Pathologies ORL et microbiote

Les études très poussées du microbiote intestinal ont mis à jour son importance dans l’immunité de l’hôte. Il est avéré que la dysbiose peut être à l’origine de différentes pathologies comme les infections, les allergies, certains troubles métaboliques, et qu’agir sur la flore intestinale permet de stimuler les défenses de l’organisme. Chez les enfants, agir sur cette flore intestinale peut prévenir et participer au traitement des pathologies ORL. L’immunonutrition est ainsi un nouveau concept de traitement, et pré- et probiotiques sont des acteurs principaux de ce système.

 

L’intestin : premier organe lymphoïde de l’organisme

L’étude du microbiote intestinal a permis de mettre à jour une véritable organisation entre l’hôte et les bactéries contenues dans le tube digestif, qui est le reflet de l’adaptation évolutive de l’homme à son environnement. L’interface représenté par l’épithélium intestinal se fait sur une surface déployée sur 300 à 400 m2 chez l’adulte, avec une épaisseur cellulaire de 40 μ entre l’organisme et le microbiote.

Un organisme humain contient en nombre dix fois plus de bactéries que de cellules eucaryotes qui le composent, et 50 % du poids des selles est constitué de bactéries.

Ainsi, l’intestin est un véritable organe, une sorte de deuxième “cerveau”. Il est le premier organe lymphoïde de l’organisme et contient environ 70 % des cellules immunitaires lymphoïdes de l’organisme.

Il est prouvé que la perturbation du microbiote, appelé “dysbiose”, peut être à l’origine de maladies, essentiellement en rapport avec l’immunité, comme les infections, l’allergie et l’autoimmunité. Les pré- et probiotiques agissent sur le microbiote intestinal.

Qu’appelle-t-on pré-et probiotiques ?

  • Les probiotiques

Ils sont définis comme « des micro-organismes vivants non pathogènes, qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent une influence positive sur la santé ou la physiologie de l’hôte » (Rapport RAO/OMS, octobre 2001).

Les probiotiques sont principalement des bactéries lactiques. C’est en 1907 qu’Elie Metchnikoff, Prix Nobel, établit une relation entre la longévité des Bulgares et leur consommation de produits laitiers fermentés.

Ils ont des effets souches-spécifiques.

> Leur effet principal se situe sur le système immunitaire, les réactions dépendant du statut immunologique initial de l’hôte. Certains probiotiques ont la capacité de raccourcir la durée d’évolution des épisodes infectieux chez le sujet sain en stimulant la réponse immunitaire : production accrue d’immunoglobuline (IgA) et de cytokines, augmentation du nombre des cellules immunocompétentes, stimulation de la phagocytose.

> Certaines souches réduisent la durée de la diarrhée consécutive à un traitement antibiotique et améliorent les symptômes. L’effet est surtout net pour les diarrhées à rotavirus.

> Ils exercent un rôle trophique sur la muqueuse intestinale et aident à la maintenir fonctionnelle. L’effet est positif dans la maladie de Crohn ou l’inflammation chronique de l’intestin.

  • Les prébiotiques

Ce sont « des substrats ou ingrédients alimentaires non digestibles qui atteignent le côlon et influencent positivement l’hôte ». Ils stimulent de façon spécifique la croissance et/ou l’activité d’une ou plusieurs bactéries coliques, considérées comme bénéfiques pour la santé.

Leur action est complémentaire à celle des fibres alimentaires et des probiotiques.

La plupart des prébiotiques sont des glucides d’origine végétale ou synthétique. Ainsi, les fructanes sont des polymères du fructose parmi lesquels on trouve l’inuline, présente dans plusieurs végétaux (oignon, aïl, échalotes, asperges, artichauts, bananes, betterave, certaines céréales…). On peut aussi l’extraire du lait maternel, des tubercules de chicorée, artichauts, topinambours, tomates. Les fructo-oligosaccharides (FOS) sont produits soit par hydrolyse de l’inuline, soit par biosynthèse à partir de saccharose et de fructose.

L’action des prébiotiques sur la flore intestinale

> Les prébiotiques modulent l’équilibre entre les populations bactériennes dominantes.

> Ils agissent en augmentant sélectivement la concentration fécale des bactéries produisant de l’acide lactique : les bifidobactéries chez l’homme. L’effet persiste pendant toute la période que dure l’ingestion du produit, puis diminue progressivement à son arrêt.

> Ils augmentent la résistance à la colonisation par des micro-organismes pathogènes.

> Ils participent à la modification du pH intestinal. Les acides organiques produits par les bifidobactéries abaissent le pH intestinal, ce qui crée un climat défavorable à la prolifération des germes pathogènes.

> Ils exercent des effets sur les activités enzymatiques de la flore.

> Ils ont une action positive sur l’effet barrière ; on évoque une stimulation des capacités de défense de la barrière intestinale.

> Ils ont des effets sur les diarrhées infectieuses de l’enfant. Les prébiotiques permettent de limiter les symptômes associés, comme la fièvre, et améliorent le bien-être pendant les épisodes diarrhéiques.

Les études sur les pré/probiotiques et infections ORL chez l’enfant

  • Une réduction du nombre d’épisodes infectieux des voies respiratoires

L’étude multicentrique randomisée de Bruzzese (1), réalisée chez 342 nourrissons âgés de 54 ± 32 jours, a suivi sur 12 mois deux groupes d’enfants : les uns nourris avec une formule supplémentée en prébiotiques GOS/FOS 0,4 g/100 ml (n = 169), les autres recevant un lait standard (n = 173). Les résultats sont nets : le pourcentage de nourrissons ayant eu au moins un épisode de diarrhée aiguë est de 23,8 % avec une formule standard versus 10,4 % avec une formule avec prébiotiques (p = 0,01) ; parmi les nourrissons ayant eu au moins une infection des voies respiratoires supérieures, davantage de nourissons revevant la formule standard ont eu des épisodes récurrents (au moins 3 en 1 an) par rapport à la formule prébiotiques (p = 0,006) ; et le pourcentage de nourrissons ayant eu au moins 2 traitements antibiotiques est de 60 % avec une formule standard versus 40 % avec la formule avec prébiotiques (p = 0,004).

  • Une réduction des symptômes liés à influenza, de leur durée et de l’absentéisme

L’apport quotidien d’une association de 2 probiotiques (Lactobacillus acidophilus et Bifidobacterium animalis subsp lactis) a permis, chez 326 enfants âgés de 3 à 5 ans en bonne santé, une diminution de la survenue et des signes cliniques des rhumes et grippes par rapport aux enfants sous placebo : diminution de la fièvre (p = 0,0009), de la rhinorrhée (p = 0,03), de la toux (p = 0,005), de leur durée (p < 0,001), du recours aux antibiotiques (p < 0,0001) et de l’absentéisme (p < 0,001) (2).

  • Une réduction de la fréquence des infections respiratoires et de leur sévérité dans les garderies (3-5)

Une étude Finlandaise a évalué 571 enfants en bonne santé âgés de 1 an à 6 ans, issus de 18 centres. Il s’agissait d’une étude en double aveugle contre placebo, sur une durée de 7 mois, évaluant l’intérêt d’un lait enrichi en Lactobacillus. La consommation moyenne des enfants était de 260 ml de lait/j, soit enrichi en Lactobacillus soit non enrichi. Dans le groupe des enfants avec lait enrichi en probiotiques on observe moins d’absences à la garderie, une réduction du nombre d’enfants souffrant d’infections respiratoires de 17 %, et des prescriptions moindres de 19 %.

  • La réduction des diarrhées post-antibiotiques (6-8)

Il est incontestable que l’enfant peut potentiellement recevoir fréquemment des traitements antibiotiques du fait d’infections ORL, et les pédiatres ont tous été confrontés à la survenue d’une diarrhée qui peut fragiliser l’enfant. De la méta-analyse réalisée par Bradley et al., on retient l’intérêt de l’utilisation des probiotiques en association au traitement antibiotique, et leur innocuité. Dans l’étude de Corrêa et al., portant sur 157 enfants âgés de 6 mois à 3 ans, on note une différence significative de l’incidence des diarrhées post-antibiotiques : 16 % avec les probiotiques contre 31 % avec le placebo.

Conclusion

Le microbiote, la “flore intestinale”, est un acteur central de l’immunité, qu’il faut donc prendre en compte pour la prévention et le traitement de certaines pathologies.

Chez l’enfant qui présente des épisodes infectieux itératifs, il faut penser à agir sur le microbiote pour améliorer les défenses naturelles, raccourcir la durée des épisodes infectieux et limiter l’effet des antibiotiques. Les pré- et probiotiques, apportés par l’alimentation ou sous forme de compléments alimentaires, bénéficient d’une innocuité, puisqu’aucune toxicité n’a été rapportée à ce jour. On évitera cependant par principe leur emploi chez les enfants prématurés, en attendant les nouvelles études, chez les enfants immunodéprimés et ceux sous nutrition parentérale.

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