Gastroentérite aiguë du nourrisson et de l’enfant : le traitement médicamenteux

La gastroentérite aiguë (GEA) reste la principale cause de déshydratation aiguë chez le nourrisson et l’enfant. Les études d’incidence montrent une prépondérance de cette affection chez les jeunes nourrissons. La mortalité reste un problème préoccupant, surtout dans les pays émergents atteignant ainsi près de 20 % des causes de mortalité chez les enfants âgés de moins de 5 ans. Depuis l’introduction de la vaccination anti-rotavirus, on note une diminution spectaculaire de l’incidence des formes sévères et de la mortalité dans les pays où la vaccination a été généralisée.
Ce dossier vise à apporter un éclairage récent reposant sur les dernières données de la littérature, sur les aspects épidémiologiques (Dr Jantchou), la prise en charge nutritionnelle (Dr Piloquet) et thérapeutique (Dr Bellaïche et Dr Cézard).


Le traitement de la diarrhée réside avant tout en la prise en charge de sa complication potentielle, à savoir la déshydratation. La prescription de soluté de réhydratation orale (SRO) reste donc le pilier incontournable (1).

 

Le traitement de la diarrhée réside avant tout en la prise en charge de sa complication potentielle, à savoir la déshydratation. La prescription de soluté de réhydratation orale (SRO) reste donc le pilier incontournable (1).

Toutefois, au même titre que le rationnel du traitement systématique de la fièvre du nourrisson réside en l’amélioration de son confort (2), pourquoi ne pas appliquer un raisonnement identique pour la diarrhée ? Un épisode de diarrhée ne génère-t-il pas un inconfort pour le nourrisson et sa famille ?
Nous vous laissons le soin d’en juger en inspectant la marge anale de plusieurs nourrissons victimes de gastroentérite à rotavirus (figure 1).

Les inhibiteurs de la motricité et les médicaments antisécrétoires, les agents intraluminaux, les pré- et probiotiques ont été testés dans le traitement symptomatique de la diarrhée. Chacune de ces différentes thérapeutiques a pour but d’avoir une balance bénéfice-risque très en faveur de l’efficacité pour pouvoir prétendre à une large utilisation dans cette indication.

Lesquels prescrire, quand et comment ?
Tel est le but de cette revue de la littérature.

Quand le traitement peut-il être jugé comme efficace ?

Les paramètres d’évaluation de l’efficacité d’un médicament dans les diarrhées aiguës reposent, dans les modèles expérimentaux, sur des critères précis appréciant les différents mécanismes pathologiques responsables de la diarrhée aiguë :

  • adhérence ou prolifération bactérienne ou virale,
  • hypersécrétion,
  • altération de la muqueuse intestinale,
  • troubles de digestion et d’absorption (3).

L’effet d’un médicament lors d’un essai expérimental ne peut pas bien sûr être extrapolé chez l’enfant.
Dans les études cliniques, les critères d’efficacité sont essentiellement :

  • le nombre, la fréquence des selles ;
  • l’aspect des selles ;
  • le délai d’apparition de la première selle normale.

Le mécanisme d’action thérapeutique n’est pas bien analysé avec ces paramètres et un agent adsorbant comme la carotte peut obtenir des résultats symptomatiques sans stopper la diarrhée.

L’OMS recommande donc, pour juger de l’efficacité d’un médicament dans la diarrhée aiguë, des études réalisées en double aveugle contre placebo avec, comme critère principal, le débit des selles réduit d’au moins 30 % par rapport au placebo (4, 5).

Les médicaments disponibles

Les inhibiteurs de la motricité intestinale et les antisécrétoires

  • Les opiacés et les anticholinergiques : prudence !

Ils agissent sur la motricité intestinale.
Leurs nombreux effets indésirables sur le système nerveux central rendent la prescription délicate chez l’enfant et impossible chez le nourrisson (6).

  • Le lopéramide : interdit chez le jeune enfant

Chez l’enfant, trois études réalisées contre placebo ont montré l’efficacité du lopéramide à la dose de 0,8 mg/kg/j sur la durée de la diarrhée (7).
La survenue de troubles neurologiques à type de somnolence, et surtout d’iléus à l’origine de plusieurs décès, a justifié la décision des sociétés savantes de prohiber l’utilisation du lopéramide chez le nourrisson de moins de 2 ans et le jeune enfant (5, 8).

  • Le racécadotril : à considérer dans le traitement de la diarrhée

Le racécadotril (Tiorfan®) est un antisécrétoire pur sans action sur le transit intestinal (inhibiteur de l’enképhalinase).
Son efficacité a été validée chez le nourrisson dans deux études réalisées en France et au Pérou (9, 10), et chez l’enfant de plus de 2 ans en comparaison au lopéramide (11). Dans les deux études chez le nourrisson (âgé de 3 mois à 4 ans), l’efficacité du racécadotril sur le débit des selles a été rapide, dès la 24e heure, et très significative (-60 %, p < 0,001) par rapport au placebo, notamment dans les diarrhées à rotavirus, de même que sur la durée d’émission des selles liquides.
Le racécadotril doit être considéré dans la stratégie thérapeutique de la diarrhée avec un niveau de preuve IIB (8).

  • Les agents intraluminaux adsorbants : un effet bénéfique

Les silicates (Smecta®) ont un fort pouvoir adsorbant avec fixation de diverses molécules telles que les toxines bactériennes. Une augmentation de la filance du mucus, avec augmentation des glycoprotéines, a été démontrée. Une étude récente péruvienne et malaisienne démontre un effet bénéfique sur le débit des selles (12).
La diosmectite est prescrite à la dose de 1 à 3 sachets par jour en fonction de l’âge. Elle peut être considérée comme une option thérapeutique dans le traitement de la diarrhée, avec un niveau de preuve IIB (8)

Les prébiotiques et les probiotiques

Qu’est-ce qu’un prébiotique ?

C’est un ingrédient alimentaire non digestible (le plus souvent oligosaccharide) stimulant de manière sélective la multiplication et/ou l’activité d’un nombre limite d’espèces bactériennes au niveau du côlon, dans le but d’améliorer la physiologie de l’hôte (13).

Qu’est-ce qu’un probiotique

Il s’agit d’un micro-organisme non pathogène qui, ingéré vivant, pourrait exercer une influence sur la santé ou la physiologie de l’hôte grâce à une modification de l’écosystème intestinal (14).
Les mécanismes d’action potentiellement impliqués dans l’effet bénéfique des probiotiques sont nombreux (15), faisant intervenir :

  • la baisse du pH intestinal par digestion du lactose résiduel ;
  • la production de polyamines qui ont un rôle trophique sur la muqueuse ;
  • l’inhibition de l’adhésion bactérienne ;
  • la synthèse de composés qui inhibent, voire détruisent certains agents pathogènes ;
  • la stimulation de la réponse immunitaire ;
  • et la consommation compétitive de certains nutriments empêchant par ce biais la prolifération de certains pathogènes.

Les résultats des études

Un certain nombre d’études randomisées versus placebo a montré une efficacité sur la durée de la diarrhée de Saccharomyces boulardii (16-18) et Lactobacillus GG (18-20), associée à une diminution du nombre des selles à partir du 3e jour.
Quatre méta-analyses ont tenté d’évaluer l’efficacité des probiotiques dans le traitement des diarrhées aiguës.

  • La première publiée en 2001 (17) a compilé 10 essais comparant les probiotiques versus placebo chez des enfants âgés de 1 à 48 mois, dans un contexte d’hospitalisation dans un des pays en voie de développement.
    Parmi les probiotiques utilisés, lactobacille GG, Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus reuteri, Saccharomyces boulardii et une mixture de Lactobacillus acidophilus et Streptococcus thermophilus ont permis de constater une réduction de la durée de la diarrhée versus placebo, en particulier dans la gastroentérite à rotavirus, avec un bénéfice de 20 à 25 heures en moyenne.
  • Dans une seconde méta-analyse portant sur 765 enfants (21) comparant l’efficacité de différents types de Lactobacillus versus placebo, celle-ci a été estimée satisfaisante, avec une réduction de 17 heures de la diarrhée et une réduction de 1,6 selles/j au 2e jour de traitement.
  • Lors de la troisième méta-analyse (22) basée sur 18 études, avec 1 917 enfants inclus, les probiotiques testés étaient plus nombreux. L’efficacité sur la durée de la diarrhée était évaluée à un jour en moyenne.
    Les auteurs ont insisté sur le caractère très hétérogène de ces différentes études.
  • Dans la 4e et dernière méta-analyse (23), 23 essais regroupant 1 449 enfants ont permis de démontrer des résultats probants. La réduction du nombre de selles au 3e jour était significative, avec un gain moyen de 30 heures.

Au total

Tous ces travaux ont en commun une critique évidente : ils compilent plusieurs études utilisant des probiotiques différents. Or, il est capital de dissocier les différents probiotiques quant à leur efficacité.
De plus, un même probiotique peut avoir une efficacité différente en fonction du taux de germes contenu lors de chaque administration médicamenteuse.
L’OMS demande pour chacun des probiotiques de démontrer par des études l’absence d’effets secondaires délétères.

 

Pour en savoir plus…


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