Un nourrisson obèse ne doit pas inquiéter

Cas clinique

Pierre, 15 mois, 78 cm pour 15 kg, est amené en consultation par ses parents. Il a été exclusivement allaité pendant les 3 premiers mois, puis nourri avec un lait infantile. La diversification a été débutée à 5 mois. Son père est de corpulence normale, sa mère est en surcharge pondérale et inquiète face à l’obésité de son enfant. La mère trouve qu’il a un trop bon appétit, et craignant la persistance de l’obésité ultérieurement, voudrait agir dès maintenant.

Recommandations

80 % des enfants gros avant 2 ans ne le restent pas à l’âge adulte1. Même lorsque l’un des deux parents est en surcharge pondérale, la majorité (60 %) de ces nourrissons retrouve un poids normal 20 ans plus tard1. Cette évolution est spontanée, elle ne repose sur aucune intervention diététique. La première recommandation est donc de ne rien faire ! On ne peut pas assurer aux parents que leur enfant ne restera pas gros, mais aucune intervention à cet âge précoce n’a prouvé son efficacité pour prévenir l’obésité à l’âge adulte2. Il faut donc rassurer les parents : d’abord en leur rappelant que l’enfant a plus de chance de ne pas rester gros à l’âge adulte que de l’être, même si l’un de ses parents l’est, mais aussi et surtout qu’aucune mesure efficace n’existe à cet âge.

Signes à repérer

Le meilleur signe prédictif de la survenue d’une obésité ultérieure est la précocité de l’âge de rebond de l’indice de masse corporelle (IMC). Physiologiquement, l’IMC augmente jusqu’au 1 an de l’enfant, puis diminue entre 1 et 6 ans, pour remonter ensuite. Un rebond physiologique normal a donc lieu à 6 ans. Chez les personnes obèses, ce rebond a lieu avant, vers 3 ans pour les filles et 5 ans pour les garçons3. Il est donc indispensable de ne rien faire, mais d’attendre ce rebond en surveillant l’IMC. Si ce rebond précoce intervient, des mesures peuvent alors être envisagées : réduire les calories ingérées, en favorisant l’activité physique en tout genre, mais en restant très humble, car il n’a jamais été démontré qu’une prise en charge précoce (dès 3-4 ans) était efficace à long terme2.

Évolution du cas clinique

Chez les jeunes enfants obèses, avant 5 ans, seuls 1/3 restent gros à l’âge adulte. Lorsqu’il existe un antécédent parental, ce chiffre passe à 50 %1. Cela signifie donc que la majorité des enfants gros à 5 ans, qu’ils aient ou non un parent obèse, vont perdre leur surcharge pondérale spontanément dans les années qui suivent. La mise en place de mesures diététiques est donc le plus souvent inutile !

Conclusion

L’évolution spontanée de l’obésité du nourrisson est le plus souvent favorable. Aucune mesure n’a démontré son efficacité chez le nourrisson et chez le jeune enfant dans la prévention ultérieure de l’obésité à l’âge adulte. Ni l’allaitement (qu’il faut cependant encourager), ni la réduction des protéines ingérées, ni la modification de l’âge de la diversification4, ni la réduction des apports en sucres5.


1. Whitaker RC, Wright JA, Pepe MS et al. Predicting obesity in young adulthood from childhood and parental obesity. N Engl J Med 1997 ; 337 : 869-73.
2. Tounian P. Programming towards childhood obesity. Ann Nutr Metab 2011 ; 58 : 30‑41.
3. Rolland-Cachera MF, Deheeger M, Bellisle F et al. Adiposity rebound in children: a simple indicator for predicting obesity. Am J Clin Nutr 1984 ; 39 : 129-35.
4. Moorcroft KE, Marshall JL, McCormicj FM. Association between timing of introducing solid foods and obesity in infancy and childhood: a systematic review. Matern Child Nutr 2011 ; 7 : 3-26.
5. Anderson GH. Sugars, sweetness, and food intake. Am J Clin Nutr 1995 ; 62 :195S-201S.


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