Le strabisme accommodatif de l’enfant

Cas clinique

Pauline, 3 ans, est adressée par le pédiatre chez l’ophtalmologiste pédiatrique, car elle présente un strabisme. Sa mère a constaté qu’elle louche de temps en temps. L’enfant ne se plaint de rien. Elle n’a pas d’antécédents particuliers et il n’y a pas d’antécédent dans la famille de problèmes oculaires. À l’examen, l’acuité visuelle est chiffrée à 2/10e à l’oeil droit et à 4/10e à l’oeil gauche. La réfraction montre une hypermétropie à l’oeil droit de + 3 dioptries et – 1 dioptrie à l’oeil gauche. À l’examen oculomoteur, il existe une ésotropie (ou strabisme convergent). L’oeil gauche reste l’oeil fixateur préféré. Les mouvements oculaires sont complets. Les réflexes pupillaires sont normaux. L’examen à la lampe à fente est sans particularités. Une réfraction sous cycloplégie dévoile une hypermétropie majeure aux deux yeux de l’ordre de + 6 dioptries à l’oeil droit et + 4 dioptries à l’oeil gauche. L’examen du fond d’oeil est normal.

Diagnostic

Il s’agit donc d’une hypermétropie associée à une ésotropie. L’origine de cette ésotropie est probablement accommodative (liée à l’hypermétropie).
Il existe 3 types d’amétropies ou de troubles de la réfraction : myopie (longueur axiale élevée), hypermétropie (longueur axiale courte), et astigmatisme (irrégularité cornéenne).

Traitement

La prescription de la correction optique totale (COT) est faite par l’ophtalmologiste. La COT est la prescription en lunettes de ce que l’ophtalmologiste aura trouvé objectivement au niveau de la réfraction sous cycloplégie (paralysie pharmacologique du muscle accommodateur du cristallin). Porter la COT permet de corriger certains strabismes (accommodatifs) et est indispensable pour démarrer la rééducation d’une amblyopie. Ainsi, la réfraction sous cycloplégie est obligatoire chez l’enfant, car elle permet d’éliminer une accommodation pouvant fausser les résultats.

Évolution du cas clinique

L’enfant revient en consultation chez l’ophtalmologiste. Elle porte bien ses lunettes et les met toute seule dès le réveil selon les parents (signe de bonne tolérance). Pendant la consultation, l’ophtalmologiste vérifie que les lunettes sont bien adaptées (grandes, rondes, en plastique, montant au-delà des sourcils et ne reposant pas sur les pommettes). L’acuité visuelle est remontée à 6/10e à l’oeil droit et 10/10e à l’oeil gauche. La fillette ne présente plus de déviation oculaire en portant ses lunettes. Sans les lunettes, l’ésotropie est toujours présente. La confirmation d’une ésotropie accommodative est faite.

Suivi

Une rééducation sera débutée par une occlusion oculaire à l’oeil gauche à l’aide d’un cache. Un suivi régulier est préconisé chez les enfants en cours de rééducation de l’amblyopie. L’amblyopie est une diminution de l’acuité visuelle (uni ou bilatérale) d’origine soit organique, soit fonctionnelle. L’anisométropie (trouble asymétrique de la réfraction) et les strabismes (déviations oculaires) sont les causes les plus fréquentes d’amblyopie.

Signes à repérer

Des signes importants peuvent être repérés et nécessitent une consultation ophtalmopédiatrique :

– une leucocorie (reflet blanc dans la pupille) (+++),
– une déviation oculaire (surtout si soudaine !) ou un nystagmus,
– errance du regard chez les nourrissons,
– si l’enfant tombe très facilement,
– si l’enfant s’approche à moins de 10 cm pour voir les choses de près, plisse les yeux,
– une acuité visuelle basse ou différente de plus de 2 lignes entre les deux yeux (acuité visuelle souvent mesurée à la PMI, à l’école et chez le pédiatre dans le cadre du dépistage et du suivi de l’enfant),
– des maux de tête en fin de journée scolaire,
– si l’enfant a souvent les yeux rouges.

Conclusion

  • La correction optique prescrite à un enfant doit être le résultat d’une évaluation faite avec et sans cycloplégie.
  • Une amblyopie nécessite impérativement une rééducation avant l’âge de 6 ans pour pouvoir profiter de la période de plasticité cérébrale, au-delà les résultats de la rééducation sont sous-optimaux. La rééducation se fait en cachant l’oeil avec la meilleure acuité visuelle (thérapie d’occlusion). Le suivi doit être régulier pour éviter une bascule sur l’oeil non atteint.
  • Une consultation ophtalmopédiatrique n’est pas obligatoire pour tous les enfants. Il est suffisant de dépister régulièrement aux âges critiques : nouveau-nés (PMI et pédiatre), enfants scolarisés (infirmière scolaire). Si l’on retrouve des signes témoignant un problème visuel, ou au moindre doute, il est préférable de consulter un ophtalmologiste pédiatrique.

Société française de pédiatrie. Dépistage des troubles visuels chez l’enfant. Guide pratique. Juin 2009.


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