Maladie coeliaque : plus de biopsies nécessaires pour le diagnostic ?

La maladie coeliaque est une entéropathie inflammatoire chronique auto-immune, déclenchée par l’ingestion de gluten, chez des sujets génétiquement prédisposés. Mais cette définition donnée par la HAS prête à discussion (1)…

Une simple entéropathie ?

La maladie coeliaque n’est pas localisée uniquement au niveau de l’intestin, mais dispose d’un spectre clinique plus vaste, en particulier. :

  • peau,
  • os,
  • utérus, foie,
  • ou cerveau.

La dermatite herpétiforme est la plus classique, mais des douleurs osseuses ou articulaires, une infertilité, une hépatite ou une atteinte cérébrale (épilepsie avec calcifications) sont volontiers associées à une maladie coeliaque. De plus, une symptomatologie atypique peut révéler une maladie coeliaque authentique (2) dans près de 50 % des cas (l’anémie ferriprive réfractaire étant la plus fréquente). En fait, moins de 10 % des enfants atteints de maladie coeliaque ont cette forme classique ; le reste des maladies coeliaques étant paucisymptomatiques ou latentes, selon le modèle de “l’iceberg” (Fig. 1).

Une maladie chronique pour la vie ?

L’adjectif chronique suggère que cette maladie persiste tout au long

de la vie. Dans cette même recommandation HAS (1), il est stipulé que le régime sans gluten doit être mené toute la vie, mais peut être interrompu après la puberté. Chez l’adulte atteint de maladie coeliaque, il existe une augmentation de l’incidence de l’ostéopénie, de la stérilité, des cancers (lymphomes, cancers digestifs et ovariens), de certaines maladies auto-immunes. Le régime chez l’adulte doit donc être mené toute la vie sans discussion. Un seul travail, à notre connaissance, a suivi l’évolution d’enfants atteints de maladie coeliaque et suivant un régime libre bien toléré cliniquement (jusqu’à 10 % des cas selon certains auteurs). Une ostéopénie sévère dans la moitié des cas a été mise en évidence (4). Le principe de précaution prévaut et la plupart des gastropédiatres préconisent la poursuite du régime sans gluten à vie. Toutefois, l’observance du régime pousse parfois le clinicien à “tolérer” des écarts de régime contrôlés, plutôt que perdre de vue l’enfant !

Une maladie autoimmune ?

L’autoimmunité est bien démontrée depuis la découverte de l’auto-antigène transglutaminase 2 (TG-2) (5). Il s’agit d’une enzyme qui provoque une déamidation de la gliadine ingérée, et démasque ainsi les épitopes de cette protéine. La TG-2 est présente dans de nombreux tissus, autres que l’intestin : le foie, le rein, le poumon et les capsules articulaires en particulier. Cette représentation ubiquitaire pourrait témoigner de l’ensemble des manifestations systémiques et extra-digestives de la maladie coeliaque. Chez un enfant prédisposé, les peptides libérés vont induire une réponse immunitaire à l’origine de l’atrophie villositaire, et la production d’anticorps anti-transglutaminase. Cette dernière propriété va permettre d’améliorer la conduite diagnostique, comme nous allons le voir plus loin.

Le gluten, facteur déclenchant à moduler ?

L’ingestion de gluten (et de son peptide, la gliadine) est le facteur environnemental indispensable au déclenchement de la maladie. L’exposition au gluten avant 3 mois multiplie le risque de déclencher la maladie par 23 et l’exposition après 7 mois par 4 (6, 7). Ces données sont à l’origine des recommandations du Comité de nutrition français stipulant une fenêtre d’opportunité pour la date d’introduction du gluten dans l’alimentation entre 4 et 7 mois. Une poursuite de l’allaitement maternel pendant la diversification est préconisée car le risque de maladie coeliaque est réduit significativement chez les enfants nourris au sein au moment de l’introduction du gluten (8). Classiquement, les farines interdites sont le seigle, le blé, l’orge et l’avoine. En fait :

  • la gliadine du blé, la sécaline du seigle et l’hordéïne de l’orge sont proscrites ;
  • mais l’avoine pure semble être tolérée. Le riz et le maïs ne sont pas toxiques pour les sujets coeliaques et sontutilisés comme substituts dans le régime sans gluten.

Une maladie génétique ?

La prévalence de la maladie coeliaque est 100 fois supérieure chez les apparentés du premier degré des patients, par rapport à la population générale, et 4 fois plus élevée chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes. 98 % des patients expriment HLA DQ2 et/ou DQ8 (terrain génétique prédisposant à la maladie coeliaque), ce qui va permettre d’influer sur la prise en charge, étant donnée leur valeur prédictive négative (9).

Un séisme : les modalités diagnostiques changent

Les critères à réunir pour poser le diagnostic de maladie coeliaque proposés par la Société Européenne de Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques (ex ESPGAN) n’avaient pas changé depuis 1990 (10). A l’époque, il fallait 3 biopsies pour affirmer le diagnostic :

  • une pour suspecter le diagnostic ;
  • la seconde pour constater la “repousse” villositaire après régime ;
  • et une troisième pour confirmer l’atrophie villositaire après une épreuve de rechute !

Puis la pratique des auto-anticorps de la maladie coeliaque – anti-gliadine, anti-endomysium et antitransglutaminase de classes IgG ou IgA – ont permis de limiter la pratique de biopsies intestinales aux seules sérologies positives. La HAS conseille d’utiliser uniquement les anticorps anti-transglutaminase (AATG), les anticorps anti-gliadine et anti-réticuline n’étant plus remboursés. Il est indispensable d’effectuer systématiquement un dosage pondéral des immunoglobulines pour éliminer un déficit en IgA qui pourrait fausser négativement le résultat. Les IgA anti-endomysium (AAEM) ont une sensibilité et une spécificité proches de celles des IgA anti-transglutaminase, mais leur technique de détection est subjective (lecture par des techniciens différents et non par des automates) et demande une animalerie (immunofluorescence indirecte réalisée sur oesophage de singe). Ils ne seront donc demandés qu’en seconde intention. Début 2012, le groupe de travail européen étudiant la maladie coeliaque a publié la conduite à tenir (11). Chez les enfants symptomatiques (Fig. 2) :

  • si les AATG sont négatifs et les IgA normaux : ce n’est pas une maladie coeliaque ;
  • si les AATG sont positifs, avec une clinique évocatrice, il est conseillé de doser les AAEM et de demander un génotypage HLA ;
  • si le patient est HLA DQ2 ou DQ8 positif, avec des AAEM positifs : c’est une maladie coeliaque ; il n’est donc pas nécessaire de faire une biopsie. Il est souhaitable dans ce cas qu’un avis gastro-pédiatrique soit pris avant de débuter un régime sans gluten pour la vie. Pour les enfants asymptomatiques de familles dans lesquelles un enfant est déjà atteint (Fig. 3) : Il convient de demander en premier lieu le génotypage HLA. Si les HLA DQ2 et DQ8 sont négatifs, l’enfant ne fera jamais de maladie coeliaque.

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