Les carences en vitamine D existent-elles ?

Le besoin en vitamine D doit être adapté à la construction du squelette. Il est donc lié à la vitesse de croissance staturale : ainsi, les âges à risque de carence correspondent aux périodes de vitesse de croissance importante ; ce qui doit se concrétiser en mesures adaptées de prévention qui sont résumées dans la figure.

 

Le nouveau-né (1)

Le foetus est dépendant du stock vitaminique D de sa mère. Par conséquent, “à mère carencée, nouveau-né carencé”, avec le risque d’hypocalcémie néonatale.
Preuve en est :

  • les taux de 25-OH-D plasmatiques effondrés chez le nouveau-né hypocalcémique et chez sa mère, dans le contexte d’une hypocalcémie néonatale, responsable parfois de convulsions et justifiant d’une hospitalisation pour traitement.
  • les images en miroir entre la fréquence de l’hypocalcémie néonatale et celle de l’ensoleillement saisonnier et/ou les taux de 25-OH-D des mères et de leurs nouveau-nés.
  • enfin, la réduction de 2/3 des hypocalcémies natales lorsque la mère est supplémentée par une dose de charge de 80 à 100 000 U au 7e mois de grossesse.

En pratique

Il a fallu attendre la conférence de consensus des gynécologues obstétriciens de 1998 pour que soit conseillée l’administration simple d’une dose de charge faite d’une ampoule de 80 ou 100 000 U au 7e mois de grossesse se déroulant en hiver, ou les mois en “R”.

Le nourrisson (2)

A l’heure des laits enrichis en vitamine D (teneur d’environ 400 U/l de lait), le rachitisme carentiel clinique a pratiquement disparu. Il demeure cependant un risque chez :

  • les enfants nourris au sein, car le lait de mère est pauvre en vitamine D, ce d’autant qu’il s’agit d’enfants à peau pigmentée ;
  • et les nourrissons au régime pour allergie aux protéines du lait de vache.
  • la supplémentation en vitamine D3 reste indispensable à cet âge, du fait de la vitesse de croissance importante (25 cm/an la 1re année !).

En pratique

Les recommandations des groupes spécialisés “calcium” et “nutrition” de la Société Française de Pédiatrie sont de supplémenter de façon journalière :

  • les nourrissons au sein par 1 200 U de vitamine D,
  • et ceux nourris au biberon par 400 à 800 U (5) ; et ce, jusqu’à 18 mois.

Mais les nouvelles recommandations ne sont pas strictement suivies, avec souvent cumul des apports en vitamine D des laits industriels et ceux médicamenteux, de 1 200 U prônés par la circulaire ministérielle de 1973…

L’enfant d’âge pré-scolaire (3)

Il est nécessaire de lui assurer un statut vitaminique D satisfaisant, car sa vitesse de croissance jusqu’à 5 ans est encore importante (10 cm/an).
La circulaire de 1971 le considérait, puisque la recommandation était celle d’une supplémentation en vitamine D journalière ou en dose de charge, en période hivernale. Il s’avère, en pratique, que ces recommandations ne sont également pas strictement suivies (8), aboutissant, soit à une situation de carence en vitamine D – attestée par des taux bas de 25-OH-D (< 10 ng/ml) chez 10 % d’entre eux -, soit à des surcharges tout autant préoccupantes.

En pratique

L’administration d’une dose de charge de 80 ou 100000U, 2 fois par hiver, à 3 mois d’intervalle, est une mesure appropriée.

L’adolescent (4-6)

L’adolescence est une période où la vitesse de croissance est de nouveau importante, du fait du processus hormonal pubertaire. Cette période est donc à risque en ce qui concerne la minéralisation squelettique, le capital osseux étant constitué à 16 ans chez la jeune fille, à 18 ans chez le garçon, comme l’a démontré une étude par densitométrie osseuse biphotonique.

Il appartient désormais au médecin en charge de l’adolescent d’optimiser ce capital osseux de manière à envisager de limiter la survenue de l’ostéoporose symptomatique chez l’adulte. Face à cette perspective de santé publique, il s’agit donc d’optimiser les facteurs accessibles impliqués dans la minéralisation osseuse. En terme d’environnement, il faut bien sûr conseiller un exercice physique régulier et déconseiller le tabac…, ce qui est limité !

Limité aussi, le conseil qui porte sur la ration en calcium de l’alimentation. Différentes études nutritionnelles ont montré que les adolescents – et en particulier les adolescentes – ont une ration calcique inférieure aux recommandations (et parfois < 600 mg), la mode n’étant plus au “lait grenadine” ! Par conséquent, si l’on veut obtenir une absorption intestinale de calcium satisfaisante, il faut s’assurer d’un statut vitaminique D adapté, et donc d’un apport médicamenteux de vitamine D à cet âge.

La question est de savoir si cette supplémentation est nécessaire pour tous les adolescents ? La circulaire ministérielle de 1971 ne considérait pas l’adolescent. Et pourtant, le risque de carence en vitamine D à cet âge existe bien. Preuve en est, l’existence de rachitisme carentiel avéré de l’adolescent, comme en témoigne une enquête nationale en milieu hospitalier, avec comme facteurs de risque le fait d’être une adolescente à peau pigmentée et de vivre au nord de la Loire.
Ces situations pathologiques témoignent surtout d’une période à risque où l’on craint en fait, plus souvent, un statut vitaminique D non adapté et peu propice à une optimisation de la minéralisation squelettique, si essentielle à cet âge.

Bien naturellement, l’adolescent vivant souvent au grand air, dans le sud de la France, en short, peut être considéré comme bénéficiant d’un statut vitaminique D correct. Pour décider d’une supplémentation, il a été proposé des abaques décisionnelles de prescription en fonction de facteurs alimentaires, vestimentaires, et environnementaux. Encore faut-il pouvoir les appliquer en pratique lors d’une consultation aux multiples approches.

En pratique

L’administration d’une dose de charge buvable en période hivernale apparaît comme une mesure opportune, avec :

  • 2 prises de 80 à 100 000 U à 3 mois d’intervalle,
  • ou 1 prise unique de 200 000 U, dans un but de meilleure compliance à cet âge.

L’enfant en rattrapage statural (7)

Il est dit que “le rachitisme est une maladie de l’os en croissance”.

  • Preuve en est, il est remarquable de constater des cas de rachitisme lors du rattrapage statural obtenu lors du traitement par hormone de croissance des enfants présentant un nanisme par déficit antéhypophysaire.

En pratique

Il est donc opportun, quel que soit l’âge, de prévenir cette carence lors des traitements par hormone de croissance, spécialement chez les enfants à peau pigmentée et vivant dans le nord de la France.

Les actions « extra-osseuses » de la vitamine D (8)

Les actions “extra-osseuses” de la vitamine D sont mises en exergue en terme d’immuno-modulation ou de défenses immunitaires, incitant à assurer à tous les enfants un statut vitaminique D correct. En effet, les publications récentes concernant la prévention des infections saisonnières, de l’asthme et du diabète, publications qui ont le mérite d’interpeller… à propos de cette vitamine dont on pensait avoir tout dit !

 

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