RGO du nourrisson

Un symposium, organisé le 23 janvier par le laboratoire Menarini lors des 13e Rencontres de Pédiatrie Pratique, et modéré par les Professeurs Dominique Turck et Patrick Tounian, a permis de faire le point sur les aspects pratiques de la prise en charge du RGO du nourrisson et son diagnostic différentiel.

1 – RGO : quelle prise en charge ?

Mesures diététiques et la position de l’enfant

  • L’épaississement des biberons a-t-il un intérêt ?
    L’épaississement du biberon réduit la fréquence et la sévérité des régurgitations, sans avoir d’incidence sur l’index acide de reflux. La diarrhée est le seul effet indésirable rapporté avec la caroube.
  • Les autres mesures diététiques ne sont pas justifiées
    – fractionnement des repas,
    – laits acidifiés ou riches en caséine,
    – diversification précoce,
    – exclusion de certains aliments (type jus de fruits, chocolat, menthe…).
  • La position de l’enfant
    – La position ventrale ou le décubitus latéral gauche réduisent les reflux acides, mais sont fortement déconseillés (risque de mort subite).
    – Pour la position proclive, la littérature ne rapporte pas de différence significative avec la position horizontale, et même une tendance à l’aggravation (mais les études sont biaisées : le Babyrelax provoque un pli abdominal). Elle peut être conseillée pour rassurer la famille.

La prise en charge médicamenteuse

  • Parmi les antiacides, un seul, le Gaviscon®, a été bien étudié, avec des résultats favorables (Miller, Curr Med Res Opin 1999 ; Buts et al., Eur J Pediatr 1987) : réduction des régurgitations et amélioration significative de l’index acide en pH-métrie (biais ? sa viscosité le fait coller à la sonde…). Mais il ne paraît pas indispensable dans le traitement du RGO.
  • Parmi les 4 prokinétiques disponibles : le Motilium® n’est pas efficace ; le Prépulsid® l’est modérément, mais est peu utilisable en pratique ; le Primpéran® est modérément efficace, avec des effets indésirables, donc à utiliser au cas par cas ; l’Urécholine® est efficace (Euler et al., J Pediatr 1980) mais contre-indiquée chez l’enfant asthmatique.
  • Parmi les antisécrétoires : la cimétidinea obtenu l’AMM pour les oesophagites à tout âge (les autres anti-H2 n’ont pas d’indication dans ce cadre). Pour les IPP : l’oméprazole peut être donné dans les oesophagites (enfants > 1 an) ; l’ésoméprazole a également cette indication, ainsi que le traitement du RGO (> 1 an).

En pratique

  • Devant un RGO isolé
    1. Rassurer les parents.
    2. Epaissir le lait.
    3. Puis, si nécessaire, donner du Primpéran® ou de l’Urécholine®.
  • Devant un RGO avec pleurs, malaise, manifestations ORL et respiratoires
    1. Traiter ces symptômes.
    2. Si inefficace, rechercher une autre cause (pH-métrie). Une épreuve thérapeutique du RGO est possible d’emblée, mais elle peut avoir un effet placebo.
    Attention, les pleurs sont souvent à l’origine d’une prescription abusive d’IPP !
  • Devant une suspicion de RGO compliqué
    1. Explorer d’emblée : endoscopie si oesophagite, pH-métrie si autres complications.
    2. Traiter par antisécrétoire ± prokinétique.
  • Comment prescrire un IPP ?
    En cas d’oesophagite ou de RGO authentifiés : 2 à 3 mois de traitement, puis tester l’arrêt du traitement. Si les symptômes récidivent, on peut reprendre l’IPP après pH-métrie. Il est déconseillé de poursuivre le traitement sur plusieurs années (risque d’infection digestive et respiratoire, ou de polypes gastriques par hypertrophie des cellules pariétales), sauf pour des terrains particuliers (polyhandicaps ou atrésie de l’oesophage).

2 – Tout nourrisson qui vomit est-il un “reflueur” ?

Un reflux ou un vomissement chez le nourrisson peut être révélateur d’une autre pathologie, comme l’a montré Marc Bellaïche à travers quelques cas cliniques, avec deux messages essentiels :

Un RGO ne fait pas maigrir !

Devant une symptomatologie de reflux associée à une hypotrophie, ne pas se contenter d’un diagnostic de RGO, mais rechercher une autre pathologie, en particulier une maladie cœliaque (IgA antitransglutaminase). Une étude récente a en effet montré que 53 % des enfants atteints de maladie cœliaque présentaient des vomissements réguliers (Rashid et al., Pediatrics 2005).

Toux émétisante : attention aux mucolytiques !

Les agents mucolytiques, en particulier l’acétylcystéine, sont non seulement inefficaces dans la rhinopharyngite du nourrisson, comme le montre une méta-analyse récente (Cochrane Database, nov. 2008), mais ils peuvent aussi être iatrogènes : en agissant aussi sur le mucus gastrique, ils fragilisent la muqueuse gastrique. Et les antitussifs ne font pas mieux que le miel (Paul, Arch Pediatr Adolesc Med, 2007) !
Ces traitements sont donc inutiles dans la toux du nourrisson.

3 – RGO ou APLV ?

Quand penser à une APLV ?

  • Le contexte
    – Rechercher une histoire atopique familiale.
    – Lors de l’examen clinique, repérer eczéma et sécheresse de la peau (si associés à des vomissements : l’APLV est très probable).
  • Les tests
    – Les tests cutanés (skin prick tests) sont possibles, mais en pratique souvent négatifs.
    – Le dosage des IgE totales est inutile, faire un dosage des IgE spécifiques.
    – Les patchs tests sont faciles à réaliser et peuvent être faits d’emblée (bonne efficacité car le lait est en contact plus longtemps sur une peau de bébé très perméable).

Quel régime alimentaire ?

  • En cas d’allaitement
    Il doit être poursuivi. Une APLV est possible car les protéines de vache consommées par la mère sont présentes dans le lait. Si le patch test avec le lait de la mère est positif, lui conseiller un régime mais pas trop restrictif (sans lait et laitages ; viande et beurre sont en général possibles).
  • Dans les autres cas
    On prescrit des hydrolysats poussés. En cas d’échec, les formules d’acides aminés se discutent. Le lait de soja est déconseillé avant l’âge de 6 mois.

Faut-il traiter les régurgitations ?

Les médicaments anti-reflux peuvent être utiles dans la mesure où ils permettent d’apporter un confort pour l’enfant et sa famille.

Quelle évolution ?

  • Une APLV Ig-E médiée est souvent plus durable ; les précautions à prendre doivent être identiques à tout régime d’élimination.
  • Non Ig-E médiée, elle a tendance à disparaître avant la fin de la première année.

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