L’oesophage et ses maux

Quelles sont les manifestations cliniques ?

Chez l’enfant capable d’ingérer des morceaux et des aliments solides, le diagnostic de dysphagie est le plus souvent facile. L’enfant peut présenter un épisode aigu d’impaction (blocage) alimentaire à la suite de l’ingestion d’un aliment solide ou sec tel que morceau de viande, saucisse, légume cru. L’enfant rapporte la sensation de blocage et, si ce dernier est complet, peut présenter une sialorrhée témoignant de l’impossibilité d’avaler sa salive.

Parfois les symptômes sont plus insidieux et sont décrits comme une difficulté à l’ingestion des aliments solides et/ou liquides.

Les enfants sont parfois décrits comme des “mangeurs lents” et les derniers à finir les repas. Parfois, les enfants ou les parents rapportent une tendance à boire lors des repas ou à recourir à l’utilisation de sauces pour aider à l’ingestion des morceaux.

Exceptionnellement, la dysphagie peut entraîner une dénutrition reliée à l’impossibilité de s’alimenter.

Enfin, les symptômes peuvent être beaucoup moins typiques et se résumer à des régurgitations et douleurs lors des repas.

Chez le nourrisson alimenté exclusivement au biberon, les symptômes sont moins spécifiques et le plus souvent constitués de difficultés à la prise des biberons avec vomissements ou régurgitations. Une infection respiratoire par inhalation pulmonaire peut compliquer le tableau.

Dysphagie aiguë, dysphagie chronique : quelle est la conduite à tenir ?

La survenue de symptômes de dysphagie témoigne toujours de la nécessité d’une exploration.

  • En cas de dysphagie aiguë

En cas de dysphagie aiguë (impaction alimentaire), et en dehors de la situation exceptionnelle de l’épiglottite du nourrisson, l’indication d’une endoscopie de l’œsophage permet le plus souvent de faire le diagnostic étiologique (corps étranger, aspect macroscopique de la muqueuse de l’œsophage, prise de biopsies) et de procéder à une intervention thérapeutique (ablation de corps étranger, dilatation).

  • En cas de dysphagie plus chronique

• En cas de dysphagie plus chronique, l’opacification de l’œsophage permet d’orienter le diagnostic étiologique (compression extrinsèque, sténose, aspect en bec d’oiseau du bas œsophage, dilatation de l’œsophage).

• Le recours à l’endoscopie permet ici également de préciser le diagnostic étiologique.

• La manométrie de l’œsophage, en cas de suspicion d’anomalie motrice permet d’affirmer le diagnostic.

Les causes de dysphagie à envisager

Quelles sont les différentes étiologies possibles ?

Les étiologies sont nombreuses et varient selon l’âge de l’enfant.

  • Chez le nourrisson et le jeune enfant

La sténose de l’œsophage

• Le diagnostic est facile à évoquer si l’enfant a été opéré à la naissance d’une atrésie de l’œsophage. La sténose de l’anastomose œso-œsophagienne peut compliquer l’évolution dans 25 à 40 % des cas. La traction importante lors de la chirurgie initiale et le reflux gastro-œsophagien en sont les principaux facteurs de risque (1).

• Rarement il s’agit d’une sténose congénitale du tiers inférieur de l’œsophage de nature cartilagineuse ou fibreuse (2). Le diagnostic est fait par l’opacification et/ou l’endoscopie.

Fistule trachéo-œsophagienne, fente laryngée postérieure

Rare, ce diagnostic doit être systématiquement envisagé, surtout si s’associe à la dysphagie une toux, notamment aux liquides lors de la prise alimentaire et/ou des infections respiratoires. Le diagnostic est au mieux effectué par l’endoscopie laryngée et le test au bleu de méthylène qui permet de démontrer la communication entre l’arbre respiratoire et l’œsophage.

Un corps étranger

Le diagnostic de corps étranger incarcéré dans l’œsophage (3) doit être suspecté chez l’enfant en bas âge, y compris en l’absence d’épisode aigu rapporté par la famille. La confirmation du diagnostic et le traitement sont apportés par l’endoscopie œsophagienne.

A SAVOIR

L’incarcération de pile-bouton dans l’œsophage est une urgence en raison du risque de perforation œsophagienne par brûlure muqueuse.

Une épiglottite

Rare depuis la vaccination généralisée contre Hemophilus B, elle doit être suspectée devant une dysphagie à début brutal accompagnée d’une fièvre élevée chez un enfant dont l’état général est altéré.

ATTENTION

C’est une urgence médicale qui nécessite une antibiothérapie et une intubation par un anesthésiste ou un ORL expérimenté.

Une compression vasculaire

Rare, le diagnostic est évoqué par la radiographie pulmonaire qui peut retrouver une crosse aortique située à droite et confirmé par l’opacification de l’œsophage qui démontre une compression extrinsèque.

Les malformations sont nombreuses et complexes mais, schématiquement, on distingue les anneaux vasculaires complets et les anneaux incomplets :

• anneaux vasculaires complets
(figure 1) avec arc aortique droit et artère sous-clavière gauche aberrante avec ligament vasculaire qui réalise une compression extrinsèque (diverticule de Kommerell) ;

OESOPHAGE-ET-SES-MAUX-FIG1

• anneaux vasculaires incomplets avec artère sous-clavière droite aberrante ; la compression est incomplète et peut ne pas causer d’anomalie clinique.

L’achalasie de l’œsophage

Elle est exceptionnelle chez le nourrisson.

  • Chez l’enfant

L’œsophagite éosinophilique

L’œsophagite éosinophilique (figure 2) (4) est définie par une infiltration de polynucléaires éosinophiles
(> 20 par champ) dans l’œsophage. Typiquement, elle touche le garçon âgé de 10 à 12 ans avec antécédents d’allergie respiratoire (asthme). Les symptômes d’appel peuvent être aigus (blocage alimentaire) ou plus progressifs (dysphagie aux solides).

OESOPHAGE-ET-SES-MAUX-FIG2

L’interrogatoire apprend que les troubles existent en réalité souvent depuis plusieurs années. Le diagnostic est endoscopique (aspect de la muqueuse œsophagienne en rail, en anneaux, avec dépôts blanchâtres et est affirmé par l’étude histopathologique des biopsies œsophagiennes étagées. Le traitement consiste en l’éviction des allergènes alimentaires et/ou l’administration de corticoïdes topiques.

La sténose œsophagienne

A SAVOIR

Une sténose œsophagienne doit être suspectée chez l’enfant qui présente une dysphagie.

Elle peut être d’origine peptique ou caustique.

La sténose œsophagienne d’origine peptique

La sténose peptique est secondaire au reflux gastro-œsophagien (5). Elle n’est pas exceptionnelle si le reflux est méconnu ou non traité. Les enfants encéphalopathes doivent être particulièrement surveillés. A long terme ces patients doivent être suivis en raison du risque de développer un œsophage de Barrett (endobrachyœsophage) avec risque d’adénocarcinome.

La sténose œsophagienne d’origine caustique (figure 3)

Le contexte est souvent évident et la sténose peut être plus ou moins étendue ou multiple.

OESOPHAGE-ET-SES-MAUX-FIG3

La sténose œsophagienne congénitale

Les sténoses congénitales (2) peuvent être diagnostiquées tardivement si les symptômes sont modestes ou ont été méconnus.

L’achalasie

L’achalasie de l’œsophage (figure 4), ou mégaœsophage, est secondaire à la disparition des neurones innervant le sphincter inférieur de l’œsophage (SIO). Ceci a pour conséquence une absence de relaxation du SIO lors de la déglutition, avec installation progressive d’une dysphagie prédominant au début sur les liquides. Le diagnostic est orienté par l’aspect en bec d’oiseau sur l’opacification de l’œsophage et est confirmé par la manométrie œsophagienne qui confirme l’absence de relaxation du SIO, associé parfois à un apéristaltisme secondaire du corps de l’œsophage. L’achalasie est le plus souvent isolée. Il faut cependant rechercher des antécédents familiaux car elle peut entrer dans le cadre de formes familiales (syndrome des 3A) qui associe l’achalasie à une alacrymie et une insuffisance corticosurrénalienne (6).

OESOPHAGE-ET-SES-MAUX-FIG4

ATTENTION

Le diagnostic est capital à porter avant l’intervention chirurgicale (myotomie extramuqeuse de Heller) le plus souvent nécessaire.

La sclérodermie

La dysphagie est un des symptômes fréquemment présenté au cours de la sclérodermie (7). Elle est le plus souvent accompagnée d’autres signes notamment cutanés (sclérodactylie, syndrome de Raynaud) et arthralgies. La manométrie de l’œsophage retrouve une hypomobilité du corps de l’œsophage et une pression abaissée du SIO.

Le reflux gastro-œsophagien

Le reflux gastro-œsophagien (5) peut, en dehors de toute sténose peptique, entraîner des signes de dysphagie secondaire à la dysmotilité induite par l’œsophagite peptique. La dysphagie répond généralement de façon spécifique au traitement anti-sécrétoire. Le diagnostic différentiel dans ces situations est l’œsophagite éosinophilique.

Conclusion

La dysphagie de l’enfant est un symptôme qui implique une exploration rigoureuse. Outre l’interrogatoire et l’examen clinique qui peuvent orienter le diagnostic, l’opacification de l’œsophage et l’endoscopie permettent de préciser l’étiologie. Le traitement est spécifique et dépend de la cause.

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