L’allaitement maternel en questions

Si un bébé allaité et en bonne santé ne grossit pas, c’est parce que sa mère n’arrive pas à produire assez de lait !

FAUX

La grande majorité des femmes a largement assez de lait, certaines femmes en ont même trop !
Si le bébé ne prend pas de poids, ce n’est généralement pas parce que sa mère n’est pas capable de produire assez de lait, mais parce que le bébé ne reçoit pas le lait disponible, et ce surtout parce qu’il ne prend pas bien le sein et ne tête pas bien (et/ou pas assez souvent, et/ou pas assez longtemps). En réponse à cela, la sécrétion lactée va diminuer. Mais cette baisse de lait est la conséquence d’un mauvais transfert du lait à l’enfant, ce n’est pas une insuffisance primaire de lait. L’insuffisance primaire de lait existe, mais elle est très rare.

Pendant de très nombreuses années, on a cru que la nutrition maternelle était un facteur déterminant de la production de lait ; de nombreuses études ont montré que le volume de lait produit, qui est en moyenne de 750ml par jour, et ce de façon relativement constante entre 1 et 6 mois post-partum, est identique quel que soit le niveau socio-économique des mères.

La connaissance de la physiologie de la lactation permet de comprendre les problèmes responsables de l’insuffisance secondaire de lait.
Le lait est sécrété de façon continue dans les lactocytes, et il est stocké dans la lumière des alvéoles, jusqu’à ce que son extraction en soit initiée. Le mécanisme de fabrication-éjection du lait est bien connu, il dépend des hormones principales de la lactation, la prolactine (qui permet la fabrication du lait) et l’ocytocine (qui est indispensable à son éjection).
Mais les hormones n’expliquent pas complètement la régulation du volume de lait produit. Il existe un mécanisme de régulation locale, connu sous le terme de “contrôle autocrine de la lactation” ; c’est un mécanisme de rétrocontrôle négatif qui inhibe la sécrétion lactée, tant qu’il reste un important volume de lait résiduel dans les alvéoles.
En fait, on a pu constater que la vitesse de synthèse du lait est inversement proportionnelle au degré de remplissage des alvéoles. Ce mécanisme explique pourquoi tous les facteurs qui limitent l’extraction du lait (succion inefficace, tétées insuffisantes et/ou trop courtes, anomalie du réflexe d’éjection) entraînent une diminution du volume de lait produit. Ce mécanisme explique aussi qu’une femme puisse rapidement augmenter sa production de lait en augmentant la fréquence des tétées (“jours de pointe”) et l’efficacité de l’extraction de lait.

Le déterminant le plus important de la quantité de lait produite, c’est l’efficacité et la fréquence de l’extraction du lait, et donc la demande de l’enfant.

EN PRATIQUE :

Il existe différentes solutions pour augmenter la production de lait : améliorer le transfert de lait en corrigeant la prise du sein et en faisant la “compression du sein”, augmenter le nombre de tétées, donner les deux seins, voire deux fois chaque sein à chaque repas, tirer le lait après et en plus des tétées.

Le lait maternel de certaines mères n’est pas assez riche !

FAUX

Contrairement à une croyance largement répandue, il n’y a pas de lait maternel “pas assez riche”.
La composition du lait maternel varie au cours de la lactation, au cours de la journée, au cours de la tétée ; elle varie d’une mère à l’autre, mais ces variations, qui concernent notamment la concentration en graisses et le profil des acides gras, n’ont pas de conséquence sur la croissance de l’enfant.

Les nourrissons régulent leurs apports en fonction de la valeur calorique du lait, pas par le volume. Si le lait d’une mère a une teneur en graisses un peu plus faible que la moyenne (si elle a par exemple de très faibles réserves de graisse), l’enfant consommera une plus grande quantité de lait et le volume produit par la mère sera plus important pour satisfaire les besoins de l’enfant.

EN PRATIQUE :

Quand un enfant allaité ne prend pas assez de poids, ce n’est pas à cause de la qualité du lait. Le problème, c’est la quantité de lait consommée par l’enfant.

Un bébé allaité, âgé de plus de 1 mois, qui demande à téter plus de 7 à 8 fois par jour n’a pas assez à manger !

FAUX

C’est la croissance de l’enfant qui permet de savoir s’il a assez à manger, pas le nombre de tétées. Les connaissances en matière de physiologie de la lactation et les données cliniques publiées mettent bien en évidence qu’il n’y a pas de définition d’un allaitement maternel “normal”.
Il existe d’importantes variations dans le nombre des tétées et dans le temps passé à têter, à la fois entre individus et chez un même individu au cours du temps.

Même si la fréquence des tétées s’établit en moyenne autour de 8 par 24 heures, entre 1 et 6 mois, il est tout à fait inapproprié de chercher à définir des normes, et encore plus de vouloir les imposer. Plutôt que d’essayer de se conformer à des “moyennes”, il est souhaitable d’encourager les mères à répondre aux signaux de leur enfant.

EN PRATIQUE :

Pas de règles strictes !

Il faut donner un seul sein à chaque tétée, pour permettre à l’enfant d’avoir les graisses de fin de tétée

FAUX

Cette “nouvelle” règle, tout aussi arbitraire et contre-productive que les plus anciennes sur la fréquence, l’espacement et la durée des tétées, repose sur une interprétation erronée d’une authentique notion de la physiologie. En effet, la concentration en graisses augmente au fur et à mesure de la tétée, proportionnellement à l’extraction du lait alvéolaire, mais il faut être très prudent quant à l’usage que l’on fait de cette notion en pratique.

Il faut bien comprendre que l’augmentation de la concentration en graisses est surtout déterminée par le degré de remplissage du sein, et que le début ou la fin d’une tétée ne correspondant pas nécessairement au début ou à la fin du drainage des alvéoles : un enfant peut débuter une tétée sur un sein déjà partiellement drainé ; la concentration en graisses peut donc être aussi élevée au début de cette tétée qu’à la fin d’une autre tétée débutée sur un sein beaucoup plus plein.
Les variations de concentration en graisses seront d’autant plus importantes que la mère a une grande capacité de stockage, et elles seront beaucoup plus stables chez celles qui ont une plus faible capacité de stockage.

Dans la mesure où, d’une part, l’enfant régule ses besoins en fonction de son appétit et que, d’autre part, il consomme rarement tout le lait disponible, il ne faut pas trop s’occuper du problème de “lait de début et de fin de tétée”, sauf dans les situations particulières où les mères ont une surabondance de lait ; ces mères peuvent avoir besoin de ne donner qu’un seul sein par tétée, voire plusieurs fois de suite le même sein, selon une guidance individualisée.
Pour la majorité des enfants, il ne faut pas imposer des règles arbitraires applicables à tous, du type “un seul sein par tétée”, car certains nourrissons ont parfois, voire même toujours, besoin de téter les deux seins, et ils risquent de ne pas consommer assez de lait si on conseille à leur mère de ne leur donner qu’un seul sein par tétée.

EN PRATIQUE :

Là encore, il n’y a pas – et il ne doit pas – y avoir de règles strictes !
Si un bébé tête vraiment efficacement pendant plusieurs minutes sur le premier sein, il se peut qu’il n’ait aucune envie de prendre le deuxième sein.
Il est avant tout souhaitable d’inciter la mère à observer le comportement de son bébé, d’encourager celui-ci à “finir” le premier sein, et lui proposer l’autre s’il semble vouloir encore téter.

La croissance des enfants allaités est-elle différente de celle des enfants nourris au biberon ?

OUI

Plusieurs études ont montré que, comparativement aux enfants nourris au lait artificiel, les enfants allaités jusqu’à l’âge de 1 an au moins grossissent aussi, voire plus vite pendant les 2 à 3 premiers mois, et moins vite du 4e au 12e mois.

EN PRATIQUE :

Puisque la norme de l’alimentation infantile est l’allaitement maternel, il est souhaitable de se référer aux courbes de croissance établies par l’OMS, spécifiques aux nouveau-nés allaités.

• Pendant les premières semaines de l’allaitement, une courbe de poids hésitante ne doit pas être considérée comme normale.
Si, à partir de la fin de la 1re semaine, le nouveau-né ne prend pas au moins 120 à 130 grammes par semaine, il est probable qu’il ne reçoit pas suffisamment de lait. Des mesures précoces visant à améliorer la conduite de l’allaitement sont préférables à une attitude attentiste afin d’éviter que les problèmes ne se compliquent d’une insuffisance de lait.
• Par contre, si la croissance d’un nourrisson en bonne santé, allaité de façon exclusive, a tendance a s’infléchir à partir du 3e ou du 4e mois, il n’y a pas lieu de s’alarmer, ni de conseiller à la mère de donner des compléments, ou encore moins d’arrêter d’allaiter.

La cause la plus fréquente de mamelons douloureux est la mauvaise position du bébé au sein

VRAI

La principale cause de mamelons douloureux est une mauvaise prise de sein, elle-même secondaire à une mauvaise position du bébé au sein. Plus rarement, il s’agit d’un problème de succion, ou les deux.

Des lésions persistantes des mamelons doivent faire évoquer une surinfection.

EN PRATIQUE :

Le meilleur traitement des mamelons douloureux est la prévention qui consiste essentiellement à assurer une bonne prise du sein dès le premier jour :
• la mère doit s’installer confortablement et mettre son bébé dans différentes positions, mais toujours bien face à elle, avec la bouche grande ouverte pour qu’il prenne le sein le plus loin possible ;
• faire en sorte que la prise du sein soit légèrement asymétrique, en positionnant le bébé le nez à la hauteur du mamelon, ce qui va lui permettre de toucher le sein d’abord avec le menton : le bébé recouvre alors plus d’aréole avec sa lèvre inférieure qu’avec sa lèvre supérieure, ses lèvres sont bien retroussées sur le sein.

Lorsqu’il est positionné de façon correcte au sein, le bébé peut téter efficacement. Il a alors une succion caractéristique, faite de mouvements amples et réguliers, généralement associés à des bruits de déglutition audibles.

Il est important de traiter les crevasses en accélérant leur cicatrisation.
Des crèmes peuvent être utiles : crèmes à base de lanoline purifiée, pommade antibiotique et/ou antifongique, éventuellement associée à une pommade anti-inflammatoire (c’est souvent l’inflammation associée à l’infection ou à la plaie qui provoque la douleur). Ces produits sont à appliquer en petite quantité après la tétée, sans chercher à nettoyer le mamelon avant la tétée suivante.
Les substances actives sont très vite absorbées par la peau et n’induiront pas de problèmes chez le bébé.

Ces pommades peuvent contribuer à la guérison, mais corriger une mauvaise position reste le meilleur des traitements.

En cas d’engorgement, la mère doit boire moins et ne pas donner le sein trop souvent pour faire baisser la production de lait

FAUX

La restriction hydrique est inutile et aggrave l’inconfort de la mère ; l’espacement des tétées aggrave l’engorgement.

L’engorgement du post-partum résulte d’une exagération, en proportions variables, des deux phénomènes qui caractérisent la montée de lait (augmentation plus ou moins rapide de la production de lait, avec distension alvéolaire en cas de stase lactée et congestion vasculaire et lymphatique à l’origine d’un œdème interstitiel).
L’engorgement est favorisé par l’inefficacité et la restriction des tétées, et peut être responsable rapidement d’une baisse, voire d’un arrêt de la production de lait.

A distance de la naissance, il est la conséquence d’un mauvais drainage des seins (succion inefficace, tétées espacées…).

Il peut se voir également chez les femmes qui produisent trop de lait.

EN PRATIQUE :

Le meilleur traitement consiste en :
• des tétées fréquentes, en position correcte,
• éventuellement associées à des applications froides entre les tétées et chaudes juste avant les tétées.

En cas de mastite aigüe (lymphangite), il faut suspendre l’allaitement pendant 24 à 48 heures

FAUX

La poursuite de l’allaitement est sans aucun risque pour un nourrisson sain ; par ailleurs, suspendre l’allaitement expose au risque de survenue d’un abcès du sein.
La lymphangite (ou mastite) est une inflammation du sein qui peut éventuellement évoluer vers une infection.
Elle est favorisée par :
• la fatigue,
• l’existence de lésions des mamelons,
• et surtout par tous les facteurs qui empêchent un bon drainage du sein (succion inefficace, tétées espacées, hyperproduction de lait…).

EN PRATIQUE :

Le traitement doit associer le repos, et surtout la poursuite de l’allaitement, avec des tétées fréquentes, notamment du côté atteint.
En l’absence d’amélioration au bout de 12 à 24 h après la mise en place d’un drainage efficace du sein, ou d’emblée en cas de signes importants, il faut débuter une antibiothérapie efficace sur le staphylocoque doré producteur de bêta-lactamase, et celle-ci devra être poursuivie au moins 10 jours.
La poursuite de l’allaitement n’est évidemment pas contre-indiquée.
La recherche de facteurs favorisants est également nécessaire afin d’éviter les récidives.

Si un bébé vomit ou à la diarrhée, il est préférable de suspendre l’allaitement

FAUX

Les gastroentérites sont plus rares chez les enfants allaités. Elles ne sont absolument pas une contre-indication à la poursuite de l’allaitement, au contraire.
La seule maladie de l’enfant qui contre-indique vraiment l’allaitement est la galactosémie congénitale.

Si une mère qui allaite à de la fièvre, elle ne doit pas donner le sein !

FAUX

Pour la majorité des infections courantes, si la mère est fébrile, tousse, vomit, a la diarrhée ou une éruption, elle a déjà probablement transmis l’infection à son bébé, car elle était contagieuse avant l’apparition des premiers symptômes.

EN PRATIQUE :

La meilleure protection pour l’enfant est qu’il continue à être allaité. Ceci lui permettra d’être moins malade que s’il n’était pas allaité, et même bien souvent de ne pas être malade du tout !

Une mère qui allaite doit faire très attention à ce qu’elle mange

FAUX

Elle doit essayer d’avoir une alimentation équilibrée (comme chacun d’entre nous !), mais rien ne l’oblige à manger certains aliments ou à en éviter d’autres.

EN PRATIQUE :

Elle n’a pas besoin d’éviter les aliments épicés, le chou, les asperges ou l’ail. Elle n’est pas obligée de boire du lait pour produire plus de lait, ni de se forcer à boire plusieurs litres d’eau par jour ; elle doit boire en fonction de sa soif et avoir une alimentation normale et saine.
Les règles alimentaires ne font que compliquer inutilement l’allaitement.

 

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