Le retard de croissance intra-utérine

Le retard de croissance intra-utérine (RCIU) est un diagnostic parfois difficile à poser. En effet, tous les nouveau-nés hypotrophes, appelés aussi “petits pour l’âge gestationnel” (SGA) par les Anglo-Saxons, ne sont pas des RCIU, et tous les RCIU ne sont pas hypotrophes.

Mesurer la croissance d’un nouveau-né de petit poids

Les courbes utilisées à la naissance s’appellent les “courbes néonatales anthropométriques”. Elles couvrent les âges gestationnels entre 23-24 SA et 41-42 SA. En France, ce sont Les courbes de Mamelle et al. qui font référence (1).
Les courbes néonatales anthropométriques doivent servir uniquement à caractériser le poids du bébé à la naissance. Elles ne doivent pas être utilisées pour suivre la croissance foetale. De même, elles ne devraient pas être utilisées pour suivre la croissance post-natale des nouveau-nés prématurés…, même si, en pratique, c’est souvent le cas dans les unités de néonatologie (2).

Un nouveau-né est défini comme “petit pour l’âge gestationnel” (SGA) si son poids de naissance est inférieur au 3e ou au 10e percentile d’une courbe de référence.
A noter que le percentile inférieur varie selon les auteurs et les études. Il n’existe aucun consensus dans la littérature sur le percentile inférieur à adopter.
Récemment, le groupe de recherche européen MOSAIC a mis en évidence un continuum entre la limite inférieure que l’on choisit pour définir les SGA et l’augmentation de la morbidité à long terme (3).
Tout au long de cet article, nous prendrons comme limite inférieure le 10e percentile parce que c’est le plus utilisé dans la littérature internationale.
Cette définition est purement descriptive et ne veut pas forcément dire qu’il y a un processus pathologique sous-jacent. En effet, parmi les enfants petits pour l’âge gestationnel, certains sont constitutionnellement petits, et ne nécessitent aucune investigation complémentaire, et d’autres ont subi une restriction de croissance foetale.
Le retard de croissance foetale implique la survenue d’un processus pathologique qui empêche le foetus d’atteindre son potentiel de croissance génétiquement déterminé. Dire qu’un foetus ou un nouveau-né a subi un RCIU suppose d’en faire le diagnostic et de trouver une cause.

Comment faire le diagnostic de retard de croissance intra-utérine ?

Le diagnostic peut se faire en anténatal ou en postnatal.

Le diagnostic anténatal
Le diagnostic de RCIU se fait, en anténatal, par le suivi échographique.
Il permet :

1. L’estimation du poids foetal (EPF)
Il est calculé d’après les mesures de biométrie foetale. L’erreur moyenne peut aller de 10 à 25 %. La pertinence de cette mesure est très dépendante de la détermination de l’âge gestationnel.
L’étude de l’EPF au cours des différents examens échographiques permet de dépister un RCIU lorsqu’il y a fléchissement de la croissance.

2. L’examen Doppler des artères utérines
Le Doppler permet de dépister les RCIU d’origine placentaire.
L’obstétricien recherchera des incisures protodiastoliques ou notch, signes précoces témoignant d’une augmentation de la résistance placentaire. Dire qu’un foetus ou un nouveau-né a subi un RCIU suppose d’en faire le diagnostic et de trouver une cause.
Les autres mesures Doppler sur les artères ombilicales, cérébrales ou les systèmes veineux vont permettre la surveillance de l’adaptation et du bien-être foetal.
En cas de mauvaise tolérance foetale, l’accouchement peut être provoqué.

3. L’examen de la morphologie foetale
Il peut amener à diagnostiquer des anomalies génétiques, elle-mêmes pourvoyeuses de RCIU.

Le diagnostic postnatal
Le diagnostic de RCIU est parfois difficile à faire en postnatal. Le pédiatre doit y penser chaque fois que le nouveau-né est d’un petit poids de naissance (SGA).

  • L’anamnèse de la grossesse et l’analyse de l’évolution de la biométrie foetale sont particulièrement instructives.
  • De même, une asymétrie dans les mensurations postnatales peut orienter vers un RCIU tardif durant la grossesse.
  • Mais il est tout à fait possible d’avoir un nouveau-né entre le 10e et le 90e percentile et ayant subi un retard de croissance foetale. En effet, certains nouveau-nés peuvent ne pas atteindre leur plein potentiel de croissance, mais maintenir un poids de naissance entre le 10e et le 90e percentile.

Pour les diagnostiquer, il peut être intéressant d’utiliser des courbes de croissance personnalisées.
Ces courbes, développées en France lors de l’étude AUDIPOG, vont prendre en compte les déterminants physiologiques les plus importants de la croissance foetale que sont :
• le sexe de l’enfant ;
• l’âge gestationnel ;
• le poids de la mère avant la grossesse, sa taille et son âge ;
• et le rang de naissance de l’enfant.

Ces facteurs sont pondérés par un algorithme mathématique qui permet de tracer une courbe de croissance personnalisée de ce nouveauné. La courbe indique les 90e, 50e et 3e percentiles du patient en fonction de son potentiel de croissance (4)
Bien que contestées dans la littérature, ces courbes permettent de visualiser le potentiel de croissance d’un enfant donné. Croisées avec les courbes néonatales anthropométriques de référence, elles permettent de distinguer les nouveaunés SGA et RCIU des nouveau-nés constitutionnellement petits.
Elles permettent par ailleurs de distinguer les patients avec un poids adapté pour l’âge gestationnel mais avec retard de croissance foetale.

Les causes des retards de croissance intra-utérine

Les causes de retard de croissance foetale sont classiquement divisées en trois grands groupes (5) :

1. Les causes maternelles
Elles regroupent les maladies maternelles chroniques pouvant avoir un impact sur la croissance foetale (l’insuffisance rénale, le lupus, l’hypertension artérielle chronique…). On y inclut aussi tout état de dénutrition chronique pendant la grossesse, ainsi que la consommation durant la grossesse de substances toxiques (tabac, drogues…).

2. Les causes placentaires
Elles regroupent toutes les anomalies relatives à la perfusion placentaire (par ex. pré-éclampsie).

3. Les causes foetales
Elles incluent :
• un grand nombre d’anomalies génétiques qui s’accompagnent d’un retard de croissance foetale (trisomies 13, 18, 21, syndrome de Turner, syndrome de Russell-Silver, syndrome de Seckel…) ;
• les infections foeto-placentaires (rubéole, toxoplasmose, CMV…).
Une combinaison de deux, voire trois causes, est bien sûr possible.

Les conséquences d’un retard de croissance intra-utérine

Les conséquences à court terme
Les nouveau-nés identifiés comme ayant subi un retard de croissance foetale doivent bénéficier d’une surveillance postnatale rapprochée.

Ils sont plus à risque de développer :
• des hypoglycémies néonatales (a fortiori s’ils sont hypotrophes) ;
• des troubles de la régulation thermique ;
• une hypocalcémie ;
• et une thrombocytopénie.
De plus, du fait de l’hypoxie chronique, ils ont souvent un taux d’hémoglobine élevé qui les rend plus à risque d’ictère symptomatique.

Les conséquences à moyen terme
Le retard de croissance foetale constitue, chez les nouveau-nés prématurés (< 32 SA), un facteur de mauvais pronostic.
En effet. Ils sont plus à risque de décès en période néonatale et de développer des complications majeures de la prématurité que sont :
• l’entérocolite ulcéro-nécrosante ;
• la rétinopathie du prématuré ;
• et la dysplasie bronchopulmonaire (3).

Les conséquences à long terme
Les conséquences à long terme d’un retard de croissance foetale ont été mises en évidence par David J.P. Barker, à l’origine de la célèbre “Hypothèse de Barker” (6) : le statut nutritionnel durant la vie foetale et la petite enfance induit des modifications dans l’expression de certains gènes qui vont influencer la réponse métabolique à l’âge adulte.
Ainsi, un patient avec RCIU va avoir un plus grand risque de développer, à l’âge adulte, des maladies chroniques telles que des maladies coronariennes, des accidents vasculaires cérébraux, un diabète de type 2 ou une hypertension artérielle.
Ce risque est exacerbé chez les patients avec un faible gain de poids avant 2 ans, suivi d’une rapide prise de poids durant l’enfance.

Conclusion

Le retard de croissance foetale est une pathologie pluridisciplinaire dans son diagnostic et sa prise en charge.
• L’obstétricien doit être à même de faire le diagnostic par la qualité de son suivi échographique. Il initiera la recherche étiologique du RCIU en s’attachant à infirmer/confirmer une cause placentaire et/ou maternelle.
• Le néonatologue va confirmer le diagnostic en différenciant le RCIU d’un nouveau-né constitutionnellement petit. Il pourra s’aider des courbes personnalisées. Il va aussi poursuivre la recherche étiologique, notamment des causes foetales. Des investigations génétiques sont souvent demandées dans les formes graves sans causes évidentes. Il s’attachera aussi à traiter les conséquences à cours et moyen terme.
• Enfin le pédiatre qui suit l’enfant avec RCIU va s’efforcer d’obtenir une croissance staturo-pondérale harmonieuse, régulière et sans excès, afin de limiter les conséquences métaboliques à long terme.

Pour en savoir plus…


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