Autisme : les bonnes conduites

Présentation générale de l’autisme

La clinique

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) se caractérise par deux dimensions :

  • une première dimension impliquant les interactions sociales et la communication ;
  • et une seconde dimension impliquant des comportements répétitifs (1).

Les deux dimensions doivent être altérées pour porter le diagnostic de TSA. En effet, si seule la dimension sociale est altérée, un diagnostic de trouble de la communication sociale peut alors être porté (1), ce qui n’est pas sans importance pour le pronostic. En effet, une étude portant sur l’évolution de l’autisme rapporte que la dimension des comportements répétitifs est celle qui montre le moins de progrès au cours du temps (2).
Les altérations de la dimension “interactions sociales et communication” se caractérisent notamment par (3) :

  • une qualité altérée du contact oculaire (par exemple regard fuyant, voire absent) ;
  • une diminution du sourire social (sourire en réponse à une interaction) ;
  • un manque d’intérêt pour les autres enfants (par exemple isolement, pas de jeu de groupe, mauvaise tolérance de l’approche d’un pair, etc.) ;
  • un manque de partage du plaisir avec autrui ;
  • un manque d’expression faciale émotionnelle ou des expressions qui ne sont pas en accord avec le contexte (comme rire alors que le contexte est triste) ;
  • un manque de pointage (pour désigner quelque chose ou pour exprimer un souhait) ;
  • un manque d’imitation (aussi bien concernant les actions de tous les jours comme la conduite automobile que les grimaces) ;
  • un manque de jeu imaginatif (capacité à se mettre à la place de quelqu’un pour le faire interagir avec son environnement, par exemple imaginer les réactions du conducteur d’une voiture en fonction d’un scénario).

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. Les symptômes présentés dépendent par exemple du niveau de langage et de l’efficience cognitive. Ainsi, l’absence de réciprocité dans la conversation est également un symptôme d’altération de la communication (3).
Concernant la dimension des comportements répétés, on retrouve aussi bien des intérêts sensoriels envahissants que des rituels ou des intérêts restreints (c’est-à-dire une tendance à ne s’intéresser qu’à un seul domaine spécifique en ignorant les autres) (3). Là encore, la nature des symptômes dépendra du niveau verbal et de l’efficience cognitive.
Une quantité suffisante de symptômes dans chaque dimension doit être présente pour porter le diagnostic de TSA. Il n’existe cependant pas de nombre seuil de symptômes, les patients se situant plutôt sur ce spectre qu’est l’autisme avec des symptômes plus ou moins marqués et nombreux, et une frontière floue entre le normal et le pathologique. Certaines échelles, dont il sera question plus bas, ont été développées avec des scores seuils, permettant d’aider le clinicien à résoudre la question de la présence ou de l’absence de TSA dans les cas limites. Néanmoins, le diagnostic doit reposer principalement sur l’impression clinique.

Données épidémiologiques d’intérêt

Le TSA touche approximativement 1 % de la population même si certaines études récentes sur de vastes échantillons situent la prévalence autour de 2 % (4). Il est associé dans près de 45 % à une déficience cognitive et à une régression développementale dans près de 30 % des cas, le plus souvent autour de 18 mois (4). Selon qu’une déficience sera présente ou non, le pronostic sera évidemment différent.
Le TSA est une pathologie affectant l’enfant dès son plus jeune âge. Il est habituellement possible de porter un diagnostic à partir de 18 mois, avant cela les différences entre enfants au développement typique et enfants souffrant de TSA sont souvent ténues (5, 6). Des études portant d’ailleurs sur des outils diagnostiques précoces (à 4 ou 9 mois) ne retrouvaient des niveaux de sensibilité (qui correspondent à la probabilité que le test soit positif si la maladie est présente) que d’environ 20 % à 4 mois et 35 % à 9 mois (avec des spécificités de l’ordre de 99 %) avec des valeurs prédictives positives de l’ordre de 25 % (7) montrant toute la difficulté du diagnostic très précoce. Néanmoins, des prises en charge comportementales aussi précoces que possible semblent améliorer le pronostic à court terme des enfants possiblement souffrant de trouble du spectre de l’autisme, même si des limites méthodologiques découlant de la difficulté du diagnostic très précoce existent (8, 9). De plus, des études portant sur les bénéfices à l’âge adulte des prises en charge s’étant faites précocement manquent toujours à ce jour.

Dernières recommandations concernant le dépistage du trouble du spectre de l’autisme

Premier niveau

Très récemment, en février 2018, la Haute autorité de santé (HAS) a publié sur son site de nouvelles recommandations quant au dépistage des TSA (10). Ces recommandations s’articulent selon trois niveaux de spécialisation : le premier niveau correspondant aux professionnels de la petite enfance, notamment les médecins généralistes et les pédiatres libéraux. Le deuxième niveau comprenant les centres médicopsychologiques (CMP) et les pédiatres hospitaliers et enfin le troisième niveau comprenant les centres ressources autismes ou encore les neuropédiatres.
Bien que la HAS insiste à juste titre sur les difficultés diagnostiques avant l’âge de 18 mois comme nous l’avons également fait plus haut, elle note néanmoins l’importance de prendre en considération l’inquiétude des parents quant à un trouble du développement (concernant notamment le langage) et l’apparition de régression dans le développement psychomoteur de l’enfant. À partir de 18 mois, les difficultés relationnelles telles que d’engagement relationnel, des difficultés de réciprocité ou de réactivité sociale, des difficultés dans le jeu symbolique et imitatif et des troubles du langage doivent alerter sur la possibilité d’un TSA chez le patient. Par la suite, dès la 2e ou 3e année, les symptômes d’intérêt sont ceux décrits plus haut.
Ainsi, un dépistage systématique de TSA n’est pas indiqué dans la population générale. Seuls les enfants présentant des signes d’alerte (les frères et sœurs d’enfant souffrant de TSA, les enfants présentant des anomalies génétiques particulières ou ceux nés de façon prématurée ou dont la grossesse a été marquée par des facteurs de risque de troubles du neurodéveloppement (anti-épileptiques, toxiques…) devront bénéficier d’un dépistage au travers d’outils comme la M-CHAT (Modified Checklist for Autism on Toddlers) ou la SRS (Social Responsiveness Scale) qui sont des échelles à remplir par les parents et sont donc très peu chronophages pour le clinicien. Si un risque est confirmé, une consultation auprès d’un professionnel de deuxième ligne est recommandée. Nous rajouterons, bien que cela ne soit pas indiqué par la HAS, qu’un doute de la part d’un professionnel de premier niveau devrait amener à demander un avis auprès d’un professionnel de deuxième niveau, en particulier quand le praticien n’est pas en possession de ces échelles (M-CHAT et SRS).
Il est important de noter que la mise en place des premiers éléments de bilan (ORL, ophtalmologique, orthophonique, psychomoteur) doit être réalisée dès que possible, en parallèle avec la sollicitation de professionnels de deuxième ligne.

Deuxième niveau

Il est important de noter que toute structure de deuxième niveau (CMP ou service de pédiatrie hospitalier), à partir du moment où elle a les compétences requises et suit les recommandations, peut poser un diagnostic de TSA. Si une structure n’a pas les moyens de poser un diagnostic, elle doit orienter le patient vers une structure plus compétente.
Le diagnostic de TSA est un diagnostic clinique, et il est possible de le poser à partir de 18 mois selon les critères du DSM-5. Il doit s’agir d’un diagnostic médical qui peut s’appuyer sur des éléments de bilans neuropsychologiques ou paramédicaux (orthophoniques par exemple). S’il est indispensable d’utiliser des outils standardisés, ceux-ci ne sont néanmoins qu’une aide au jugement clinique.
Le diagnostic ne relève pas d’une structure de troisième ligne pour la majorité des cas, ceux-ci doivent concentrer leurs efforts sur les situations diagnostiques complexes, qui sont, pour la HAS :
– diagnostic différentiel à établir ;
– troubles associés multiples ;
– tableau atypique, retard mental profond, intrication avec des troubles psychiatriques ;
– désaccord diagnostique.

Évaluation diagnostique

L’évaluation diagnostique doit comporter au minimum :

  • une anamnèse développementale détaillée ;
  • une vérification de l’audition et de la vision ;
  • un examen pédiatrique complet ;
  • une observation clinique en situation d’interaction avec le patient (peut être aidée par la Childhood Autism Rating Scale – CARS, ou l’Autism Diagnostic Observation Schedule – ADOS) ;
  • un examen du langage au moyen d’outils standardisés ;
  • un examen des capacités adaptatives du patient au moyen notamment de l’échelle Vineland ;
  • un examen des fonctions psychomotrices ;
  • un examen sensoriel.

La HAS rappelle que le DSM-5 souligne que « les symptômes de TSA doivent être présents dès la petite enfance mais ils peuvent ne se manifester pleinement que lorsque la limitation des capacités empêche de répondre aux exigences sociales ». Ainsi, un diagnostic avant 18 mois est particulièrement difficile et chez l’adolescent, il doit pouvoir reposer sur une histoire développementale.

D’éventuels troubles associés

Qu’ils soient “somatiques” ou psychiatriques, ils doivent être dépistés. Pour cela, doivent être renseignés :

  • l’histoire de la grossesse et de l’accouchement ;
  • l’histoire du développement du patient ;
  • les antécédents médicaux ;
  • l’examen clinique (psychiatrique et pédiatrique, en particulier neuro-pédiatrique) ;
  • l’examen ORL et ophtalmologique.

Ces éléments doivent être complétés par d’autres examens (EEG, IRM avec spectroscopie, génétique, neurométabolique).

Un diagnostic étiologique

Un diagnostic étiologique (génétique par exemple) doit également être mené, même s’il n’aboutit pas, pour permettre aux parents d’obtenir une réponse sur les origines des troubles de leur enfant.

Diagnostics différentiels

Parmi les diagnostics différentiels que permettront de mettre en lumière ces examens, nous pouvons noter :

  • les troubles sensoriels (surdité, cécité) ;
  • le trouble réactionnel de l’attachement ;
  • le trouble de la communication sociale ;
  • le retard de développement (global ou de l’efficience intellectuelle) ;
  • le trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ;
  • le trouble anxiété sociale ;
  • certaines épilepsies ;
  • le mutisme sélectif ;
  • le syndrome de Rett ;
  • le trouble obsessionnel compulsif (TOC) ;
  • la schizophrénie à début précoce.

Annonce du diagnostic

La HAS souligne à juste titre que l’annonce du diagnostic médical est une obligation déontologique.
– Avant l’annonce finale et la confirmation du trouble, il est recommandé d’annoncer un diagnostic provisoire de trouble du neurodéveloppement et l’ouverture de droit à la MDPH (maison départementale des personnes handicapées).
– L’annonce diagnostique finale doit être réalisée lors d’une consultation dédiée (si cela est possible) en présence du médecin et, si besoin, d’un autre professionnel.
– La HAS rappelle que le terme de psychose infantile est inapproprié pour le diagnostic de toute forme d’autisme.
– Une information concernant les connaissances actuelles sur le TSA et sur les risques pour la fratrie (avec orientation éventuelle vers une consultation de conseil génétique) doit également faire partie de l’entretien final d’annonce diagnostique.
– Cette annonce diagnostique doit être accompagnée de préconisation et de l’élaboration de la prise en charge. Enfin, les parents doivent obtenir le compte rendu final.

Conclusion

Si le diagnostic de trouble du spectre de l’autisme est difficile à poser avant 18 mois, une vigilance particulière reste nécessaire lorsque des signes comme une préoccupation parentale ou la présence dans la fratrie de trouble du spectre de l’autisme. Tous les acteurs de santé devraient pouvoir participer au dépistage du trouble du spectre de l’autisme dans les mesures de leurs moyens : que ce soit au travers d’une orientation pertinente ou la réalisation d’examens adaptés. Un dépistage précoce et efficace peut permettre une amélioration du pronostic du patient en ce que des soins précoces peuvent alors en découler. Néanmoins, le trouble du spectre de l’autisme reste un trouble contre le lequel la médecine moderne se trouve encore trop dépourvue d’armes efficaces pour lutter. Si des progrès ont pu être réalisés grâce à des approches spécifiques comme celles dérivées de l’Applied Behavior Analysis (ABA), des traitements pharmacologiques ou psychochirurgicaux sont toujours manquants et méritent que les efforts en termes de recherche soient maintenus.


Références

  1. American Psychiatric Association, and American Psychiatric Association, eds. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders : DSM-5. 5th ed. Washington, D.C: American Psychiatric Association 2013.
  2. Fountain C, Winter AS, Bearman PS. Six Developmental Trajectories Characterize Children with Autism. Pediatrics 2012 ; 129 : e1112-20.
  3. Lord C, Rutter M, Le Couteur A. Autism Diagnostic Interview-Revised: A Revised Version of a Diagnostic Interview for Caregivers of Individuals with Possible Pervasive Developmental Disorders. J Autism Dev Disord 1994 ; 24 : 659-85.
  4. Lai MC, Lombardo MV, Baron-Cohen S. Autism. Lancet 2014 ; 383 : 896-910.
  5. Lemcke S, Juul S, Parner ET et al. Early Signs of Autism in Toddlers: A Follow-up Study in the Danish National Birth Cohort. J Autism Dev Disord 2013 ; 43 : 2366-75.
  6. Ozonoff S, Iosif AM, Baguio et al. A Prospective Study of the Emergence of Early Behavioral Signs of Autism. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2010 ; 49 : 256-66.
  7. Olliac B, Crespin G, Laznik MC et al. Infant and Dyadic Assessment in Early Community-Based Screening for Autism Spectrum Disorder with the PREAUT Grid. PloS One 2017 ; 12 : e0188831.
  8. MacDonald R, Parry-Cruwys D, Dupere S, Ahearn W. Assessing Progress and Outcome of Early Intensive Behavioral Intervention for Toddlers with Autism. Res Dev Disabil 2014 ; 35 : 3632-44.
  9. Tonge BJ, Bull K, Brereton A, Wilson R. A Review of Evidence-Based Early Intervention for Behavioural Problems in Children with Autism Spectrum Disorder: The Core Components of Effective Programs, Child- Focused Interventions and Comprehensive Treatment Models. Curr Opin Psychiatry 2014 ; 27 : 158-65.
  10. Haute autorité de santé — Trouble du spectre de l’autisme — Signes d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. n.d. Accessed July 25, 2018. https://www.has-sante.fr/portail/ jcms/c_468812/fr/recommandations-pour-la-pratiqueprofessionnelle- du-diagnostic-de-l-autisme.

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