Que penser des édulcorants ?

Un édulcorant est une substance qui donne une saveur douce. Si, communément, on associe le terme édulcorant à une saveur sucrée pauvre en calories, il désigne aussi les édulcorants à pouvoir nutritif, comme les sucres naturels. Leur consommation a exponentiellement augmenté ces 20 dernières années et il faut se poser la question de l’imputabilité de leur forte consommation dans l’augmentation de la “diabésité” et des allergies chez les enfants et adolescents.

Les édulcorants se sont imposés…

Ils sont partout, via les produits industrialisés.

Au début : plutôt un progrès

L’introduction des édulcorants non sucrés a représenté un réel progrès pour les diabétiques, surtout pour les enfants ou ceux qui avaient du mal, dans un premier temps, à se déshabituer du goût du sucré lors des régimes de restriction pondérale. Mais, actuellement, ils peuvent être consommés presque quotidiennement par des enfants et des adolescents qui n’ont aucun problème de poids ou de diabète, souvent sous l’injonction des parents.

Une trop large diffusion

Parallèlement, les boissons, sodas et aliments industriels avec sucres ajoutés ont envahi les rayons des supermarchés. Ces boissons sont souvent moins chères qu’une bouteille d’eau ! Cela représente une consommation quasi quotidienne pour un grand nombre d’enfants et de jeunes.

Des questions

Actuellement, on consomme plus d’édulcorants cachés que d’édulcorants d’ajout. Leur consommation courante chez des enfants en bonne santé peut-elle être délétère ? Qu’en est-il pour les femmes enceintes ? La saturation par le goût sucré ne serait-elle pas responsable d’une baisse de la densité nutritionnelle de l’alimentation ? Peuvent-ils être responsables de l’augmentation de l’IMC et des allergies chez l’enfant, peut-être via une modification de la flore intestinale ?

Le pouvoir sucrant des édulcorants

Il est défini en référence à celui du saccharose (le sucre de table) dont la valeur est fixée à 1. Chacune de ces molécules stimule des cellules sensorielles différentes et les messages qui sont transmis au cerveau varient de l’une à l’autre. Elles ont un goût spécifique que l’on peut détecter ; il n’y a pas de molécule édulcorante qui recrée un goût parfaitement identique à celui du saccharose.

Que penser des édulcorants intenses ?

Sont-ils toxiques ?

Plusieurs études ont montré que l’aspartame, qui avait été pointé du doigt, serait sans danger aux niveaux usuels de consommation. Mais une étude de l’Université de Calcutta a montré des modifications des brins d’ADN de la moelle osseuse de souris ayant consommé plusieurs édulcorants. Affaire à suivre…

Diminuent-ils l’apport calorique total de la ration ?

Attention à la compensation. Une partie des calories manquantes est compensée par une augmentation partielle ou totale de la consommation au cours du repas suivant. Certains travaux ont rapporté une stimulation paradoxale de l’appétit et de la prise alimentaire après ingestion de produits édulcorés.

Chez l’enfant et l’adolescent, comme montré chez le rat, la consommation d’aliments allégés conduit automatiquement à une compensation calorique les repas suivants. Chez l’adulte la compensation n’est pas totale. Dans une population non suivie, consommer des produits édulcorés n’induit pas obligatoirement des apports énergétiques moindres, la consommation des aliments contenant des édulcorants est souvent déculpabilisante.

Ont-ils un effet bénéfique sur le poids ?

Des études cliniques ont montré que l’utilisation des édulcorants intenses chez les patients en surcharge permet une meilleure adhésion au régime et un meilleur maintien du poids perdu, même après quelques années. Mais il s’agit de patients suivis, donc cadrés.

L’équipe de l’Hôtel-Dieu à Paris a étudié une sous-population de l’étude SUVIMAX choisie au hasard, et a comparé des consommateurs d’édulcorants à faible teneur en sucre à des non-consommateurs. Les paramètres anthropométriques et biologiques sont apparus moins favorables chez les consommateurs de produits à faible teneur en sucre. Ils sont plus lourds et ont une glycémie et des triglycérides plus élevés par rapport aux non-consommateurs. Consomment-ils des édulcorants car ils sont en surpoids ? Seraient-ils plus gros s’ils n’en consommaient pas ? Sont-ils addicts au goût sucré, avec une consommation d’édulcorants affichée pour se cacher ou cacher une consommation globale plus élevée dont celle des produits sucrés ?

Ils entretiennent un “bec sucré”

Les édulcorants entretiennent l’appétence vis-à-vis des sucres simples. Pour Gérard Apfeldorfer, les aliments et boissons édulcorés semblent réveiller la faim au lieu de la calmer… Ils peuvent conduire à manger des aliments non allégés.

Prônons une utilisation raisonnée des édulcorants intenses

Dans les régimes du diabétique et du surpoids, on doit bien expliquer qu’ils font partie d’un plan alimentaire global destiné à baisser l’apport glucidique et/ou l’apport énergétique. Sinon, ce ne sont que des leurres déculpabilisants, véritables chevaux de Troie pour déstabiliser toute la ration.

S’ils ne font pas maigrir, il est vrai que la consommation des édulcorants chez les diabétiques, quand elle est bien intégrée dans l’équilibre alimentaire, permet de varier les desserts, à condition de ne pas oublier les fruits même s’ils sont conseillés en quantité limitée du fait de leur apport en glucides. On permet les édulcorants, mais en échange de l’introduction des légumes et fruits.

Attention chez la femme enceinte

La consommation d’édulcorants a été notée comme favorisant des accouchements prématurés avant la 32e semaine de grossesse.

Que penser du fructose ?

Le fructose ajouté dans les boissons sucrées est de plus en plus mis en cause dans les études (il ne s’agit pas du fructose naturel des fruits). Les constats suivants doivent faire réduire sa consommation, en particulier chez nos jeunes patients :

Ceux qui boivent des sodas mangent mal

Plusieurs enquêtes ont montré que la consommation de sodas est plus souvent associée à une alimentation riche en fritures, desserts sucrés, pauvre en légumes, fruits, lait, et à des comportements sédentaires.

Il a aussi été montré que les adolescents ayant la consommation de boissons sucrées la plus élevée étaient plus susceptibles de fumer et de boire de l’alcool que les adolescents ayant la plus basse consommation de boissons sucrées.

IMC et tour de taille plus élevés

La consommation de boissons sucrées est corrélée à un IMC et un tour de taille plus élevés. En Californie, l’action des pouvoirs publics de limiter leur consommation semble avoir fait régresser l’obésité chez les enfants.

Un risque cardiométabolique

La consommation de boissons et sodas au fructose augmente le risque cardiométabolique chez les enfants : augmentation des triglycérides, de la lipogenèse, de la pression artérielle, surtout systolique, du taux d’acide urique, des marqueurs de l’inflammation, de l’index de résistance HOMA (homeostatic model assessment), et baisse de la concentration de HDL-cholestérol.

Un impact sur le foie ?

Consommé en quantité importante, le fructose peut induire un véritable syndrome NASH (non alcoholic steato-hepatitis).

Une addiction ?

Par un mécanisme neurobiologique proche de celui provoqué par l’éthanol, le fructose semble induire un comportement d’addiction.

Conclusion : si on les aidait à grandir…

On constate souvent, lors de nos consultations, que lorsque l’on réduit puis supprime la consommation d’édulcorants chez un patient, l’alimentation se diversifie et s’équilibre mieux, avec consommation quotidienne optimisée de légumes et de fruits. Comme si le goût s’était libéré du goût sucré inné de l’enfance, pour passer au goût adulte permettant la recherche des aliments plus adaptés aux exigences de l’organisme devenu adulte.

Finalement, la consommation d’édulcorants n’est-elle pas une immense “restriction cognitive” pour la population, avec des effets délétères sur le comportement alimentaire et une coupure avec la nature ? “

 

Pour en savoir plus …


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