Vitamine D

Le rachitisme carentiel : de nouveau d’actualité ?

Le rachitisme de l’enfant, maladie du squelette liée à un défaut de minéralisation du tissu osseux nouvellement formé, a été traité dès le XVIIIe siècle par l’administration d’huile de foie de morue, également utilisée en prévention de la maladie (Dale Perceval). Un peu plus tard, Armand Rousseau montre que le soleil a un effet bénéfique sur la prévention du rachitisme. Au début du XXe siècle, la vitamine D antirachitique est découverte, puis son précurseur, formé au niveau de l’épiderme sous l’action du soleil, est identifié.

Dès lors, la vitamine D devient plus facile à administrer, sa synthèse ayant été réalisée en 1952 par Woodward (ce qui lui valut un prix Nobel de chimie).

Par la suite, l’enrichissement des laits infantiles, puis les suppléments donnés aux nouveau-nés et aux enfants d’une façon systématique ont entraîné la quasi-disparition des cas de rachitisme.

Cependant, on parle actuellement de recrudescence du rachitisme carentiel. Ces dernières années, malgré la supplémentation, plusieurs cas ont été décrits. Ainsi, aux Etats-Unis, entre 1986 et 2003, 166 cas de rachitisme ont été rapportés alors qu’on notait seulement 65 cas entre 1975 et 1985. Des cas ont également été rapportés dans la population des enfants de la communauté noire nourris au sein (2).

Connaître la vitamine D (1)

La vitamine D existe sous deux formes : la vitamine D2 ou ergocalciférol et la vitamine D3 ou cholécalciférol. La vitamine D2 est apportée en petite quantité par des aliments végétaux, et la vitamine D3 par des aliments d’origine animale, essentiellement les poissons gras (tableau 1). Elles sont absorbées, comme toutes les vitamines liposolubles, au niveau de l’intestin grêle grâce aux sels biliaires.

Mais la vitamine D3 est surtout produite au niveau de l’épiderme sous l’action des rayons UVB du soleil à partir du cholestérol. Au total, environ 80 % de la vitamine D présente dans l’organisme provient de la synthèse cutanée.

Une fois absorbée ou synthétisée, la vitamine D subit deux hydroxylations successives : dans le foie en 25 hydroxyvitamine D3, ou 25(OH) D3, puis dans le rein pour donner la forme biologiquement active, la 1-25(OH)2D3 ou calcitriol. La vitamine D, liposoluble, est stockée dans le tissu adipeux et le muscle.

  • De multiples rôles

Le mécanisme d’action de la vitamine D est assez complexe. Si l’activité la plus connue est celle de son action sur le métabolisme osseux, la vitamine D intervient aussi dans d’autres fonctions de l’organisme, car ses récepteurs sont présents dans la plupart des tissus et elle intervient dans la régulation de nombreux gènes. Ainsi, la vitamine D est impliquée dans la différenciation et la prolifération cellulaire et l’apoptose, l’angiogenèse, l’immunomodulation, la sécrétion de l’insuline ou encore de la rénine…

• Un impact sur l’os

La vitamine D, par le biais de son métabolite actif la 1-25(OH)2D3, stimule l’absorption intestinale du calcium, favorisant la minéralisation osseuse. Un déficit a pour conséquences des pathologies osseuses liées un défaut de minéralisation : rachitisme chez l’enfant et ostéomalacie chez l’adulte.

• Une action sur l’immunité

L’action de la vitamine D est étudiée dans les infections et dans certaines maladies auto-immunes, comme le diabète de type I (3).

On constate, par exemple, que la grippe saisonnière est plus fréquente en hiver au moment où l’ensoleillement est le plus bas.

Il existe au niveau des macrophages des récepteurs à la vitamine D dont la stimulation est à l’origine de la production de cathélicidine, peptide impliqué dans la destruction de M Tuberculosis. C’est pourquoi on a longtemps soigné la tuberculose par l’exposition au soleil dans les centres de sanatorium.

Les zones peu ensoleillées sont plus propices au développement du diabète de type I chez l’enfant. Pour se prémunir du diabète de type I, il vaut mieux vivre dans le sud : ainsi, un enfant vivant en Finlande a environ 400 fois plus de risques de présenter un diabète qu’un enfant du Venezuela. La vitamine D agit sur l’expression du récepteur de l’insuline en le stimulant et agit sur le transport de glucose en réponse à l’insuline (4).

Chez l’enfant, certaines études ont montré un effet préventif dans le diabète de type 1, les épisodes de sifflements expiratoires et les infections respiratoires aiguës (5-7).
A suivre…

Evaluer le statut vitaminique D : le dosage de la 25(OH)D

Le statut vitaminique D est évalué par le dosage sanguin de la 25-hydroxyvitamine D, 25(OH)D, substrat pour la formation de la 1-25(OH)2D3 (métabolite actif).

Le statut normal en vitamine D a été défini par la moyenne ± 2 écarts-types des valeurs de 25(OH)D relevées dans une population de sujets bien portants, soit de 25 à 137,5 nmol/l pour les populations européennes et nord-américaines.

  • Chez l’enfant (1)

• le seuil déterminant un risque de minéralisation osseuse insuffisante est fixé à 50 nmol/l ;

• une carence est définie par la valeur seuil de 30 nmol/l ;

• le rachitisme s’observe le plus souvent au dessous de 20 nmol/l.

Mais des cas de rachitisme ont été rapportés avec des taux de 25(OH)D inférieurs à 40 à 45 nmol/l.

Pour obtenir des taux de 25(OH)D supérieur au seuil de 50 nmol/l, l’apport quotidien de vitamine D, toutes sources confondues (alimentaires et photosynthèse) doit être de 1 000 UI (1).

Chez le nouveau-né exclusivement allaité, le statut vitaminique dépend entièrement de celui de la mère (il est considéré comme suffisant uniquement les 6 premières semaines, à la condition que le stock maternel soit correct) ; d’où la nécessité d’une supplémentation. Si l’allaitement exclusif se poursuit, une supplémentation est également nécessaire, le lait maternel contenant assez peu de vitamine D

(voir encadré).

Chez les bébés nourris avec des laits infantiles, la supplémentation reste nécessaire, mais dans une moindre mesure (voir encadré), car tous sont enrichis en vitamine D : la dose est réglementée et fixée à 40 à 100 UI/100 kcal (26-65 UI/100 ml) pour les préparations pour nourrissons, et 40 à 120 UI/100 kcal (26-78/100 ml) pour les préparations de suite.

  • Des déficits ou carences fréquents

Chez l’enfant, en Europe, en hiver et au début du printemps, des concentrations très basses sont observées :

• en France, 10 à 40 % des enfants et adolescents ont en hiver une concentration de 25(OH)D inférieure à 25 nmol/l, avec une augmentation de la PTH.

• une étude dans la région de Rouen, montre que l’absence fréquente de toute supplémentation hivernale est à l’origine de concentrations sériques de 25(OH)D < 25 nmol/l chez 6 % des enfants ;

• et en Europe du Nord, plus d’un tiers des adolescents ont des concentrations basses de 25(OH)D inférieures à 30 nmol/l en hiver.

Quels sont les facteurs de risque de déficit ?

• La vitamine D est, pour environ 80 %, issue de la biosynthèse cutanée sous l’effet des rayonnements UVB. Il peut y avoir une limitation de la synthèse cutanée chez les personnes à peau foncée, selon la latitude, avec l’utilisation régulière de crèmes solaires….

Les nourrissons sont peu exposés au soleil, ce qui explique les doses de supplémentation nécessaires (voir encadré).

• On observe un déficit en vitamine D chez les prématurés avec allaitement maternel exclusif ou chez les nourrissons exclusivement allaités si la mère est déficitaire en vitamine D.

• Chez l’enfant, il faut rechercher de possibles apports alimentaires faibles en vitamine D (alimentation lactée et diversification).

• Il faut vérifier le bon suivi des recommandations de supplémentation médicamenteuse en vitamine D (voir encadré).

• Il faut enfin rechercher un déficit en vitamine D en cas de traitement par certains anticonvulsivants (phénobarbital ou phénytoïne) ou par rifampicine, et en cas de malabsorption.

Il est important de penser à une carence en vitamine D devant : un retard de croissance, un retard psychomoteur, des crampes, une fatigabilité, une hyperexcitabilité neuromusculaire avec irritabilité, mais également devant des facteurs de risques et chez les enfants à peau foncée.

Conclusion

Les bons statuts nutritionnels, en particulier de la vitamine D, ne sont toujours pas atteints dans nos pays industrialisés.

Penser à supplémenter permet à l’enfant un bon développement osseux, et potentiellement une prévention de maladies infectieuses.

Pour en savoir plus …


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