« Les laits végétaux sont meilleurs ? »

Il existe divers “laits végétaux”, préparés à base d’ingrédients végétaux. Les plus connus sont les “laits” de soja, de riz, d’avoine, d’amandes, de noisettes, de noix, de châtaignes, ou de noix de coco. Il n’est pas rare, dans nos consultations, de rencontrer une maman qui, soucieuse d’éviter un terrain allergique pour son enfant, remplace les préparations pour biberons ou le lait de vache par des laits végétaux. Que faut-il leur recommander ?

« ON DIT QUE LE LAIT DE SOJA EST MEILLEUR POUR LA SANTÉ »

ATTENTION : Le lait de soja contient des phytoestrogènes.

Les phytoestrogènes possèdent une structure chimique proche de l’estradiol. Ils regroupent une vingtaine de molécules végétales, parmi lesquelles les plus connues sont les isoflavones : la daidzéine, la glycitéine et la génistéine.
L’activité estrogénique des phytoestrogènes a été démontrée en laboratoire ; on les appelle aussi des “estrogènes-like”. S’ils présentent des analogies avec les estrogènes physiologiques, ils ont aussi des différences qui leur confèrent des effets estrogéniques différents de ceux de l’estradiol humain. Mais leur présence est bien réelle.
Ainsi, on trouve naturellement des phytoestrogènes dans les légumineuses, dans les fruits et les céréales, mais en doses infimes. En revanche, ils sont contenus en grande quantité dans les préparations à base de protéines de soja, essentiellement le tonyu ou “jus” de soja, le tofu, et les yoghourts et desserts à base de soja. Les fractions lipidiques du soja, comme la lécithine de soja, en contiennent peu.
La concentration d’isoflavones dans les produits dérivés du soja varie considérablement d’un produit à l’autre. Certains jus de soja peuvent contenir 100 fois plus d’isoflavones que d’autres, certains desserts au soja peuvent contenir 10 fois plus d’isoflavones que d’autres. En moyenne, pour 100 g d’aliment, le jus de soja contient 7 mg d’isoflavones et un dessert au soja en contient 35 mg.

Phytoestrogènes : les recommandations des autorités de santé

Chez le nourrisson, les préparations pour biberons à base de protéines de soja (PPS 1er et 2e âges) ont fait l’objet de recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Le rapport «Sécurité et bénéfices des phytoestrogènes apportés par l’alimentation» est disponible sur le site de l’Afssa (www.afssa.fr). Ce rapport de l’Afssa demande qu’apparaisse, sur les emballages des produits contenant des isoflavones, l’étiquetage suivant :

  • Pour les aliments à base de soja (notamment tonyu ou “lait” de soja, miso, tofu, yoghourts et desserts au soja) : « Contient x mg d’isoflavones (famille des phytoestrogènes). A consommer avec modération (limiter la consommation quotidienne à 1 mg/kg poids corporel). Déconseillé aux enfants de moins de 3 ans ».
  • Pour les compléments alimentaires (phytoestrogènes purs ou extraits de plante en contenant) et aliments enrichis : « Contient x mg de [molécule (s) concernée (s)]* (famille des phytoestrogènes). Ne pas dépasser 1 mg/kg poids corporel et par jour. Déconseillé aux femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein. Parlez-en à votre médecin ».

L’Afssa conclut que, par prudence, les consommateurs doivent éviter de cumuler les sources de phytoestrogènes : par exemple des aliments dérivés du soja et compléments alimentaires, ou compléments alimentaires composés de plusieurs types de phytoestrogènes.

Que savons-nous des effets des phytoestrogènes chez le nourrisson et le jeune enfant ?

De nombreux travaux expérimentaux, menés chez différentes espèces animales, montrent que les phytoestrogènes ont des effets sur le développement et le fonctionnement endocrinien et immunitaire.
En effet, les études animales montrent que les phytoestrogènes ont un effet délétère sur le développement des organes génitaux et peuvent éventuellement augmenter le risque de cancers du testicule et du sein chez les animaux ayant été exposés pendant la gestation ou la période néonatale.
Chez les nourrissons alimentés de façon prolongée avec des produits contenant des phytoestrogènes, il n’a pas été observé, jusqu’à présent, de troubles particuliers de la croissance et du développement endocrinien. Toutefois, on ne dispose pas d’études à long terme portant notamment sur la fertilité.
Compte tenu de l’état actuel des connaissances et des incertitudes concernant les effets à long terme des fortes doses d’isoflavones ingérées de façon prolongée par les nourrissons, il paraît prudent de ne pas recommander, de la naissance jusqu’à l’âge de 3 ans, l’utilisation de préparations à base de soja, si celles-ci ne sont pas à teneur réduite en isoflavones, et de contrôler les apports journaliers. On conseille de limiter la concentration des préparations pour nourrisson à 1 mg/l de préparation reconstituée en isoflavones.
Les aliments à base de soja : tonyu (jus de soja), desserts, tofu… ont des teneurs variables, mais souvent élevées en isoflavones. Les enfants de plus de 3 ans, consommateurs de ces aliments, peuvent ainsi être amenés à recevoir des quantités élevées d’isoflavones dépassant la dose de 1 mg/kg/j. Ainsi, un nourrisson de 4 mois alimenté exclusivement avec ces préparations peut recevoir 4 à 9 mg d’isoflavones/kg/j.
Par prudence, il est nécessaire de contrôler ces apports et de limiter l’exposition in utero et néonatale. Toute prise d’aliments à base de soja chez un enfant doit être signalée au médecin.

« LE LAIT DE SOJA PERMET D’ÉVITER LES ALLERGIES AU LAIT DE VACHE »

NON : Il existe des allergies croisées entre les protéines du lait de vache et les protéines du soja.

Le traitement de l’allergie aux protéines de la vache consiste à éviter les produits laitiers issus de la vache et de consommer plutôt des fromages de chèvre ou de brebis, mais sans reporter la consommation sur les protéines de soja. Il faut savoir qu’il existe des allergies croisées entre les protéines du lait de vache et les protéines du soja. Ainsi, une vraie allergie aux protéines du lait de vache devrait faire limiter, voire interdire, la consommation de préparations à base de protéines de soja.

ATTENTION : Le lait de soja peut aussi avoir un effet délétère sur la thyroïde.

On connaît depuis longtemps l’effet antithyroïdien du soja, tant chez l’animal que chez l’homme. Dès 1959, Van Wick et al. ont rapporté la présence de goître chez des enfants nourris au lait de soja, régressive après supplémentation iodée ou remplacement du lait par du lait de vache.
On observe aussi que la consommation antérieure de soja dans la petite enfance semble prédisposer à la survenue de maladies thyroïdiennes auto-immunes à l’adolescence. Les dernières études ont montré que les isoflavones de soja étaient d’autant plus perturbatrices du fonctionnement thyroïdien et de son augmentation de volume que l’individu présentait une carence en iode, or la carence en iode est très fréquente en France.
Le mode d’action des isoflavones est connu. Ils s’accumulent dans la thyroïde et perturbent son fonctionnement via l’effet inhibiteur de l’activité de la thyroperoxydase. De plus, chez les enfants hypothyroïdiens, la consommation d’isoflavones peut augmenter les besoins en hormones thyroïdiennes par modification de leur absorption digestive.

« ON DIT QUE LE LAIT DE RIZ OU LE LAIT D’AMANDE PEUVENT REMPLACER LE LAIT »

NON : Du fait de leur composition pauvre en protéines et en lipides, ils ne sont pas adaptés pour le tout petit.

Par rapport au lait de vache, le “lait” de riz a une faible teneur en graisses (1 g contre 3,5 g pour 100 ml) et en protéines (0,2 g contre 3,3 g pour 100 ml). Il est dépourvu de calcium, de phosphore et de vitamines A, D et B2. On peut trouver du “lait” de riz supplémenté en calcium avec une teneur égale à celle du lait de vache (120 mg/100 ml).

Attention aux allergènes !

Les “laits” d’amande ou de noisette peuvent, de plus, être allergènes.

QUE FAUT-IL RETENIR ?

  • Les laits végétaux sont dépourvus de lactose, ce qui les rend digestes pour les personnes qui souffrent d’une intolérance au lactose, mais ils ne sont pas adaptés aux besoins du nourrisson.
  • Certains laits végétaux peuvent aussi être allergisants, comme le lait d’amandes, de noisettes ou de soja.
  • Les laits de soja, en raison des apports en phytoestrogènes, sont à déconseiller par prudence chez l’enfant avant 3 ans, sauf cas très particuliers.
  • En cas de consommation chez l’enfant, il faudra tenir compte de son âge, de son terrain, et palier d’éventuelles carences.

 

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