Peut-on agir avec les prébiotiques sur l’homéostasie de l’enfant ?

Très médiatisés depuis quelques années, les prébiotiques sont aussi présents dans des études de plus en plus nombreuses montrant leurs bienfaits à long terme. Le point sur les dernières études publiées et les indications.

Qu’appelle-t-on prébiotiques ?

Les prébiotiques sont des substrats ou ingrédients alimentaires non digestibles composés d’hydrates de carbone à chaîne courte non digérés dans l’intestin grêle. On dit qu’ils sont indigestes, car ils ne sont ni hydrolysés, ni absorbés dans la partie supérieure du tractus gastro-intestinal. Ils arrivent non transformés dans le côlon et se comportent comme des substrats pour la flore bactérienne avec l’action d’une fermentation sélective par un nombre limité de bactéries potentiellement bénéfiques dans le côlon. Ils sont capables de modifier positivement la composition de la microflore en stimulant la croissance et/ou l’activité des bifidobactéries et Lactobacillus déjà présents dans les intestins avec, comme conséquence, des bénéfices pour le bien-être et la santé de l’hôte [1]. Contrairement aux probiotiques, ce ne sont pas des organismes vivants. Leur action est complémentaire de celle des fibres alimentaires et des probiotiques.

Qui sont-ils ?

Il en existe plusieurs :

l’inuline et les inules de type fructanes : l’oligofructose ou FOS ou fructo-oligosaccharides sont les plus représentés dans notre alimentation ;

les GOS ou galacto-oligosaccharides et transgalactosides qui peuvent être associés dans un mélange GOS-FOS, surtout utilisé dans les aliments de nourrissons et d’enfants ;

le lactulose : c’est un disaccharide de synthèse utilisé comme remède surtout dans le traitement de la constipation ;

les oligosaccharides du lait maternel.

Ce sont des réservoirs en hydrates de carbone présents dans beaucoup de plantes dont certains légumes. Ils sont consommés en plus grande quantité en Europe où l’on considère qu’une alimentation équilibrée apporte 3 à 11 g de prébiotiques naturels, comparativement à l’alimentation des personnes vivant aux USA qui n’en apporte que 1 à 4 g. Pour Van Loo, il faudrait les prendre en compte dans les tables de composition des aliments et dans les recommandations des apports nutritionnels d’inuline et d’oligofructose [2].

Où les trouve-t-on ?

Dans le lait maternel

Il est à noter que le lait de femme, contrairement au lait de vache, est riche en oligosaccharides donc prébiotiques, appartenant à la catégorie des glucides, avec environ 5 à 8 g par litre [3].

Dans les aliments et leurs dérivés

La plupart des prébiotiques sont des glucides d’origine végétale : ail, artichaut, asperge, betterave, chicorée, endive, oignon, poireaux, fruits (banane) et céréales (seigle, avoine, blé), le soja. On peut en extraire des tubercules de chicorée.

Dans les préparations industrielles

Les fructo-oligosaccharides (FOS) sont produits soit par hydrolyse de l’inuline, soit par biosynthèse à partir de saccharose et de fructose ou à partir de plantes comme la chicorée, le soja ou les fibres alimentaires. Ils sont ajoutés à des aliments comme les produits lactés. On les trouve aussi dans des laits pour enfants ou des compléments alimentaires.

Les prébiotiques ont des effets secondaires limités

Du fait de la fermentation bactérienne des oligosaccharides prébiotiques, il se forme des gaz comme le dihydrogène ou le méthane qui peuvent, si le dosage est trop élevé, provoquer des ballonnements, des diarrhées et des douleurs abdominales.

Des effets positifs sur les diarrhées, les infections et les allergies

Chez le nouveau-né allaité

Dans le lait de femme, les prébiotiques sont des oligosaccharides qui contiennent du galactose, on les appelle galacto-oligosaccharides ou GOS. Au nombre de 100, leur rôle consiste surtout à favoriser la flore intestinale du nouveau-né allaité dès le troisième jour après sa naissance. Leur action permet de limiter les E. coli et les bactéroïdes [4].

Cet effet bénéfique sur l’équilibre de la flore du nouveau-né est complété par un renforcement de la barrière intestinale [5] et de l’immunité intestinale par action sur le développement du système immunitaire et une résistance au développement de bactéries pathogènes par un milieu présentant un pH plus acide.

Lors des diarrhées aiguës, on a pu montrer le rôle bénéfique des oligosaccharides chez les enfants qui avaient un allaitement maternel. Les oligosaccharides humains naturels du lait maternel (OHM) ont un effet bifidogène prouvé et on a pu montrer des actions associées à une protection contre les diarrhées [6].

Dans une étude prospective présentée à l’ESPGHAN à Dresde en juin 2006, Bruzzese et al. ont comparé, dans un travail italien multicentrique sur une durée de 12 mois, le nombre d’infections digestives ou respiratoires chez 136 nourrissons âgés de 15 à 120 jours recevant une formule enrichie avec 8 g d’oligosaccharides, 90 % de GOS à chaîne courte et 10 % de FOS à chaîne longue, à celui de 145 nourrissons recevant une formule standard non enrichie. Les résultats montrent une réduction très significative des épisodes de diarrhée aiguë entre les deux groupes au bénéfice de celui enrichi en prébiotiques.En complément, il est également apparu, chez ceux recevant une formule supplémentée en prébiotiques, une réduction des infections respiratoires hautes avec une réduction du recours aux antibiotiques [7].

En alimentation artificielle

Des études ont montré leur intérêt dans l’atopie. L’essai prospectif en double aveugle randomisé avec placebo, portant sur 259 nourrissons à risque d’atopie, a montré un net avantage de l’introduction de prébiotiques dans les biberons sur le développement de la dermatite atopique.

Un effet booster sur les bifidobactéries

La supplémentation en prébiotiques a alors été associée à un nombre plus important de développement des bifidobactéries fécales [8]. Plusieurs études intéressantes ont montré que la substitution de laits artificiels par un mélange associant des FOS et GOS pour se rapprocher de la composition des oligosaccharides humains naturels a entraîné une augmentation significative avec un effet dose-dépendant des bifidobactéries des selles et rapproche le microbiote intestinal des enfants prématurés de celui des enfants allaités [9].

Une meilleure absorption du calcium et du magnésium

Les modifications du pH entraînent une meilleure solubilité des minéraux et des oligoéléments comme le calcium et le magnésium. L’étude de Van den Heuvel montre une stimulation de l’absorption de calcium chez les adolescents [10].

Les prébiotiques et les activités endocrines intestinales [11]

Au sein de l’épithélium colique, on trouve des cellules spécialisées appelées cellules L qui produisent des peptides à activité hormonale, en particulier le GLP-1 (glucagon like peptide 1) qui appartient au groupe des incrétines. Il a un rôle important dans la régulation de la glycémie, © canovass de l’insulinémie et de la résistance à l’insuline. Delzenne [12] et son équipe ont montré que les prébiotiques sont capables d’induire une différenciation des cellules L avec une augmentation du nombre par unité de surface de l’épithélium, entraînant une augmentation significative de la production de GLP-1, de même que sa concentration dans la veine porte. Le GLP-1 a un effet anorexigène avec impact cérébral du fait de la connexion connue entre le nerf vague qui relie le cerveau entérique et le noyau arqué de l’hypothalamus. Par la suite, cette équipe s’est attachée à montrer l’effet satiétogène de l’inuline. Il est à noter qu’en diabétologie les analogues du GLP-1 sont utilisés pour leurs effets satiétogènes et bénéfiques pour la perte de poids.

Des études expérimentales portant sur des souris rendues obèses par un régime riche en graisses ont montré que l’augmentation du poids corporel et aussi du tissu adipeux était corrélée de manière négative avec l’importance des bifidobactéries au sein du côlon. En a découlé la notion d’endotoxémie métabolique, inflammation chronique de bas grade liée à l’action des lipopolysaccharides bactériens, qui serait responsable de troubles métaboliques avec insulino-résistance et possible développement d’une obésité. Les lipopolysaccharides (LPS) représentent le composé principal de la membrane des bactéries Gram négatif. Une augmentation de la concentration sérique de LPS a été démontrée chez les animaux obèses et diabétiques, ainsi que chez l’homme. L’endotoxémie est corrélée avec l’absorption de graisses chez l’homme sain, contribuant à l’augmentation sérique des cytokines inflammatoires, et participe aussi à l’augmentation de la perméabilité intestinale [13].

L’étude d’Abrams [14] a porté sur 97 adolescents randomisés pour recevoir soit l’inuline, soit un placebo. Elle a montré que l’inuline pouvait avoir une action bénéfique sur l’évolution du poids. Sur une année, les adolescents ayant reçu un supplément prébiotique avaient pris moins de poids, accumulé moins de graisses et avaient un IMC moindre.

Une étude rapportée en 2014 [15] a montré chez 219 enfants d’âge moyen de 6,8 ± 1,3 ans) une corrélation entre l’augmentation de l’endotoxémie métabolique mesurée par le dosage de la lipopolysaccharidebinding protéine (LBP), le fait d’être obèse ou la présence d’une apnée obstructive du sommeil. Les enfants obèses cumulant une apnée obstructive du sommeil avaient les taux les plus élevés de LBP.

Conclusion

L’intérêt pour l’écosystème colique est grandissant. L’apport de prébiotiques pour rééquilibrer le microbiote dans le cadre de l’amélioration de la sensibilité à l’insuline et une diminution de l’adiposité est une piste très prometteuse [16]. Des études encourageantes ont déjà été menées [17]. Il n’y a pas de congrès national ou international en nutrition et en diabétologie qui n’ait un symposium sur ce sujet. Il semble ainsi que l’épithélium colique a une fonction dans la régulation des grands systèmes métaboliques, ce qui peut envisager d’agir à son niveau pour prévenir chez l’enfant certaines maladies métaboliques comme le diabète et la prise de poids ou pour mieux les stabiliser quand elles ont débuté.

  • Il est important de noter que les prébiotiques influencent la composition de la flore et stimulent la sécrétion d’hormones intestinales, les incrétines qui ont leur importance.
  • Pour les enfants, pourquoi ne pas introduire des prébiotiques dans l’alimentation et faire en sorte que leur alimentation soit plutôt de type méditerranéen qu’américanisé ?
  • Il faut retenir que ce qui déstabilise le microbiote est une alimentation grasse ! Et que l’abus de produits sucrés est un bon engrais pour booster le développement du candida, déséquilibre possiblement responsable de fringale au sucre.

Références

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec NHS.


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