Les allergies alimentaires de l’enfant

 

Depuis le début des années 80 les allergies alimentaires, jusque-là confidentielles, sont devenues fréquentes, parfois graves, au point de poser un problème de santé publique. Devant des symptômes allergiques, le pédiatre ne doit plus uniquement penser au lait de vache, à l’oeuf, aux fruits de mer, mais à un nombre important d’allergènes : arachides, noix communes ou exotiques, diverses graines… Les questions qui se posent alors : est-ce une allergie alimentaire ? Quels signes évocateurs et trompeurs ? Quels sont les principaux allergènes ? Quand et comment explorer ? Quel traitement ? Existe-t-il une prévention ? Quel pronostic ?

Bien définir allergies et allergies alimentaires

L’allergie alimentaire regroupe l’ensemble des symptômes secondaires à une exposition aux allergènes alimentaires, qu’elle soit digestive, cutanée, muqueuse ou respiratoire. L’allergie digestive représente l’ensemble des symptômes secondaires à l’ingestion des aliments.

  • L’allergie alimentaire, terme plus large, désigne les symptômes, non seulement digestifs, mais également cutanés, bucco-pharyngés, respiratoires, oculaires (etc.) faisant suite à l’exposition à un allergène alimentaire.
  • La révision de la nomenclature en Allergologie recommande de désigner les réactions adverses aux aliments par le terme “hypersensibilité alimentaire” (1).
  • Lorsque des mécanismes immunologiques ont été démontrés, le terme approprié est “allergie alimentaire”. —Si une médiation par les IgE est prouvée, le terme “allergie alimentaire IgE-dépendante” est recommandé. —–Toutes les autres réactions, naguère regroupées sous le vocable “intolérance alimentaire” doivent être désignées dorénavant sous le terme “hypersensibilité alimentaire non allergique” (Figure 1) (1). Les réactions graves aux aliments font partie de l’anaphylaxie dont le démembrement est identique (1).

Toutefois, la distinction plus ancienne entre vraies et fausses allergies alimentaires mérite d’être retenue (Figure 2) (2). Des symptômes identiques, par exemple une poussée d’urticaire, peuvent relever d’une allergie IgE-dépendante ou de l’ingestion d’aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs. D’où l’importance de bien analyser les symptômes et leurs circonstances de déclenchement.

Quand penser à une allergie alimentaire ?

Les allergies alimentaires (AA) se manifestent le plus souvent par des symptômes évocateurs d’une allergie IgE-dépendante, parfois atypiques, curieux ou inhabituels (3).

Les symptômes évocateurs

  • Les principaux symptômes : les urticaires aiguës ou récidivantes, avec ou sans oedème du visage, l’œdème laryngé, les rhinites et l’asthme.
  • L’anaphylaxie et le choc anaphylactique, parfois mortels, ne sont pas fréquents (10 % des cas chez l’enfant), mais leur fréquence est en augmentation chez les adolescents.
  • Les symptômes digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée) sont fréquents, en particulier chez les enfants de moins de 2 ans. Le syndrome d’allergie orale (prurit bucco-pharyngé, oedème des lèvres) est plus fréquent après l’âge de 10 ans (Figure 3).
  • La conférence de consensus sur la dermatite atopique (DA) conclut que les aliments sont rarement la cause directe de l’eczéma et que, par voie de conséquence, les régimes d’éviction alimentaire sont très souvent inutiles (4).

Par contre la DA est un symptôme souvent associé à l’AA, beaucoup plus fréquente chez les enfants qui ont (ou qui ont eu) un eczéma que chez ceux qui n’en ont pas présenté (3).

Des symptômes moins évocateurs ou trompeurs

  • Un lien entre une AA et des coliques du nourrisson, une constipation, une diarrhée chronique, une stagnation pondérale, une otite séreuse, etc. ne peut être affirmé que par une exploration allergologique rigoureuse, incluant des tests de provocation par voie orale (TPO).
  • Des symptômes oesophagiens ou gastriques évoquant un reflux gastro- oesophagien peuvent traduire une oesophagite et/ou une gastrite à éosinophiles.
  • L’anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments (AIEPIA) peut s’observer chez l’enfant, surtout après 8 ans (5).

Les symptômes sans rapport avec l’AA

  •  De nombreux symptômes sont parfois attribués à une AA sans aucune preuve : migraines, syndrome d’hyperactivité, infections ORL récidivantes, etc.
  • Un diagnostic est souvent méconnu chez les nourrissons : le syndrome de flush gustatif unilatéral ou syndrome de Lucie Frey, qui n’a rien à voir avec l’AA (Encadré 2) (6).

Les allergènes en cause

  •  Tous âges confondus, la fréquence de l’AA est estimée entre 2 % et 4 % (plus près de 4 %). Elle est située entre 4% et 8,5 % chez les enfants de moins de 8 ans , beaucoup plus fréquente chez les atopiques (Tableau 1) (3, 7).
  • La fréquence des AA aux aliments courants – comme l’œuf de poule, le lait de vache, l’arachide, le poisson ou les fruits à coque – est indiquée dans le Tableau 2. La fréquence de l’allergie à l’arachide et aux fruits à coque a doublé en 5 ans.
  • L’incidence annuelle de l’anaphylaxie est estimée à 10,5 p. 100 000 habitants. Celle des décès par anaphylaxie est évaluée à 0,006 p. 100 000 enfants de 0 à 15 ans (1 p. 600 à 1 p.800).

Quand et comment explorer ?

Le diagnostic de l’AA doit être porté avec certitude, car il faut réunir des preuves irréfutables pour prescrire l’éviction d’un aliment.

L’exploration initiale

Un interrogatoire minutieux, suivi par une enquête catégorielle alimentaire (relevé de l’alimentation spontanée pendant 7 jours), orientent la réalisation des tests cutanés selon la technique des prick tests (PT). L’interrogatoire réunit les éléments d’orientation en faveur d’une AA :

  •  terrain atopique (90 % des cas) ;
  • apparition rapide des symptômes après le repas (de quelques minutes à moins de 3-4 heures après l’ingestion du ou des aliments) ;
  • répétition des mêmes symptômes dans les mêmes situations. Il est généralement facile de connaître la composition d’un repas pris à la maison. C’est plus difficile pour les repas pris à la cantine scolaire ou au restaurant. Il faut demander la composition précise des repas aux responsables. Il faut apporter les menus et les étiquettes des produits manufacturés.

Les allergènes alimentaires sont souvent “masqués” :

  •  un aliment peut être contaminé par un autre (plusieurs fruits à coque décortiqués et en contact entre eux dans un plat);
  • une AA peut se manifester par procuration comme contact cutané ou muqueux : l’allergie induite par le baiser (8) est sous-estimée, décrite pour de nombreux aliments (kiwi, pomme, arachide) (Encadré 3) ;
  • une conjonctivite, des symptômes respiratoires (rhinite, asthme), parfois une urticaire ou un angiooedème, ou même une anaphylaxie peuvent être provoqués par l’inhalation d’allergènes volatils : vapeurs de cuisson de poisson ou de légumineuses (lentilles), manipulation de poissons frais (à la maison ou dans une poissonnerie), contact ou épluchage de fruits ou légumes (carottes, céleri, kiwi), etc.

La clinique et l’enquête alimentaire catégorielle peuvent être en faveur d’une fausse AA par ingestion d’aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs (tomate, fraises, certains fruits de mer) (9, 10) (Encadré 4). Certains examens complémentaires sont inutiles : recherche d’une hyperéosinophilie sanguine, dosage des IgE sériques totales, examen mycologique des selles, tests multi-allergéniques (TMA) de dépistage de l’AA.

Les explorations spécialisées

Les pricks tests
Ils sont réalisés par l’allergologue ou le pédiatre ayant une compétence allergologique. Ils consistent à piquer la peau à travers une goutte de la solution allergénique préalablement déposée ou, de préférence en matière d’AA, à travers un peu d’aliment frais pilé (Figure 5). Pour les fruits et les légumes, on peut utiliser le “prick plus prick” (piqûre de la pulpe du végétal avec une lancette puis piqûre de la peau). Il faut toujours effectuer un témoin positif (histamine ou codéine) qui signifie que la peau est réactive. Les antihistaminiques doivent être arrêtés 1 semaine au moins avant la réalisation des tests cutanés. La négativité du témoin négatif (solvant commercial) permet d’exclure un dermographisme. Le PT est positif si le diamètre de l’induration (papule) est d’au moins 3 mm. Il est souvent largement supérieur à ce chiffre, avec érythème et pseudopodes (Figure 6). La positivité des PT traduit la “sensibilisation” à un allergène alimentaire.

Les tests épicutanés (patch tests)
Ils sont utilisables pour certains aliments (lait) pour détecter une hypersensibilité retardée (Diallertest®). Leur lecture et leur interprétation sont souvent difficiles. Ils n’ont pas d’intérêt pour la majorité des AA IgEdépendantes aux autres aliments (oeuf, arachide, fruits et légumes).

Le dosage unitaire des IgE sériques spécifiques
Le dosage unitaire des IgE sériques spécifiques (Cap Rast® et techniques comparables), facilement réalisable sur le sérum prélevé sans nécessité d’être à jeun, est positif pour une valeur supérieure à 0,35 kUA/l. Les résultats sont convertibles en classes semi-quantitatives de 0 (< 0,35kUA/l) à 6 (> 100 kUA/l), mais il est préférable d’indiquer les résultats quantitatifs. Il n’y a pas de corrélation entre la gravité des symptômes d’AA et la forte positivité des PT ou des Rasts. Dans un avenir proche des microdosages d’IgE spécifiques seront disponibles au cabinet.

Dosage des IgE spécifiques vis-à-vis de certains allergènes recombinants
Depuis quelques années, on peut doser les IgE spécifiques vis-à-vis de certains allergènes recombinants, ce qui permet d’avoir davantage de précision pour le diagnostic ou la gravité d’une allergie (11). Ces dosages sont intéressants dans certaines réactions croisées où, naguère, il était difficile de savoir s’il s’agissait d’une sensibilisation (simple phénomène  biologique) ou d’une AA vraie. A titre d’exemple, l’utilisation de rCor a1 améliore le diagnostic d’AA à la noisette, et celle de rAra h2 le diagnostic d’AA à l’arachide. Les “recombinants” ont aussi un intérêt pronostique. La positivité des 3 dosages d’IgE vis à vis des recombinants rAra h1, rAra h2 et rAra h3 constituerait un critère de gravité de l’AA à l’arachide. Pour l’AA à la pêche, les symptômes sont systémiques et sévères en présence d’IgE dirigées contre rPru p3 (famille des LTP). Inversement, une positivité pour rPru p4 (profiline) va à l’encontre d’une AA à la pêche.

Le test de provocation labial (TPL)
Basé sur l’application d’une petite dose de l’aliment (environ 1 g), 30 à 60 secondes sur la commissure labiale inférieure, il est contributif lorsqu’il est positif (grade 3 sur une échelle en 5 grades) (12).

Le test de provocation oral (TPO)
Selon l’expression consacrée, le test de provocation oral (TPO) est l’étalon or du diagnostic (13, 14). Ses modalités sont variables en ouvert, en simple ou double aveugle. Il ne peut être effectué que dans un centre spécialisé (hôpital, clinique), par une équipe entraînée, sous surveillance étroite (fréquence cardiaque et respiratoire, pression sanguine) pour parer à toute éventualité (bronchospasme, choc anaphylactique) et engager une réanimation si nécessaire (voie veineuse, adrénaline, oxygénothérapie). Le TPO reproduit les symptômes et précise la dose réactogène c’est-à-dire la quantité d’aliment à partir de laquelle les symptômes apparaissent, notion importante pour le pronostic.

Quelle démarche en pratique ?

L’arbre décisionnel général est représenté sur la figure 7 (14). Le praticien peut parfois s’en écarter : chaque cas est particulier et le cheminement du diagnostic dépend de l’aliment. Par exemple, chez le nourrisson suspect d’APLV, la disparition des symptômes après arrêt du lait et utilisation d’un hydrolysat de protéines constitue un argument important. Pour éviter les TPO, des valeurs seuil des PT et des Rasts ont été définies pour les aliments usuels (lait, oeuf, arachide), au-dessus desquelles les chances d’avoir un TPO positif sont de 95 % ou 100 %. A titre d’exemples, ces valeurs sont de 7 kUA/l pour l’oeuf de poule (avant 2 ans), de 15 kUA/l pour le lait de vache (avant 2 ans), de 14 kUA/l pour l’arachide, de 20 kUA/l pour le poisson, 30 kUA/l pour le soja et de 26 kUA/l pour le blé (3). En fait, ces résultats reflètent la pratique de ceux qui les ont publiés, mais ils n’ont qu’une valeur indicative limitée pour le praticien.

Important

  • En France, chez l’enfant âgé de 2 à 15 ans, les 4 allergènes les plus fréquents sont le lait de vache, l’œuf de poule, l’arachide et le kiwi (7). 5 allergènes sont responsables de plus de 80 % des AA de l’enfant de 0 à 15 ans : oeuf (52%), arachide (34 %), lait de vache (12 %), moutarde (8 %), poisson (7 %).
  • La nature des aliments responsables des AA dépend étroitement des habitudes alimentaires des régions et des pays, de la végétation qui conditionne la pré-sensibilisation à certains fruits ou légumes, des cultures agricoles dominantes. A titre d’exemples, on peut citer : les lentilles, lapêche et les agrumes (Espagne), les poissons et les fruits de mer (Espagne, Japon, Pays Scandinaves), la pêche (Israël, Espagne), les nids d’hirondelles (Sud-Est Asiatique), le sésame (Israël, Australie), les escargots (Italie, Catalogne) (etc.).
  • La conduite du diagnostic dépend de l’aliment suspecté. L’exploration d’une AA à la pomme chez un grand enfant allergique au pollen de bouleau (allergie croisée) n’est pas la même que celle d’une allergie au lait de vache (APLV) chez un nourrisson de 3 mois ou celle d’une allergie à l’oeuf de poule chez un enfant de 6 mois !
  • Le diagnostic de l’APLV est du domaine de la pédiatrie générale : il est facile chez le nourrisson de 4-6 mois qui, au moment du sevrage, présente une urticaire aiguë, au 2e ou même au 1er biberon de lait de vache. Les autres symptômes de l’allergie sont possibles : vomissements, douleurs abdominales, diarrhée (50-60 %), rhinite et asthme (20-30 %), symptômes cutanés à type d’angio-oedème, d’urticaire et d’eczéma (10 à 39 %), choc anaphylactique (9 %). La disparition rapide de tous les symptômes après l’arrêt du lait et son remplacement par une formule à hydrolyse poussée confirme ce diagnostic. Il en est de même pour la plupart des allergies à l’oeuf, pour certaines allergies à l’arachide.
  • Le diagnostic d’AA est évident dans les cas suivants,et le TPO n’est pas nécessaire :
    • anaphylaxie ou choc anaphylactique après l’ingestion d’un aliment bien identifié avec PT et Rast positifs ;
    • syndrome d’allergie orale chez un individu atteint d’une allergie pollinique comme le syndrome “pomme-bouleau”, “composées-céleri” ou “latexfruits” (banane, avocat, kiwi, châtaigne, fruits de la passion, figue, mangue) ;
    • disparition des symptômes après l’éviction du (ou des) aliment(s) ;
    • récidive après une nouvelle exposition.
  • L’avis d’un allergologue, si possible pédiatre, est utile : si l’aliment n’est pas identifié, en cas de réaction grave, si la réalisation d’un TPO est envisagée, en cas de réaction croisée (Tableau 3 et Encadré 5) (15). Cette prise d’avis dépend largement des compétences allergologiques des pédiatres qui ont nettement augmenté au cours des dernières années.

Quelle prise en charge ?

La prise en charge de l’AA consiste à traiter les symptômes et à éviter les récidives. Des progrès sensibles ont été effectués grâce à l’éducation de l’enfant allergique alimentaire et de sa famille.

Le traitement symptomatique

Le traitement des symptômes de l’AA est adapté à leur gravité, classée en 3 stades :

  • les symptômes bénins (stade 1) ne nécessitent que des antihistaminiques et éventuellement des corticoïdes per os ;
  • au stade 2 (bronchospasme) les broncho-dilatateurs bêta 2-stimulants sont nécessaires, associés aux corticoïdes ;
  • au stade 3 (anaphylaxie), l’adrénaline est indispensable. Le schéma thérapeutique est précisé dans le tableau 4.

Les évictions alimentaires

  • Pour éviter les récidives, une éviction du (ou des) aliment(s) en cause est indispensable. Il faut bien sûr éviter l’aliment “visible”, mais aussi l’allergène contenu dans les préparations industrielles, parfois présent sous forme masquée. Il faut lire soigneusement la liste des ingrédients avant tout achat (3).
  • Les modalités de l’éviction sont fonction de chaque individu. Elle est souvent définitive pour l’arachide (70-80 % des cas). Pour le lait de vache, la réintroduction est possible vers 10 mois dans 50 à 70 % des cas. Certains allergiques à l’oeuf pourront consommer des gâteaux, mais pas de l’œuf entier. Il faut convaincre les parents lorsque l’assouplissement d’un régime est devenu possible. Beaucoup de parents, réticents, continuent une éviction stricte ce qui retarde ou empêche l’acquisition de la tolérance alimentaire (16).
  • La gestion quotidienne des régimes d’éviction s’appuie sur la lecture des étiquettes, facilitée par les nouvelles réglementations, mais qui ne concerne que les aliments préemballés. Or, les aliments non préemballés, comme ceux vendus dans les pâtisseries ou en restauration rapide, ne sont pas concernés alors qu’ils sont aussi une source d’allergènes souvent masqués. Il faut donc apprendre à reconnaître les aliments à risque dans les différents plats, aliments et desserts. L’aide d’une diététicienne permet d’enseigner le patient à lire les étiquettes, de reconnaître les aliments à risque, et de proposer des remplacements d’aliments (3, 16).

Le projet d’accueil individualisé (PAI)

Elément central de la prévention, le PAI est un élément fondamental (et unique par rapport à d’autres pays) pour l’éducation durant le temps scolaire et périscolaire (3). A l’école, les enfants atteints d’une AA sévère bénéficient de la mise en place d’un PAI selon la circulaire n° 2003-135 du 8 septembre 2003 et la loi d’orientation du 10 juillet 1989 revue le 23 avril 2005. Les modalités de prise en charge sont précisées au cas par cas en fonction des caractéristiques de chaque enfant. Le PAI est établi à la demande des parents, par le directeur d’école ou le chef d’établissement, en concertation avec le médecin de l’éducation nationale ou le médecin de structure d’accueil, à partir des besoins thérapeutiques précisés par le médecin (allergologue) et doit définir les adaptations à apporter à la scolarité de l’élève. Le PAI est un document écrit et réactualisé chaque année. L’utilisation d’adrénaline auto-injectable doit répondre aux conditions d’établissement du PAI (3). La prescription d’adrénaline nécessite un diagnostic précis, un programme d’éducation, d’information et de suivi. Chez l’enfant, la dose préconisée est de 0,01 mg/kg par voie IM (face antérolatérale de la cuisse). Il existe deux présentations d’Anapen® : à 0,1 % (0,3 mg/0,3 ml) pour les enfants de plus de 20 kg et les adultes, et à 0,05 % (0,15 mg/0,3 ml ) pour les enfants de moins de 20 kg.

L’éducation thérapeutique (ET)

L’ET est indispensable à la prise en charge de l’AA, maladie chronique, avec deux objectifs :

  •  aider le patient à accepter sa maladie et à la gérer ;
  • lui faire acquérir des comportements adaptés à diverses situations (16).

Lors de la consultation, en cas d’AA nécessitant une prévention des récidives par l’adrénaline, il faut :

  • vérifier que le patient possède la trousse, sait utiliser le stylo auto-injecteur, et s’assurer qu’il manie correctement les bêta 2-stimulants inhalés, avec des placebos ;
  • effectuer une séance individuelle ou en groupe pour évaluer la détection des prodromes et les modalités d’appel des secours rapides (16). Les modalités de l’éviction sont fonction de chaque individu. Il faut que les différents intervenants s’accordent sur un discours commun. Il faut éviter les séances d’éducation ennuyeuses et savoir être pratique (16).

Immunothérapie spécifique (ITS) et acquisition de tolérance

Des tentatives d’ITS ont déjà été effectuées de façon empirique (ITS orale au kiwi ou à la pomme) ou au cours de protocoles bien conduits :

  • En 2005, une ITS sublinguale à la noisette s’est révélée efficace dans une étude en double aveugle contre placebo, avec détermination de la dose réactogène (DR) au cours du TPO avant et après 3 mois d’ITS (17). La DR a été multipliée par 5, passant de 2,29 g à 11,56 g dans le groupe “actif” (p = 0,02), mais n’a pas varié dans le groupe “placebo” (17).
  • L’ITS a également été utilisée au cours des réactions croisées pollens/aliments en particulier au cours du syndrome bouleau/pomme. Actuellement, il n’y a pas d’argument convaincant pour dire que l’ITS aux pollens réduit les symptômes d’AA (18).
  • Plusieurs études concernent l’induction d’une tolérance alimentaire par voie orale au lait, à l’oeuf et au blé (19, 20). Cette technique s’adresse aux AA sévères ou aux AA réfractaires où une ou plusieurs tentatives de réintroduction ont échoué (lait, oeuf). Les protocoles sont variés. Les objectifs sont d’obtenir l’augmentation des doses tolérées ou plus ambitieux (guérisons ?). Il est encore trop tôt pour savoir si les effets obtenus sont transitoires ou définitifs. Une grande étude sur l’induction de tolérance dans l’APLV est en cours.

Les anti-IgE

Un anticorps monoclonal anti-IgE (TNX-901) a été utilisé chez 84 patients ayant une AA à l’arachide divisés en 3 groupes selon les doses de TNX-901 reçues (150 mg, 300 mg et 450 mg par injection mensuelle pendant 4 mois) comparativement à un groupe placebo (21). A l’issue du traitement, la moyenne de l’augmentation de la dose réactogène fut de 710 mg (groupe placebo) et de 2 627 mg (groupe 450 mg) (p < 0,001). On estime qu’un patient qui réagissait à la moitié d’une cacahuète peut en supporter 4 à 6 fois plus, ce qui doit, théoriquement, le prémunir contre la plupart des expositions masquées à l’arachide (21). De nouveaux essais sont attendus au cours de l’AA grave à l’arachide, chez les patients porteurs de polyallergies alimentaires et d’une hyper-IgE.

La prévention primaire

Il n’existe pas de prévention primaire de l’AA.

  • Les régimes excluant les aliments réputés allergisants (oeufs, laits, arachide) pendant la grossesse ou l’allaitement sont contre-indiqués.
  • L’allaitement maternel prolongé au moins 4 mois et exclusif est conseillé. Les formules à hydrolyse extensive des protéines sont privilégiées en cas d’impossibilité d’allaitement. Ou un lait HA ayant fait la preuve de son efficacité dans les études cliniques (22, 23).
  • Certaines études recommandaient l’introduction différée des aliments solides chez le nourrisson à risque allergique pour protéger contre le développement de l’asthme et des allergies (24). Mais les dernières recommandations de la société européenne de gastropédiatrie (ESPGHAN) et du comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie préconisent de ne plus décaler l’introduction de l’oeuf et du poisson qui peuvent débuter après 6 mois, mais celle des aliments à fort pouvoir allergénique (kiwi, céleri, crustacés) doit être retardée après l’âge de 1 an (22, 23). Toutefois, une étude récente montre que la fréquence de l’AA à l’arachide est 10 fois plus élévée au Royaume-Uni (1,85 %) qu’en Israël (0,17 %). Cette différence, non expliquée par l’âge, le sexe, l’hérédité et l’atopie, est due à l’induction d’une tolérance alimentaire par l’introduction précoce de protéines d’arachide en Israël, où 69 % des nourrissons en consomment avant 9 mois, contre 10 % au Royaume-Uni (25).

Quel pronostic ?

Le pronostic dépend de l’allergène en cause et de la gravité des symptômes. De plus, l’AA est en ellemême un facteur de risque du développement d’autres symptômes allergiques.

Histoire naturelle des principales AA

Allergie aux protéines du lait de vache (APLV)

  •  On distingue les formes immunologiques (IgE-dépendantes et non IgE-dépendantes) et les formes non immunologiques. Dans les formes IgE-dépendantes, les PT (avec le lait que consomme l’enfant) et les Rasts© sont souvent positifs. On peut rechercher la positivité d’un test épicutané (Diallertest©).
  • Le bilan allergologique, initialement négatif, peut se positiver au bout de quelques mois (1 cas sur 4).
  • Après remplacement du lait par une formule de substitution (hydrolysat de protéines), la ré-introduction du LDV se fait vers 10 mois.
  • Les laits hypo-allergéniques sont contre-indiqués, ainsi que les laits des autres mammifères (réactions croisées) (voir Tableau 3) ou les laits végétaux (riz, amande, châtaigne), car inadaptés aux besoins du nourrisson.
  • A 15 ans, 90 % des APLV sont guéries. Toutefois, le pronostic serait à réviser car on observe de plus en plus de guérisons tardives, surtout dans les formes liées aux caséines, ou non immunologiques.
  • L’APLV expose au développement d’autres allergies : AA (18 %), asthme (41 %), rhinite allergique (31%). Une AA au lait de chèvre et/ou de brebis peut succéder à une APLV guérie. Cette allergie peut également survenir sans antécédent d’APLV. L’allergie aux laits de chèvre et/ou de brebis est généralement sévère.

Allergie à l’oeuf de poule (OP)

On admet que l’allergie à l’OP guérit dans 40 à 70 % des cas à l’âge de 3-4 ans, surtout si les symptômes étaient cutanés ou digestifs. Les PT se négativent le plus souvent. Compte tenu de la possibilité de TPO négatifs à l’oeuf cuit, avec persistance d’allergie à l’oeuf cru, la question se pose d’effectuer également des réintroductions avec l’œuf cru, surtout s’il existe un doute. En cas d’AA persistante, une induction de tolérance est tentée.

Allergie à l’arachide (AR)

  •  Les symptômes graves d’AR (anaphylaxie aiguë avec asthme, choc et mort subite) sont associés à la présence d’un asthme. Quatre vingt à 90 % des décès par AA sont dus à l’arachide et aux fruits à coque. Fait important : plus de 90 % des patients décédés d’AA présentaient également un asthme négligé ou mal équilibré, ce qui constitue la principale explication des décès. Cette situation ne s’est pas améliorée entre 2001 et 2007.
  • L’AA à l’arachide est plus grave que les autres AA, même si certains allergènes sont responsables de réactions sévères (par exemple le sarrasin, le sésame, certaines noix exotiques). De nombreux décès par AA à l’arachide ont été rapportés. En 2007, 17 décès par AA sur 31 (54,8 %) sont imputables à l’arachide (26, 27).
  • En pratique, tout patient ayant une AA à l’arachide (ou aux fruits à coque) et un asthme doit bénéficier d’un traitement de fond assurant le contrôle optimal de son asthme (26, 27).
  • Inversement, l’AA est un facteur de risque indépendant de décès au cours de l’asthme aigu grave (28).
  • L’AA à l’arachide altère profondément la qualité de vie. Par comparaison avec les diabétiques insulinodépendants, les asthmatiques sévères, ou les patients atteints de polyarthrite chronique rhumatoïde, la qualité de vie est plus altérée chez les allergiques à l’arachide.
  • Classiquement, l’allergie à l’arachide est durable, n’ayant guère tendance à s’atténuer avec le temps. Quelques études font cependant penser que 10 à 20 % des AA à l’arachide peuvent guérir : elles concernent surtout les enfants de moins de 6 ans, n’ayant pas présenté de réaction au cours des 3 dernières années et ayant peu d’AA associées.
  • La réapparition d’une AA à l’arachide après que le diagnostic de guérison ait été porté est possible. Cette évolution concernerait jusqu’à 7 % des enfants. La poursuite d’un régime d’exclusion strict chez les enfants considérés comme guéris en serait l’explication.

Existe-t-il un risque atopique ?

  • Les AA des jeunes enfants constituent un facteur de risque majeur pour le développement ultérieur d’une rhinite et/ou d’un asthme allergique. La simple sensibilisation à l’oeuf relevée avant l’âge de un an constitue le marqueur le plus précoce d’un terrain atopique prédisposant ultérieurement à la rhinite et à l’asthme.
  • La survenue d’une AA expose au développement d’autres AA, réalisant au maximum le tableau de polyallergies alimentaires et/ou respiratoires.

A CONNAITRE

1 – L’ANAPHYLAXIE INDUITE PAR L’EXERCICE PHYSIQUE ET L’INGESTION D’ALIMENTS (AIEPIA) (5)

L’AIEPIA a été individualisée au début des années 1980. Au sein des anaphylaxies d’effort on peut décrire au moins 3 entités :

  •  l’anaphylaxie d’effort pure,
  • l’AIEPIA ou syndrome de Maulitz et Kidd,
  • le syndrome de Novey (ingestion d’un repas quel qu’il soit + effort).

Au cours de l’AIEPIA, les aliments le plus souvent en cause sont : le pain, les pâtes alimentaires, les fruits de mer, le céleri, la tomate, la pomme, le raisin, la noisette, l’orange, la pêche, le chou (etc.).
Actuellement, le nombre d’observations publiées est estimé autour de 500. Les symptômes n’apparaissent que si l’ingestion de l’aliment est associée à un effort, le plus souvent prolongé, à type d’endurance. L’effort seul, ou l’ingestion de l’aliment seul n’entraînent aucun symptôme clinique.
Les principaux facteurs associés sont : l’atopie, la prise de médicaments (aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine), la chaleur, l’alcool (etc.).
Lorsqu’il est licite sur le plan éthique, le test de provocation standardisé et réaliste est légitime, surtout si l’on hésite entre plusieurs aliments.
La prévention repose sur des mesures simples : observer la règle des 3 heures entre les repas et l’exercice physique, éviter les efforts pendant les fortes chaleurs.
Quelques cas gravissimes, voire mortels, ont été décrits même chez l’enfant (5).

2 – LE SYNDROME DU FLUSH GUSTATIF DE L’ENFANT (6)

Encore appelé syndrome auriculo-temporal ou syndrome de Lucie Frey, il se caractérise par une hypersudation gustative survenant aux repas, au moment de la diversification alimentaire, et disparaissant rapidement après la fin de celui-ci (6).

Le diagnostic est basé sur : le caractère unilatéral du flush, qui survient rapidement dans le territoire du nerf facial au moment des repas ou immédiatement à leur suite, sa régression rapide, l’absence de symptômes associés (Figure 4).
La recherche d’antécédents traumatiques ou infectieux dans le territoire du nerf facial permet, sauf cas d’espèce, de conforter le diagnostic et d’éviter des examens complémentaires, en particulier allergologiques. Il existe de très rares formes bilatérales. La prépondérance est nette chez le garçon (sex-ratio garçon/fille : 4/1). Les antécédents d’accouchement difficile sont fréquents : application de forceps dans 58 % des cas (6).

3 – LE SYNDROME D’ALLERGIE INDUITE PAR LE BAISER (SAIB) (8)

Le SAIB est une forme originale d’allergie par procuration, de fréquence mal connue (1 à 10 % des AA). Les symptômes, locaux ou régionaux, légers à modérés dans 70 % des cas, sont parfois graves : angio-oedème, bronchospasme, détresse respiratoire aiguë, anaphylaxie.

Il faut rechercher un SAIB :

  •  chez les allergiques aux pollens ayant un syndrome d’allergie orale aux fruits et aux légumes;
  • au cours des AA sévères à seuil réactogène faible (quel que soit l’allergène).

Les symptômes apparaissent quelques minutes après le baiser. Le temps entre la consommation de l’allergène et le baiser est très variable, de quelques minutes à plus de 2 heures.
Tous les aliments peuvent être en cause, en particulier les fruits courants (pomme, kiwi), les fruits secs à coque (arachide, amande, noisette, noix exotiques), le poisson, les fruits de mer, l’oeuf, le lait de vache (etc.).
Tous les âges sont concernés par ce syndrome. Selon les circonstances, on distingue le SAIB par baiser d’amour (lover’s kiss) et le SAIB par baiser affectueux (good night kiss). Il peut mettre en jeu le pronostic vital : kiss of death (8).

4 – UN EXEMPLE TYPIQUE DE FAUSSE AA : LE CHOC HISTAMINIQUE ALIMENTAIRE (9, 10)

  •  La scombroïdose est une intoxication alimentaire provoquée par des poissons avariés contenant de fortes quantités d’histamine (50 mg/100 g ou plus). Les poissons en cause sont surtout les Scombroïdés comme thon, maquereau, sardine (d’où le nom de l’affection). La rupture de la chaîne du froid entraîne une prolifération bactérienne (entre 20 et 30° C) qui favorise la transformation de l’histidine de la chair du poisson en histamine.
  • Les symptômes, de survenue rapide après l’ingestion, sont de type histaminique : bouffées de chaleur, vertiges, flous visuels, céphalées, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, urticaire et prurit généralisé, choc histaminique, détresse respiratoire. Le plus souvent les symptômes sont légers à modérés ce qui explique que cette affection est sous-déclarée.
  • Le diagnostic est orienté par la notion d’intoxication collective : plusieurs cas simultanés ou plusieurs cas successifs originaires du même lieu, restaurant le plus souvent (9, 10).

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