Malnutrition des enfants hospitalisés

La malnutrition chez l’enfant en milieu hospitalier est toujours d’actualité. Mais les équipes de soins n’ont pas intégré dans leur pratique hospitalière le dépistage systématique du risque nutritionnel à l’admission, l’évaluation du statut nutritionnel en cours d’hospitalisation et la prescription d’interventions appropriées.

Même si la malnutrition en milieu hospitalier fait l’objet de recherches depuis trois décennies, elle n’a pas attiré l’attention qu’elle mérite. La réalité est que les équipes de soins n’ont pas intégré dans leur pratique hospitalière le dépistage systématique du risque nutritionnel à l’admission, l’évaluation du statut nutritionnel en cours d’hospitalisation et la prescription d’interventions appropriées. La nutrition semble toujours rester à l’arrière-scène des plans de soins. Pourtant la recherche, autant chez l’adulte que chez l’enfant hospitalisé, a fait la démonstration que la malnutrition est responsable d’une mortalité et d’une morbidité plus élevées entraînant, de ce fait, une plus grande utilisation des ressources et un prolongement de la durée de séjour dans les hôpitaux (1-3). Le but de ce survol est de revoir brièvement la littérature pédiatrique à ce sujet, de discuter des facteurs en cause dans nos hôpitaux et de proposer des solutions.

Quelle est l’ampleur du problème en pédiatrie ?

Moins nombreuses que chez l’adulte, nous avons pu relever, depuis 1990, quatorze études pédiatriques évaluant la malnutrition survenant dans les hôpitaux et dont la méthodologie était appropriée. La synthèse de ces études est incluse dans le tableau 1 (2-15).
Les messages clé qui se dégagent de ces études pédiatriques et d’autres disponibles dans la littérature sont les suivants :
• la prévalence moyenne de la malnutrition est de 22,9 % (6,9 %-50 %) ;
• une étude montre que 65 % des enfants perdent du poids à l’hôpital (12) ;
• seulement 32 % des enfants dénutris ont reçu un support nutritionnel (9) ;
• environ 50 % des enfants malnutris ne sont pas pris en charge par une diététicienne (16) ;
• la malnutrition ignorée se solde par un taux élevé de complications, de séjours prolongés et par des coûts supplémentaires (1-3).
Au-delà de ces observations qui réclament l’attention de tous les professionnels de la santé impliqués dans les soins de nourrissons, d’enfants et d’adolescents, il est impératif de rappeler que la malnutrition a un impact sur le potentiel de croissance, ainsi que sur les fonctions cognitives (17).
Par ailleurs, on sait qu’un support nutritionnel approprié pour l’enfant malnutri hospitalisé peut diminuer les complications et même la mortalité (18, 19).

L’identification des patients à risque

Le dépistage de la malnutrition
Les données récentes suggèrent que, suite aux tests de dépistage effectués à l’admission, les patients admis dans les hôpitaux universitaires sont plus à risque de malnutrition que ceux qui sont admis dans les hôpitaux régionaux (2). Selon ces mêmes auteurs, la différence tient au fait que les pathologies sont plus lourdes dans les hôpitaux d’enseignement et présentent donc un plus grand risque nutritionnel.
Plusieurs études, dont celle réalisée en France par Sermet-Gaudelus, montrent que le dépistage à l’admission est prédictif d’une perte de poids pendant l’hospitalisation (12).

Le suivi en milieu hospitalier
Une étude pilote, comportant un instantané de toutes les admissions d’une journée au CHU Sainte Justine à Montréal, a mis en évidence le fait que 30 % des 154 patients étudiés n’ont pas été pesés régulièrement en cours d’hospitalisation (données recueillies par le docteur Valérie Marchand).
Il est clair que le dépistage systématique du risque nutritionnel à l’admission n’a de sens que si l’évaluation du statut nutritionnel se fait régulièrement pendant le séjour hospitalier afin de mettre en place les soins nutritionnels appropriés.

Vulnérabilité en fonction du groupe d’âge et des pathologies sous-jacentes
La majorité des études n’a pas identifié un groupe d’âge plus particulièrement vulnérable. Toutefois, il faut noter que les cohortes impliquant une plus grande proportion de jeunes enfants documentent un plus grand risque de malnutrition (12).
Les oncologues et les cliniciens responsables des jeunes malades souffrant de mucoviscidose sont plus enclins à inclure le support nutritionnel dans leur plan de traitement, alors que les patients avec maladies inflammatoires chroniques, infections sévères, insuffisance rénale chronique et maladies neurologiques, ainsi que les enfants admis en chirurgie, constituent des groupes de patients dont l’état nutritionnel ne reçoit pas suffisamment d’attention.
Au cours d’une étude canadienne réalisée auprès des patients admis dans le service de chirurgie du Hospital for Sick Children à Toronto, la prévalence du risque de malnutrition modérée à sévère, à l’entrée, était de 50 % (3). Il s’agit de la prévalence la plus élevée de toutes les études pédiatriques publiées à ce jour.
Ceci n’a rien de surprenant car plusieurs travaux montrent que la prévalence de la malnutrition est plus élévée chez les patients chirurgicaux que chez ceux admis en médecine (20). L’observation la plus importante de l’étude de Toronto est que le séjour hospitalier postopératoire des patients à risque, identifié avec l’instrument Subjective Global Nutritional Assessment, a été de 8,3 ± 10 jours pour les malnutris comparés à 5,3 ± 5,4 jours pour les jeunes patients bien nutris à l’admission,, entraînant donc des coûts supplémentaires (3).

Les facteurs responsables de cette problématique

Afin de pouvoir remédier à la situation actuelle qui met à risque la santé et le bien-être des enfants dont nous avons la responsabilité, il est impératif de réfléchir sur les facteurs en cause et les obstacles à la solution de cette problématique avant de dégager des recommandations.
Il y a quelques années, la Société Canadienne de Nutrition a créé un groupe de travail (Canadian Malnutrition Task Force) dont la mission est non seulement de faire une vaste étude nationale sur la malnutrition d’adultes et bientôt d’enfants hospitalisés, mais aussi d’identifier les facteurs en cause qui font obstacle à une meilleure prise en charge. Les données préliminaires de l’étude adultes alertent le lecteur aux principaux  obstacles rencontrés (Figure 1).

Plan stratégique pour améliorer les soins nutritionnels en milieu hospitalier.

Fort des études pédiatriques citées plus haut, il est du devoir de nos gouvernements, des autorités sanitaires et des professionnels de la santé responsables de la santé et du bien-être des enfants de prévenir et de traiter la malnutrition en milieu hospitalier.

Dépistage à l’admission.
Tous les patients devraient subir un test de dépistage validé comme le STRONGKIDS, qui est proposé par Hulst en Hollande, ou le SGNA de Donna Secker au Canada (3, 21)

Evaluation en cours d’hospitalisation
Les enfants identifiés comme étant malnutris ou à risque de dénutrition lors de l’admission doivent faire l’objet d’une évaluation régulière et méticuleuse de leur statut nutritionnel, devant inclure un calcul approximatif des ingesta et l’observation du comportement de l’enfant face à la nourriture qui lui est présentée.

Temps protégé et assistance à l’heure des repas
Il est clair que des efforts doivent être déployés pour que les patients soient peu dérangés à l’heure des repas, ce qui les distraira moins de leur assiette alimentaire. On veillera, en outre, à choisir avec l’enfant un menu adapté à sa culture ainsi qu’à son état de santé, et à lui fournir l’aide et l’encouragement dont il a besoin lorsque se pointe le manque d’appétit et la dépression qui risquent de contribuer à une détérioration de son état nutritionnel.

Intégration d’une diététicienne dans l’équipe de soins
Une des observations les plus importantes des études pédiatriques est qu’une proportion importante d’enfants à risque de malnutrition à l’admission ou dont l’état nutritionnel se détériore au cours de leur hospitalisation ne bénéficie pas d’une consultation avec une diététicienne.
C’est dire qu’un grand nombre de ces malnutris sont largement ignorés par l’équipe de soins.
Bien que la multidisciplinarité soit à l’honneur dans les équipes de soins responsables des services de médecine et de chirurgie, l’expertise d’une diététicienne n’est retenue que sur consultation. C’est dans ce contexte qu’il semble tout à fait urgent de recommander qu’une diététicienne fasse partie des équipes de soins et ait la responsabilité de chaque patient sous la supervision du médecin chef de l’équipe.

Consolidation des équipes de support nutritionnel
Les équipes de soins doivent travailler en étroite collaboration avec l’équipe de support nutritionnel responsable de l’alimentation entérale et parentérale.
Il y a lieu de saluer le travail des équipes de support nutritionnel au cours des dernières décennies. Elles ont contribué à diminuer l’alimentation parentérale au profit de l’alimentation entérale, réduisant ainsi la morbidité et mortalité associées à l’alimentation parentérale en milieu pédiatrique, ainsi que les coûts socio-économiques. Souvent laissées à elles-mêmes, elles ne demandent qu’à être consolidées, à travailler davantage en étroite collaboration avec l’équipe de soins pour partager leurs connaissances et leur expertise respectives.

Analyse coûts-bénéfices de soins nutritionnels exemplaires
Bien que quelques études aient montré que la malnutrition en milieu hospitalier entraîne des coûts supplémentaires importants, aucun travail sérieux n’a établi le ratio coûtbénéfice de soins nutritionnels de grande qualité.
Une telle étude est essentielle pour convaincre les autorités gouvernementales et hospitalières que des moyens doivent être investis pour améliorer la nutrition dans nos hôpitaux.

Conclusions

Ce bref examen du problème toujours d’actualité de la malnutrition en milieu hospitalier chez l’enfant ne saurait se régler sans qu’un véritable changement de culture s’effectue.
Il est impératif de comprendre que la nutrition ne doit plus rester à l’arrière-scène de la prise en charge des nourrissons, enfants et adolescents hospitalisés, car les études des dernières années montrent bien qu’elle est thérapeutique.

 

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