Les critères de ROME IV et la médecine de ville

Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) des nourrissons sont des motifs fréquents de consultation que ce soit en pédiatrie ou en médecine générale de ville. Il s’agit des régurgitations, des coliques infantiles, de la diarrhée et de la constipation fonctionnelles survenant chez les enfants de moins de 1 an. Ces différentes pathologies ne sont pas « graves » en soi, mais inquiètent les parents qui consultent beaucoup afin de trouver une solution aux symptômes que présente leur enfant. Bien souvent, les TFI disparaissent spontanément au-delà d’un an.

 

Critères diagnostiques

Il y a des critères diagnostiques cliniques officiels des TFI chez les nourrissons qui permettent de caractériser chacun de ces troubles digestifs et d’aider les médecins dans leur pratique clinique. Ce sont les critères de ROME qui ont été révisés en 2016 par des groupes d’experts et sont intitulés maintenant ROME IV (1). Nous rappelons brièvement ces critères.

Les régurgitations du nourrisson

La présence d’au moins deux épisodes de régurgitation par jour depuis au moins 3 semaines en l’absence d’autres symptômes associés comme des nausées, une hématémèse, des apnées, des fausses routes, des troubles de la croissance, des difficultés alimentaires, des difficultés de déglutition ou de troubles posturaux.

Les coliques infantiles

Uniquement chez des nourrissons de moins de 5 mois : présence d’épisodes de pleurs prolongés et récurrents ou d’irritabilité rapportés par la personne s’occupant de l’enfant. Ces épisodes surviennent sans cause évidente et ne peuvent être prévenus ou résolus par la personne s’occupant du nourrisson. Il n’y a pas de retentissement sur la croissance, de fièvre ou de pathologie associée.

La diarrhée fonctionnelle

Présence d’au moins quatre selles volumineuses et non formées par jour avec émission non douloureuse, des symptômes évoluant depuis au moins 4 semaines, début entre 6 et 60 mois, sans trouble de la croissance associée avec apport calorique suffisant.

La constipation fonctionnelle

Au moins deux des symptômes suivants sont présents depuis au moins 1 mois : deux ou moins de deux défécations par semaine, antécédent de rétention excessive des selles, antécédent de douleur ou de défécation difficile, antécédent de selles très volumineuses, présence d’une large masse fécale dans le rectum.

Enquête

On peut s’interroger sur la pertinence de ces critères, définis par des experts dans le domaine, dans la pratique clinique quotidienne des médecins de ville qu’ils soient pédiatres ou généralistes.
Si l’on se réfère à une enquête transversale, observationnelle et nationale effectuée en 2017 en France auprès de pédiatres (91 %) et médecins généralistes (9 %) de ville, qui avait pour objectif principal d’estimer la prévalence des TFI chez les nourrissons de moins de 1 an (n = 1 722), on constate que 67 % des enfants présentent au moins un TFI selon les médecins guidés par l’interrogatoire des parents uniquement versus 56 % selon les critères de ROME IV.
Lorsqu’on fait l’analyse pour chacun des TFI, on voit des différences plus marquées pour ce qui concerne les coliques infantiles, les diarrhées et constipation fonctionnelles (Fig. 1).

Figure 1 – Prévalence de chaque TFI (n = 1 722) selon le médecin et selon les critères de ROME IV.

Il y a donc une surestimation de la part des médecins face à l’interrogatoire des parents par rapport à l’utilisation des critères théoriques de ROME IV. Cette surestimation est d’autant plus importante qu’il s’agit des coliques infantiles ou des diarrhées et constipation fonctionnelles. La surestimation des médecins pour ce qui concerne les régurgitations est moins marquée même s’il y a une différence par rapport à l’utilisation des critères de ROME IV (Laboratoire Novalac, étude ROME en cours de soumission).

Conclusion

Il est donc important d’utiliser des outils tels que des critères cliniques simples, remis à jour régulièrement par des experts, pour des diagnostics de pathologies courantes rencontrées fréquemment en pédiatrie. Ceci aide pour un diagnostic précis et évite ainsi les consultations multiples face aux errances diagnostiques.
Les critères de ROME IV sont donc utiles dans la pratique clinique quotidienne afin d’être le plus objectif possible face à des parents débordés par l’émotion que provoquent les différents symptômes digestifs dont souffrent leur nourrisson.


Références
1. Benninga MA, Faure C, Hyman PE et al. Childhood functional Gastrointestinal Disorders : Neonate/Toddler. Gastroenterology 2016 ; 150 : 1443-55.


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