“Spleen” abdominal

Carla est âgée de 4 ans, sans antécédent particulier en dehors d’une notion vague de douleurs abdominales occasionnelles de durée brève et de résolution simple.
Bon développement staturo-pondéral.
Adressée aux urgences par son médecin traitant pour des douleurs de la fosse iliaque gauche évoluant depuis 24 h avec des vomissements alimentaires et arrêt du transit. Il existe un fébricule à 38° C.
L’hypothèse d’appendicite est évoquée.

L’examen clinique à l’arrivée aux urgences

Température à 37,9° C.
Enfant algique, sans signe de sepsis. L’examen abdominal retrouve une sensibilité diffuse avec météorisme et une défense au niveau de la fosse iliaque gauche, sans organomégalie, ni anomalie des aires herniaires.

Le bilan biologique

On retrouve un syndrome inflammatoire marqué, avec une CRP à 102 mg/dl et 19 000 leucocytes avec une prédominance de polynucléaires neutrophiles.
L’hémoglobine est à 10,2 g/dl, et le bilan hépatique est normal.

Les explorations

(Figures 1 et 2)

  • L’échographie abdominale, gênée par une aérocolie diffuse, met en évidence un épanchement liquidien intra-péritonéal du Morrison, avec une rate augmentée de volume descendant en fosse iliaque gauche.
  • Un scanner est réalisé avec injection. Celui-ci confirme la situation aberrante de la rate, qui est dans le flanc en avant de l’angle colique gauche. Il existe une image hypodense d’enroulement de l’axe splénique, il n’y a pas de signe d’hypertension portale ni d’inflammation mésentérique. Le diagnostic d’une torsion du pédicule splénique, sur rate “errante”, est posé.
  • L’absence de tout flux splénique à l’échographie-Doppler a motivé une chirurgie en extrême urgence. A l’exploration, une torsion du pédicule splénique sur 360° dans le sens horaire, sans zone de nécrose, a été constatée.

La détorsion et le réchauffement de la rate ont permis sa recoloration au bout de quatre minutes. Une splénopexie est ensuite réalisée par une bandelette amarrée à la paroi, qui cravate la rate par son milieu en passant en dessous du hile.

La rate errante isolée…

La rate errante isolée (syndrome malformatif exclu : le Prune-Belly Syndrome, par exemple) est une situation rare.

Son diagnostic rapide permet une prise en charge chirurgicale conservatrice précoce.

La rate errante (Wandering spleen) est de composition normale, mais il existe un défaut embryologique de fusion péritonéale du mésogastre postérieur, à l’origine des points de fixations ligamentaires habituels (ligament phrénico-colique spléno-gastrique, et spléno-rénal).
De ce fait, la rate peut changer de position dans l’abdomen.

Le diagnostic est le plus souvent posé devant :

  • la découverte fortuite d’une masse abdominale ou pelvienne asymptomatique ;
  • ou devant des douleurs abdominales récurrentes, traduisant des sub-torsions du pédicule splénique spontanément résolutif.

Le scénario clinique habituel est celui de douleurs abdominales à début brutal, évoluant par paroxysmes associées à un tableau sub-occlusif. Le volvulus de la rate peut se compliquer d’un infarctus splénique en cas de torsion pédiculaire complète, comme dans notre cas, ou d’une occlusion du grêle ou du colon par une compression du pédicule splénique (1).

En imagerie, l’échographie oriente le diagnostic en révélant l’existence d’une masse solide d’échostructure caractéristique du tissu splénique avec un vide de l’hypochondre gauche. Selon le degré de torsion, voire de nécrose, tous les aspects sont possibles : hyperéchogène, hypoéchogène, hétérogène. Le Doppler pulsé précise le flux dans le pédicule splénique (2). En TDM, l’analyse du parenchyme splénique démontre un rehaussement variable après injection : hétérogène, ou périphérique capsulaire, ou bien absent en cas d’infarctus. La torsion du pédicule peut se traduire par un aspect d’enroulement (3).

Lorsque le diagnostic de rate errante est posé, l’indication opératoire est formelle. L’absence de nécrose splénique et la reperfusion du parenchyme splénique après détorsion permet un traitement conservateur. Une fois la manoeuvre de détorsion effectuée, la rate est replacée dans l’hypochondre gauche et l’on procède alors à sa fixation : splénopexie.

La splénectomie n’a de place qu’en cas de nécrose splénique, thrombose veineuse ou hypersplénisme.

 

Pour en savoir plus


Publié

dans

par

Étiquettes :