Pas si oligoéléments que ça…

Jawad, 4 mois, ancien prématuré de 32 SA nourri au sein, est adressé aux urgences par son médecin pour une éruption cutanée du cou et du visage depuis 3 semaines….

La présentation clinique

Les lésions ont débuté par un érythème au niveau du cou. Un traitement local par émollient n’a pas permis l’amélioration des lésions, et des vésicules recouvertes de croûtes mélicériques sont apparues. Devant l’hypothèse d’un eczéma surinfecté, un traitement oral par antibiotiques locaux a été débuté, sans succès. Depuis 1 semaine, il présente également une diarrhée avec stagnation pondérale. A l’examen, l’enfant est grognon avec des lésions inflammatoires et desquamantes au niveau du visage ainsi que du siège et des pieds (figure 1). Il est apyrétique, n’a pas de signe de déshydratation et n’a pas d’adénopathie périphérique pathologique.

Le diagnostic

Il s’agit de lésions cutanées liées à un déficit acquis en zinc, chez un ancien prématuré.

Les déficits en zinc

Le zinc est un des oligoéléments les plus importants chez l’Homme, par ses actions catalytiques, structurales et régulatrices. Il est essentiel pour la croissance et le développement.

Un déficit en zinc peut se voir chez un enfant ayant des carences nutritionnelles ou une malabsorption digestive (ex. maladies inflammatoires intestinales, mucoviscidose), mais le prématuré est particulièrement à risque à cause de ses faibles réserves, d’une consommation importante, et d’une faible absorption par immaturité digestive. Il se voit alors en général chez le nourrisson exclusivement nourri au sein, car la concentration en zinc du lait maternel est faible et diminue au cours de l’allaitement, même lorsque la mère a une zincémie normale.

Le déficit en zinc peut aussi être dû à une maladie génétique : l’acrodermatite entéropathique. C’est une maladie autosomique récessive liée à des mutations du gène SLC39A4 sur le chromosome 8q24.3. Ce gène est exprimé à la surface des entérocytes au niveau du grêle et du côlon (sites d’absorption du zinc), et code pour une protéine de la famille des transporteurs transmembranaires des ions métalliques tels que le zinc. Le déficit en zinc est alors lié à un bloc partiel de l’absorption intestinale du zinc.

Le déficit en zinc chez l’enfant entraîne une éruption cutanée caractéristique. Il s’agit de lésions érythémateuses puis vésiculo-bulleuses, pustuleuses, hyperkératosiques, distribuées symétriquement autour des orifices et au niveau des extrémités. Elles s’accompagnent de lésions muqueuses à type de gingivite, stomatite et glossite, et d’anomalies des phanères : cheveux ternes, voire alopécie. L’enfant est souvent grognon et photophobe. Une diarrhée est fréquemment associée.

Le diagnostic repose sur un taux plasmatique du zinc effondré (20 à 40 % de la normale). L’activité de la phosphatase alcaline plasmatique est abaissée parallèlement à l’hypozincémie et se corrige avec elle sous traitement. C’est ce dernier dosage qui sera obtenu le plus rapidement donc à demander en premier lieu afin de guider au mieux la prise en charge.

La prise en charge

Le traitement repose sur la supplémentation en zinc. En cas de carence acquise, le sulfate de zinc doit être donné à la dose d’environ 1 mg/kg/j jusqu’à la diversification.
Dans la forme congénitale, il faut donner 200 mg/j et le traitement ne doit jamais être interrompu. Son effet est spectaculaire, avec amélioration clinique en quelques jours.

En savoir plus…


Publié

dans

par