Nutrition du nouveau-né prématuré ou hypotrophe

Que dit la littérature ?
1 ■ Griffin IJ, Cooke RJ. Nutrition of preterm infants after hospital discharge. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2007 ; 45 (Suppl 3) : S195-S203.
2 ■ Fanaro S, Borsari G, Vittorio V. Complementary feeding practices in preterm infants: an observational study in a cohort of Italian infants. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2007 ; 45 (Suppl 3) : S204-S209.
3 ■ Norris FJ, Larkin MS, Williams CM et al. Factors affecting the introduction of complementary foods in the preterm infant. Eur J Clin Nutr 2002 ; 56 : 448-54.

 

L’incidence des naissances prématurées est variable selon les pays, atteignant actuellement environ 8% des naissances par an en France. La vaste majorité est considérée comme eutrophe pour le terme, néanmoins 5% de ces nouveau-nés, qu’ils soient à terme ou prématurés, présentent une hypotrophie à la naissance.

Il est habituellement considéré que, chez ces enfants (prématurés ou hypotrophes), les besoins de croissance post-natale sont supérieurs à ceux des nouveau-nés à terme sains (croissance de rattrapage).

L’utilisation de formule enrichie ou de lait maternel enrichi est la règle, même si peu d’études ont été validées de manière objective dans ce sens. L’autre période cruciale concerne l’âge optimal de la diversification alimentaire qui n’est pas clairement identifié par des études objectives chez ces nourrissons immatures.
Cette thématique a fait l’objet d’une mise au point parue dans le supplément de décembre 2007 du Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition dont nous vous livrons ici un résumé.

Quel lait prescrire aux nouveau-nés prématurés et hypotrophes après le séjour en néonatologie ?

Pour répondre à cette problématique récurrente, Griffin et Cooke (1) ont effectué une revue de la littérature reprenant les études randomisées comparant des formules standard aux formules enrichies pour prématurés. La composition de ces produits diffère de celle des laits standards en termes d’apports caloriques, protidiques et phosphocalciques (Tableau 1). Neuf études randomisées étaient retrouvées dans la littérature. La composition des formules lactées, ainsi que la durée de l’intervention n’étaient pas identiques dans toutes ces études (Tableau 2). Six études rapportaient des résultats favorables des formules enrichies, avec un bénéfice net sur la croissance pondérale. Ceci se traduisait par une augmentation de la masse maigre et de la masse grasse, et également de la masse minérale osseuse. Deux études ne rapportaient pas d’effet bénéfique et une étude plus récente mettait en évidence un effet néfaste. La croissance pondérale était plus importante chez les nourrissons masculins que les nourrissons féminins. Cet effet était d’autant plus prononcé que la durée d’intervention était prolongée (> 3 mois).

Les auteurs recommandaient l’attitude suivante :

  • hypotrophie persistante à la sortie de néonatologie : lait pour prématurés ou en cas d’allaitement maternel, poursuite de celui-ci avec supplémentation par compléments nutritionnels type éoprotine ;
  • durée d’administration de 3 à 6 mois, voire plus.

Diversification du nouveau-né prématuré : que se passe-t-il dans la “vraie vie” ?

Fanaro et al. (2) rapportent une étude réalisée dans le nord de l’Italie, concernant les modalités de la diversification alimentaire chez 156nourrissons prématurés (âge gestationnel moyen : 32,6 SA ±0,24 ; poids moyen à la naissance : 1 981 g (595-4 060 g). Cette cohorte prospective était suivie, dès la naissance, par des questionnaires réguliers sur les différentes périodes alimentaires : alimentation lactée, sevrage, début de la diversification, introduction d’aliments spécifiques (gluten, viande, etc.).

Les résultats de cette étude montrent qu’en moyenne, l’introduction d’aliments solides était réalisée à 22,2 ± 0,4 semaines d’âge postnatal. Ceci correspondant à un âge corrigé moyen de 15,1 ± 0,39 semaines. Dans environ 61 % des cas, la diversification était initiée avant l’âge corrigé de 4 mois. Cette diversification était d’autant plus précoce que l’enfant naissait à un terme plus jeune (< 33 SA : 13,5 ± 0,72 semaines vs > 33 SA : 15,9 ± 0,44 ; p < 0,005). Ces grands prématurés avaient également un poids plus faible lors du début de la diversification (< 33 SA : P = 5 553 ± 151 g, versus > 33 SA : 6 482 ± 105 g ; p < 0,0001) et 27 nourrissons (18,1 %) pesaient moins de 5 kg au début de la diversification.

Le poids semblait, dans cette étude, plus important que l’âge pour le début de la diversification : les grands hypotrophes étaient ainsi diversifiés près d’un mois plus tard que les prématurés eutrophes. Les auteurs ne notaient pas de différence entre le type d’alimentation lacté initial (allaitement maternel ou artificiel) et le début de la diversification. Les compotes ou purées de fruits représentaient, dans 46,8 % des cas, le premier aliment introduit. L’introduction du gluten était observée en moyenne 7 à 8 semaines après l’initiation de la diversification. Le jeune âge maternel était un facteur de diversification précoce et il n’y avait pas de différence pour le niveau éducatif ou professionnel. Les auteurs ont comparé les résultats de leur travail à une étude antérieure anglaise et ont relevé dans leur série moins de diversification précoce (pourcentage de nourrissons d’âge inférieur à 4 mois pour l’âge corrigé : 6,5 % versus 49 % dans l’étude de Norris) (3).

Commentaires

Cette mise au point apporte un éclaircissement net sur les données disponibles concernant l’alimentation des nouveau-nés prématurés ou hypotrophes au décours de leur séjour en néonatologie ou en maternité. L’allaitement maternel devrait, comme toujours, pouvoir être encouragée, même dans cette population. En l’absence d’allaitement maternel, les préparations enrichies pour prématurés restent à préconiser, mais l’incertitude demeure sur la durée nécessaire de prescription de cette alimentation (fonction de l’âge post-natal ? d’un poids cible à atteindre ?).
Il est important de rappeler que les effets bénéfiques d’une diversification précoce et d’une alimentation trop enrichie devraient être mis en balance avec d’éventuels effets néfastes. L’accélération de la croissance post-natale pourrait, en effet, avoir des effets bénéfiques sur le quotient intellectuel, mais également des effets néfastes à long terme (augmentation de la morbidité chez l’adolescent et l’adulte : programmation métabolique). A l’heure actuelle, en l’absence de recommandations des sociétés savantes, le timing d’instauration de la diversification optimale devrait tenir compte du développement global de l’enfant. Il n’y a probablement pas un seul âge ou un poids fixe pour instaurer cette diversification. Cette problématique représente certainement un problème de santé publique et les recommandations à ce sujet sont souhaitées pour la France.


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