Les laits de croissance

Introduction
L’allaitement maternel reste l’alimentation idéale des enfants en bas âge. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un allaitement maternel exclusif de 6 mois, et un allaitement mixte de 6 mois à 2 ans. Toutefois, la réduction de la durée de l’allaitement dans nos sociétés modernes et le choix de certaines mères de ne pas allaiter leur enfant a nécessité le développement de formules lactées adaptées aux besoins du nouveau-né et du nourrisson. Les premières formules développées ont permis de sécuriser les périodes précoces : laits pour nourrissons pour la période 0-4 mois et laits de suite pour la période 4-12 mois.
Logiquement, les laits de croissance se sont développés à partir des années 1970, afin d’assurer une base d’alimentation lactée pour les enfants de 1 à 3 ans. En relais de l’allaitement maternel recommandé par l’OMS ou d’une alimentation lactée artificielle (laits pour nourrissons et laits de suite), ils constituent une solution nutritionnelle lactée adaptée au petit enfant. Nous allons revoir dans cet article le bien-fondé de leur utilisation.

Composition théorique des laits de croissance

La composition des laits de croissance ne répond pas à une législation particulière, mais est calquée sur les laits de suite (6 à 12 mois) qui répondent eux-mêmes à une législation très précise (formules lactées pour les moins de 1 an). Cette proximité de composition a été encouragée par un avis de la Commission européenne de 1993, renforcé par un avis de 2009 (Directive 2009/39/CE). Ces directives stipulent que les laits de croissance doivent contribuer à se rapprocher des apports nutritionnels conseillés (ANC) de la population cible, soit les enfants de 1 à 3 ans (Tab. 1).

De nombreux produits ont été développés par différentes industries françaises et européennes, utilisant comme base du lait de vache de façon majoritaire, mais également du lait de chèvre ou des protéines de soja dans certains pays européens. Enrichis en fer, beaucoup de formules de lait de croissance ont été aromatisées afin de masquer un goût à caractère métallique (arôme vanille fréquemment utilisé).
Sur le plan théorique, les laits de croissance peuvent comporter un intérêt nutritionnel concernant l’apport en fer, en acides gras essentiels, de vitamine D et la réduction d’apport en protéines. Ces bénéfices santé sont variables et plus ou moins étayés.

Fer

La supplémentation en fer paraît la plus évidente et la plus intéressante. La carence en fer est la carence nutritionnelle la plus fréquente dans cette tranche d’âge (de 5 à 20 % suivant les études). L’utilisation d’un produit lacté enrichi en fer apparaît comme une mesure préventive de bon sens, compte tenu de la pauvreté en fer du lait de vache.

Acides gras essentiels

Les acides gras essentiels doivent faire l’objet d’une attention particulière du fait de l’insuffisance en apports lipidiques globaux des moins de 3 ans. Sur un plan quantitatif, l’utilisation des laits de croissance évite l’erreur habituelle de l’utilisation de lait de vache demi-écrémé, qui diminue les apports lipidiques de 50 % (17 g/l au lieu de 35 g/l dans le lait entier). Sur le plan qualitatif, la supplémentation des laits de croissance en acide alpha-linolénique (ALA) et acide docohexaénoique (DHA) contribue aux rapprochements des ANC de cette population, pour les acides gras essentiels.

Vitamine D

La supplémentation en vitamine D dans ces laits contribue à augmenter les apports de cette vitamine. Toutefois, une supplémentation médicamenteuse reste nécessaire en fonction de l’âge (pour rappel, apport quotidien de vitamine D jusqu’à 18 mois, puis sous forme de dose de charge tous les 3 mois).

Protéines

Enfin, les enquêtes de consommation alimentaire, type Nutri-Bébé (1-2), mettent en évidence un apport protéique 3 à 4 fois supérieur aux ANC chez les enfants de 1 à 3 ans. L’utilisation des laits de croissance participent à la réduction de l’apport protéique global, même si en pratique elle doit s’accompagner d’une réduction de l’ensemble des protéines animales sur l’ensemble du régime (produits lactés et non lactés). Ces différents éléments ont été retrouvés dans une étude de 2005 publiée par Fantino et al. (1).

Les avantages cliniques des laits de croissance

Dans la population concernée d’enfants de 1 à 3 ans bien portants, il apparaît totalement illusoire d’espérer réaliser des études randomisées en double aveugle afin de montrer l’intérêt clinique de ce type de produits lactés. L’essentiel des preuves cliniques repose sur les données sur le fer. Une méta-analyse récente montre, chez plus de 1 000 enfants de 0 à 18 mois, une augmentation très significative du risque de carence en fer chez les enfants nourris par du lait de vache non supplémenté (risque augmenté par 3,76) (3). Quelques études montrent à court terme le rôle d’un lait supplémenté en fer dans la correction d’une carence constituée. Les autres bénéfices santé sont beaucoup plus difficiles à mettre en évidence.

En pratique

L’utilisation trop rapide de produits alimentaires destinés aux adultes expose le jeune enfant à l’alimentation déséquilibrée des adultes (alimentation trop sucrée, sucres industriels, graisses modifiées, édulcorants…). De nombreux professionnels appellent à « sacraliser » l’alimentation du jeune enfant dans le concept des 1 000 jours, comme une période protégée importante. Le développement de produits alimentaires spécifiques à cette période initiale de la vie permet de se rapprocher du modèle physiologique. Le développement de formules lactées spécifiques destinées aux jeunes enfants contribue à l’équilibre global nutritionnel (4). En pratique, l’utilisation des laits de croissance est en augmentation dans la population française selon la dernière enquête Nutri-Bébé de 2013, les familles les utilisent chez 54 % des 12-23 mois, 30 % des 24-29 mois et 24 % des 30-35 mois, en nette progression en comparaison de la précédente enquête (Nutri- Bébé 2007 : 28 %, 12 %, 5 % pour les mêmes tranches d’âge respectives). La diminution progressive du coût des laits de croissance a probablement contribué à leur développement et à leur utilisation croissante.
Finalement, le développement de produits comme les laits de croissance, adaptés aux besoins des jeunes enfants, participent à leur équilibre nutritionnel global : augmentation des apports en fer, diminution des apports protéiques, augmentation des apports en acides gras essentiel et en vitamine D.


Références

  1. Chouraqui JP, Tavoularis G, Emery Y et al. The French national survey on food consumption of children under 3 years of age – Nutri-Bébé 2013: design, methodology, population sampling and feeding practices. Public Health Nutr 2018 ; 21 : 502-14.
  2. Fantino M, Gourmet E. Consommation énergétique et apports nutritionnels des enfants français âgés de 1 à 36 mois : nouvelles données recueillies en 2005. Arch Pediatr 2008 ; 15 :446-55.
  3. Griebler U, Bruckmüller MU, Kien C et al. Health effects of cow’s milk consumption in infants up to 3 years of age: a systematic review and meta-analysis. Public Health Nutr 2016 ; 19 : 293-307.
  4. Ghisolfi J, Vidailhet M, Fantino M. Lait de vache ou lait de croissance: quel lait recommander pour les enfants en bas âge (1-3ans) ? Arch Pediatr 2011 ; 18 : 355-8.

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