Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

Les sociétés nord-américaines et européennes ont récemment publié des recommandations conjointes de diagnostic et prise en charge du reflux gastro-œsophagien (RGO) de l’enfant. Les principaux éléments de ces recommandations sont détaillés ci‑après.

Définition

Les auteurs rappellent la définition du reflux gastro-œsophagien : le passage du contenu gastrique dans l’œsophage avec ou sans régurgitations ou vomissements. Le RGO est un processus physiologique normal qui peut survenir plusieurs fois/jour chez des enfants ou adultes sains. La plupart des épisodes durent moins de 3 minutes, surviennent en période postprandiale et sont asymptomatiques. À l’inverse, la « maladie RGO » (ou GERD, gastrooesophageal reflux disease) est à l’origine de symptômes et/ou de complications.

Diagnostic

Chez le nourrisson et le jeune enfant, il n’y a pas de symptômes ou de combinaison de symptômes qui permettent de faire le diagnostic de GERD ou de ses complications. À l’inverse, le diagnostic peut être clinique chez le grand enfant et chez l’adulte.
La pHmétrie éventuellement associée à l’impédancemétrie permet de faire le diagnostic de RGO, mais attention, la sévérité du reflux acide n’est pas corrélée avec la sévérité des symptômes ou des complications. Cet examen peut être intéressant pour monitorer l’efficacité des antiacides sous traitement, et en cas de symptomatologie asthmatiforme dans laquelle le GERD pourrait aggraver les symptômes.
Chez le grand enfant et l’adolescent avec des symptômes évocateurs, les experts confirment qu’un test thérapeutique empirique de 4 semaines par inhibiteurs de la pompe à protons peut être proposé.

Traitement

Mesures hygiéno-diététiques

Chez le nourrisson nourri avec une formule infantile, les experts recommandent l’utilisation d’une formule épaissie. Un test de 2 à 4 semaines avec un hydrolysat poussé peut être proposé en cas de pleurs ou de vomissements inexpliqués. La position de couchage sur le dos semble être la plus sûre jusqu’à 12 mois.
Chez l’enfant plus grand et l’adolescent, l’obésité, des repas trop copieux peuvent favoriser les symptômes. Dormir avec la tête surélevée ou en position ventrale ou latérale peut aider, tout comme chez l’adulte.

Traitement pharmacologique

Les inhibiteurs de la pompe à protons sont les plus efficaces. Attention cependant à ne pas les utiliser de façon prolongée et à utiliser la dose thérapeutique efficace la plus faible. Le risque de pneumopathie et d’infection gastro-intestinale doit être considéré lors du traitement.
Les anti-H2 peuvent aussi être utilisés, mais sont à l’origine de tolérance (nécessité d’augmenter la dose pour avoir le même effet) et de tachyphylaxie.
Les alginates peuvent être utilisés temporairement, mais en l’absence de GERD. Attention à leur utilisation chez le nourrisson.

Le traitement chirurgical

Les indications d’un traitement chirurgical anti-reflux sont chez l’enfant :
– l’échec d’un traitement médical bien conduit,
– la dépendance à un traitement médical au long terme,
– la non-adhérence au traitement médical,
– les fausses routes.
Attention avant la chirurgie à confirmer le GERD et à en rechercher les complications. Les familles doivent être bien informées des risques de la chirurgie, et de celui de récidive du reflux.

Les symptômes, l’évaluation et la prise en charge des enfants

Chez le nourrisson, en cas de RGO non compliqué, la prise en charge consiste en de la réassurance et de l’accompagnement des parents. L’utilisation d’une formule infantile épaissie en l’absence d’allaitement maternel est recommandée.
En cas d’insuffisance de prise pondérale associée à des vomissements, un bilan associant NFS, un ionogramme sanguin, une créatinine sérique et une analyse d’urine doit être fait. Un traitement par hydrolysat poussé de PLV ou formule amino-acide peut être tenté 2 à 4 semaines chez l’enfant non allaité. Des mesures diététiques comme l’enrichissement des biberons et leur épaississement sont également recommandées. En l’absence d’amélioration, un avis de gastroentérologiste pédiatre est conseillé.
Le GERD n’est pas une cause fréquente de pleurs inexpliqués ou d’irritabilité. Dans ce cas, il faut rechercher une allergie aux protéines du lait de vache, une infection, des problèmes neurologiques ou une constipation. Il n’y a en revanche pas d’indication à utiliser en première intention et de façon empirique les IPP pour un enfant irritable. En l’absence d’amélioration, cela peut cependant être testé.
La survenue de vomissements ou de régurgitations chroniques chez l’enfant de plus de 18 mois n’est pas fréquente. Il est dans ce cas important de rechercher un autre diagnostic que celui de GERD et de prendre l’avis d’un pédiatre spécialisé.
Dans les situations d’œsophagite liée au GERD, les auteurs proposent la prescription d’IPP pendant 3 mois puis un arrêt. La surveillance doit être clinique et éventuellement endoscopique. Le traitement dépend ensuite de l’évolution. En cas d’œsophagite de Barrett, les IPP sont prescrits de façon prolongée et les contrôles récurrents, selon les recommandations adultes.
La dysphagie, l’odynophagie et le refus alimentaire peuvent survenir en cas de problèmes oraux ou œsophagiens de différentes natures : neurologique, inflammatoire, moteur, psychologique, etc. Dans ces cas, l’œsophagite à éosinophiles est en particulier à rechercher, tout comme les autres causes d’œsophagites, de troubles moteurs œsophagiens, d’ulcères, etc. Un traitement empirique sans bilan préalable n’est pas recommandé dans ces situations.
Chez les patients asthmatiques, les trois situations reconnues par les experts pour tenter un traitement par IPP sont :
– les patients asthmatiques non contrôlés, stéroïdes dépendants,
– les patients asthmatiques avec douleurs rétrosternales,
– les patients asthmatiques ayant des symptômes nocturnes.
Une pHmétrie/impédancemétrie est bienvenue et recommandée dans les autres situations, ce d’autant qu’un traitement prolongé est envisagé. Les pneumopathies récurrentes et maladies pulmonaires interstitielles peuvent compliquer un RGO par inhalation du contenu gastrique. Le rôle du reflux est difficile à mettre en évidence, mais un traitement éventuellement chirurgical peut être discuté dans ces situations.
À l’inverse, les données associant les symptômes respiratoires supérieurs (otites, toux, sinusites, etc.) au RGO ne sont pas suffisamment validées et des examens complémentaires sont nécessaires en cas de suspicion clinique. Les érosions dentaires sont fréquentes en cas de GERD, surtout chez les enfants encéphalopathes. Cependant, d’autres facteurs comme la consommation de jus, la boulimie ou des facteurs génétiques peuvent aussi favoriser ces lésions.
Enfin, le syndrome de Sandifer est peu fréquent, mais évolue favorablement sous traitement anti-reflux.


Références

  • Vandenplas Y, Rudolph CD, Di Lorenzo C et al. North American Society for Pediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition, European Society for Pediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition. Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines: joint recommendations of the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (NASPGHAN) and the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN). J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009 ; 49 : 498-547.

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