Le dépistage de l’hypercholestérolémie chez l’enfant

L’hypercholestérolémie familiale hétérozygote est une affection monogénique dominante
fréquente (1/500) et grave.
Elle expose à des complications cardiovasculaires prématurées chez l’adulte jeune, et à une diminution de l’espérance de vie. Elle justifie donc d’être dépistée pendant l’enfance, afin de pouvoir débuter précocement un traitement destiné à ralentir le développement de l’athérosclérose.
Le dépistage ciblé en fonction des antécédents familiaux ayant montré une sensibilité médiocre, il est actuellement recommandé d’effectuer un dépistage généralisé par le dosage du cholestérol plasmatique chez tous les enfants à partir de l’âge de 2-3 ans.

 

Introduction

L’athérosclérose est un processus qui débute et se développe silencieusement pendant l’enfance et qui, dès cet âge, est associé aux différents facteurs de risque cardiovasculaire (CV) identifiés chez l’adulte, notamment à l’élévation du LDL-cholestérol (LDL-C) plasmatique [1].

C’est donc pendant l’enfance qu’il convient de débuter la prévention primaire de l’athérosclérose et de ses complications CV [2], et notamment de dépister et de prendre en charge les hypercholestérolémies (HC), en particulier les formes les plus sévères d’entre elles que sont les HC héréditaires monogéniques dominantes [3].

Pour répondre au mieux à cet objectif, les stratégies de dépistage de l’HC chez l’enfant ont fait l’objet au cours de ces dernières années de plusieurs études prospectives et de consensus d’experts [2, 4-8].

Pourquoi dépister l’hypercholestérolémie chez l’enfant ?

L’HC est un trouble fréquent chez l’enfant. Elle se définit comme une concentration du cholestérol plasmatique supérieure au 95e percentile de sa distribution dans la population pédiatrique générale [4, 5, 9]. Cette définition implique donc que 5 % des enfants sont hypercholestérolémiques.

Or, si ce n’est pas au cours de l’enfance mais ultérieurement, à l’âge adulte, que surviennent les complications CV de l’HC, plusieurs études ont montré que c’est très précocement, à partir de l’âge de 2 ou 3 ans, qu’apparaissent des lésions d’athérosclérose qui vont se développer silencieusement pendant toute l’enfance.

Ces études ont également montré que, dès l’enfance, l’extension des lésions d’athérosclérose est étroitement corrélée à la concentration de LDL-C plasmatique [1].

Toutes les hypercholestérolémies ne comportent pas le même risque

Certaines d’entre elles, transmises de façon héréditaire sur un mode dominant, comportent un risque élevé d’accidents CV prématurés chez les adultes jeunes et une diminution de l’espérance de vie.

La plus fréquente d’entre elles est l’HC familiale (HF) due à une mutation sur le gène des récepteurs du LDL [3, 4].

Elle s’exprime dès le plus jeune âge par une hyper-LDL-cholestérolémie pure. Dans sa forme hétérozygote, la prévalence de l’HF dans la population générale est de 1 sur 500, ce qui la situe comme la plus fréquente des maladies héréditaires du métabolisme dans les pays développés.

L’HF est également une maladie grave.

Les travaux de J.L. Goldstein et M.S. Brown ont révélé que, chez les sujets hétérozygotes, la probabilité de morbidité coronarienne avant l’âge de 50 ans est de 20 % chez les femmes et de 50 % chez les hommes [3].
L’augmentation d’un risque coronarien précoce chez ces sujets a été confirmée par l’étude britannique du Simon Broome Register Group qui montre que le risque de mortalité coronarienne avant l’âge de 40 ans est multiplié par 125 chez les femmes et par 48 chez les hommes par rapport à la population générale        [10].

Ce sont donc ces formes fréquentes et graves d’HC monogéniques dominantes à expression pédiatrique qui doivent être ciblées par le dépistage car elles relèvent dès l’enfance d’une prise en charge diététique et d’un traitement hypocholestérolémiant dans le but de stopper ou ralentir le développement de lésions d’athérosclérose encore silencieuses et de prévenir l’insuffisance coronarienne prématurée de l’adulte [2, 4, 9, 11, 12]. Les modalités de leur dépistage chez l’enfant restent cependant encore débattues.

Comment et quand dépister l’hypercholestérolémie chez l’enfant ?

Dépistage ciblé ou dépistage généralisé ?

L’HF étant une affection dominante, un dépistage individuel ciblé en fonction des antécédents familiaux avait été recommandé en 1992 par le National Cholesterol Education Program (NCEP) [9]. Ces recommandations ont été reprises en 1998 par le Comité de nutrition de l’American Academy of Pediatrics (AAP) qui proposait alors de doser le cholestérol chez les enfants de plus de 3 ans lorsqu’il existait une histoire familiale, chez un parent ou grand parent, soit d’HC supérieure à 240 mg/dl, soit d’accidents cardiovasculaires prématurés, survenus avant 55 ans chez les hommes et avant 60 ans chez les femmes.

Toutefois, il est apparu que le dépistage ciblé avait une sensibilité et une spécificité médiocres, puisque 30 à 60 % des enfants ayant une hypercholestérolémie familiale documentée n’auraient pas été identifiés par cette stratégie [5, 8]. C’est pourquoi les recommandations les plus récentes préconisent la généralisation du dépistage à tous les enfants (universal screening) [2, 4, 6]. Cette stratégie a également l’avantage de constituer une opportunité supplémentaire pour diagnostiquer plus précocement le parent transmetteur lorsqu’il ignore le niveau de sa cholestérolémie, comme c’est encore souvent le cas [5, 8]. Le rapport coût/efficacité de la généralisation du dépistage chez l’enfant n’a pas encore été modélisé, mais les études effectuées chez
l’adulte montrent un bénéfice important. Ainsi, une étude réalisée aux Pays-Bas révèle que chaque nouveau cas d’HF diagnostiqué gagne 3,3 années de vie pour un coût de 8 700 dollars par année gagnée, avec 26 infarctus évités pour 100 personnes traitées [13].

En France, les recommandations du Comité de Nutrition de la Société française de pédiatrie et de la Nouvelle société française d’athérosclérose préconisent de généraliser ledépistage à tous les enfants entre 3 et 9 ans.

Age du dépistage et valeurs discriminantes du LDL-C

L’âge le plus favorable pour le dépistage fait encore l’objet de débats.

• Il dépend en effet de la période au cours de laquelle la mesure de la cholestérolémie permet de discriminer au mieux les enfants atteints d’HF de ceux ayant d’autres formes, polygéniques, d’HC.

• Il dépend aussi de l’âge auquel il est raisonnable de débuter une prise en charge diététique et/ou médicamenteuse, en sachant que des recommandations diététiques ne peuvent pas être appliquées avant l’âge de 3 ans et qu’un traitement médicamenteux n’est habituellement pas prescrit avant l’âge de 8 ans [2, 4].

Le principal inconvénient de la généralisation du dépistage est le risque d’induire des diagnostics d’HF par excès et donc des traitements abusifs.

Ce risque impose de déterminer un seuil de concentration plasmatique de LDL-C suffisamment discriminant pour obtenir un taux de détection élevé tout en maintenant un faible taux de faux positifs. Il existe en effet un chevauchement de la distribution des valeurs du LDL‑C plasmatique entre les formes mono- et polygéniques d’HC.

• Une étude pédiatrique française a montré que le seuil de LDL-C statistiquement discriminant entre ces deux formes était de 1,90 g/l [14]. Cela signifie que les enfants qui conservent un LDL-C supérieur à 1,90 g/l après quelques mois de traitement diététique présentent une forte probabilité d’être atteints d’HF. Cette valeur de LDL-C est également celle qui avait été retenue par le NCEP pour débuter un traitement médicamenteux [9].

• Par ailleurs Wald et al. [8] ont déterminé dans une méta-analyse récente que, dans la tranche d’âge de 1 à 9 ans, une concentration plasmatique de cholestérol total supérieure à 2,46 g/l et/ou de LDL-C supérieure à 1,84 g/l permettait un taux de détection d’HF de 88 % avec un pourcentage de faux positifs inférieur à 0,1 %.

 

Les recommandations actuelles

A la suite de ces données, les recommandations du National Heart, Lung and Blood Institute, adoptées en 2011 par l’AAP [2] et celles de la National Lipid Association [6] préconisent :

• un dépistage ciblé à l’âge de 2 ans chez les enfants ayant des antécédents familiaux d’HC ou d’accident CV prématuré ;

• complété par un dépistage généralisé entre 9 et 11 ans.

En France, les recommandations du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie et de la Nouvelle société française d’athérosclérose préconisent de généraliser le dépistage à tous les enfants entre 3 et 9 ans [4].

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