Controverse n°2

OUI / La prise en charge des enfants en surcharge pondérale doit-elle être la plus précoce possible ?

Plus de la moitié des enfants en surcharge pondérale, avant l’âge de 5 ans, ne le restent pas à l’âge adulte (21-29 ans), alors que l’obésité persiste chez plus des trois quarts des adolescents en excès pondéral (avec au moins un des parents obèses), après 10 ans [1].

Les études publiées

Deux travaux, ayant suivi des enfants obèses traités pendant, respectivement, 5 [2] et 8 [3] années, montrent que le pronostic pondéral à l’issue de ce délai est d’autant meilleur que la prise en charge thérapeutique a débuté précocement. L’ensemble de ces données plaide en faveur d’une prise en charge dès le plus jeune âge des enfants obèses, afin d’augmenter les chances de succès thérapeutiques à moyen terme.
Les bonnes habitudes alimentaires s’acquièrent au cours des premières années de la vie, et il est difficile de modifier un comportement alimentaire inadéquat une fois qu’il est établi [4]. Les erreurs diététiques des enfants obèses doivent donc rapidement être corrigées pour éviter qu’elles se pérennisent.
L’existence d’une obésité durant l’adolescence augmente la morbidité et la mortalité cardiovasculaires (CV) à l’âge adulte, indépendamment de l’évolution pondérale au-delà de l’adolescence [5]. Cette relation, indépendante de la persistance ou pas de l’obésité à l’âge adulte, s’explique probablement par la constitution dès l’enfance d’anomalies artérielles associées à l’obésité [6]. Il est donc important de les faire régresser le plus tôt possible grâce à un traitement efficace de l’obésité pour espérer améliorer le pronostic vasculaire à long terme.

Les recommandations

Dans ses toutes dernières recommandations de bonne pratique, la Haute Autorité de Santé (HAS) préconise de dépister tôt, et de proposer une prise en charge précoce des enfants qui présentent un surpoids afin d’éviter la constitution d’une obésité persistante à l’âge adulte, ainsi que la survenue de complications métaboliques [7]. Elle s’appuie sur les arguments précédemment évoqués pour justifier cette attitude.

NON / La prise en charge thérapeutique des enfants en surcharge pondérale ne doit pas être la plus précoce possible.

Les études publiées

Lorsque l’évolution pondérale à long terme d’enfants pris en charge pour obésité est évaluée après au moins 10 années de suivi, ni la précocité de la prise en charge, ni son efficacité initiale, ni la durée du suivi ne sont des facteurs prédictifs du devenir pondéral à l’âge adulte [8-10]. Les facteurs pronostiques à long terme mis en évidence dans ces travaux sont indépendants de l’intervention thérapeutique précoce [8-10].

Ces résultats s’expliquent par une probable programmation génétique de l’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) chez les enfants obèses [11].

Effectivement, l’effet des facteurs génétiques sur l’évolution de l’IMC de la petite enfance à l’âge de 18 ans est bien supérieur à celui des facteurs environnementaux [12]. On comprend donc que, quelle que soit la précocité de la prise en charge, ses effets ne persistent à long terme que si l’enfant maintient ses efforts pour lutter contre la progression génétiquement programmée de son IMC, et disparaissent inexorablement dès qu’il relâche sa vigilance. Ainsi, le début de la prise en charge n’influence pas l’évolution programmée de l’IMC.

Le comportement alimentaire des enfants obèses n’est pas la cause de leur surcharge pondérale mais la conséquence de leur maladie [13]. Ce comportement est, en grande partie, sous l’influence de déterminants génétiques d’expression neuronale [14], agissant probablement au niveau des centres hypothalamiques de régulation du poids. Ce ne sont donc pas de mauvaises habitudes alimentaires acquises durant l’enfance qui peuvent être à l’origine d’une surcharge pondérale [15].

Une méta-analyse conclut que les anomalies artérielles, mises en évidence chez l’enfant obèse, ne peuvent être responsables de la survenue d’accidents CV à l’âge adulte uniquement qu’en cas de persistance de l’obésité [16].

L’obésité infantile n’est donc pas un facteur de risque indépendant de maladies CV ultérieures, ce qui signifie que sa prise en charge précoce ne permet pas de réduire le risque d’événements CV à l’âge adulte.

Les recommandations

Les recommandations émises par la HAS sont fondées uniquement sur un accord entre les experts du groupe de travail [7].

Elles peuvent donc être contestées par d’autres experts en s’appuyant notamment sur les arguments qui viennent d’être développés.

On peut même s’interroger sur le rôle délétère que pourraient avoir des amaigrissements imposés à un âge où l’enfant n’est pas encore capable d’en saisir le bien-fondé.

 

 

 

Synthèse

La logique du raisonnement médical spontané soutient l’idée d’une prise en charge thérapeutique des enfants obèses la plus précoce possible afin d’empêcher une aggravation de la maladie. Mais tous les arguments scientifiques développés pour soutenir cette théorie sont sérieusement contrariés par ceux proposés pour affirmer le contraire.

Pour savoir plus …

 

 


Publié

dans

par

Étiquettes :