d’allergie (5).
L’âge reste un élément déterminant, avec une attention particulière pour le nourrisson âgé de 2 mois.
En pratique, les prescriptions des médecins restent éloignées des recommandations d’experts, avec une substitution voisine de 50 % dans l’étude de prescription des pédiatres libéraux français publiée en 2004 (3).

Chez le nourrisson diversifié (plus de 4 mois)

Le nourrisson de plus de 4 mois peut, dans une majorité de cas, être réalimenté avec son régime habituel en limitant les aliments riches en sucres simples (à titre d’exemple, un jus d’orange pur a une osmolarité de 600 mOsm/l).
En pratique, le risque d’intolérance au lactose pouvant entretenir ou prolonger la diarrhée semble faible (inférieur à 5 %), et ne justifie donc pas une utilisation systématique de lait sans lactose, même si ceux-ci restent très conseillés en pratique. Cette prescription sera réservée aux situations de diarrhée traînante (> 5-7 jours), diarrhée sévère ou récidivante (5-7).
Par ailleurs, les conseils diététiques simples dans ce contexte orientent l’alimentation vers des produits laitiers fermentés (yaourts) et des aliments dits “anti-diarrhéiques” (riz, pommes de terre, carottes, bananes, tapioca).

En pratique : Comment utiliser le SRO ?

  • La reconstitution se fait avec 200 ml d’eau potable.
  • Le mélange transparent est proposé par petites quantités (10 à 20 ml), à intervalles réguliers (10 à 15 min).
  • Le faire ingérer lentement.
  • La quantité totale par 24 h n’est pas limitée ; elle dépend du volume des selles.

A dire aux parents

Les conseils aux parents visent à détecter les signes de gravité sur des critères simples devant motiver une nouvelle consultation :

  • troubles de conscience,
  • vomissements incoercibles,
  • diarrhées profuses et nombreuses.

À retenir : Ce qu’il faut retenir en cas de gastroentérite du nourrisson

  1. Utiliser de façon systématique un soluté de réhydratation orale pour tout épisode de diarrhée.
  2. Prescrire un SRO du commerce.
  3. Continuer l’allaitement maternel.
  4. Réalimenter précocement avec le régime habituel de l’enfant dans une majorité de cas de formes bénignes.
  5. Pas de recours systématique aux laits sans lactose.
  6. Substituer le lait habituel dans les formes sévères ou prolongées, chez le moins de 4 mois, en utilisant un lait sans protéine de lait de vache et sans lactose (hydrolysat).

 

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