Il ne veut plus manger…

L’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) est la plus fréquente des allergies alimentaires du nourrisson1, 2 et touche environ 6 % des enfants nourris avec une formule infantile2 et 0,5 % des nourrissons allaités3.

Cas clinique

Medhi, 6 semaines, est amené en consultation par ses parents pour un reflux gastro-oesophagien présent depuis la naissance, associé à une diminution des prises de biberons depuis 48 heures. Il est le 4e enfant de la fratrie. Il est né à terme, au décours d’une grossesse normale. Il a consulté un ORL à l’âge de 4 semaines pour un stridor ; une laryngomalacie a été diagnostiquée. Un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons a été débuté.
Il n’y a pas d’antécédents familiaux particuliers. Il a été alimenté par une formule infantile (FI) à base de lait de vache depuis la naissance. Depuis quelques jours, il ne boit plus que 6 fois 70 ml par jour, au début il tète avec vigueur, puis commence à pleurer et s’arrête de boire. Il s’y associe des régurgitations fréquentes. Son poids est stable depuis 1 semaine et au total il a pris 23 g/jour depuis sa naissance.

Diagnostic et recommandations

On distingue classiquement 3 types d’APLV : IgE médiée ; non-IgE médiée ; et mixte IgE et non-IgE médiée.

Les APLV IgE médiées sont liées à une réaction immédiate aux protéines du lait de vache (PLV) et peuvent s’associer à de l’eczéma, de l’asthme, des malaises, un stridor, des manifestations digestives aiguës (vomissements, diarrhée, etc.), des lésions cutanées (urticaire) ou plus rarement une anaphylaxie.
Les APLV non-IgE médiées ou mixtes sont de diagnostic parfois difficile, associées à des signes digestifs comme un reflux, une stagnation pondérale, une mauvaise prise alimentaire.

Le diagnostic repose sur l’histoire clinique et l’efficacité de l’élimination des PLV de l’alimentation. Des tests cutanés peuvent être effectués, mais ne sont pas recommandés. Ils ont surtout un intérêt pronostique. Il a été établi que les patchs tests n’ont pas d’intérêt4. Le gold standard diagnostique est l’épreuve d’éviction/réintroduction, peu utilisée en pratique. De fait, les chiffres de prévalence de l’APLV après « food challenge » ne sont que de 0,6 %2.

Pour un nourrisson nourri avec une formule infantile, les recommandations sont d’utiliser un hydrolysat poussé aux protéines en première intention en cas d’APLV5.

Signes à repérer

Le refus alimentaire et la mauvaise prise pondérale sont des signes classiques d’APLV. Le reflux gastro-oesophagien et le stridor sont également fréquemment associés aux APLV, mais à l’inverse la plupart des enfants avec un RGO ou un stridor n’ont pas d’APLV. La majorité des nourrissons avec APLV ont au moins 2 symptômes évocateurs au niveau de 2 organes différents. Un comité d’experts a récemment proposé un score diagnostique basé sur l’intensité des symptômes : les pleurs, les régurgitations, la diarrhée, l’eczéma, l’urticaire et les symptômes respiratoires6.

Évolution du cas clinique

Un hydrolysat de protéines a été prescrit à l’enfant. Très rapidement, Medhi a augmenté ses apports au biberon et sa croissance a redémarré. Les PLV ont été réintroduites à l’âge de 9 mois, avec une bonne tolérance.

Conclusion

Bien que très fréquente dans la pratique courante, l’APLV est toujours difficile à diagnostiquer, ce d’autant qu’il n’existe pas de test diagnostique. L’absence ou le retard de diagnostic de l’APLV, tout comme l’élimination injustifiée des PLV de l’alimentation de l’enfant, sont préjudiciables.


1. Koletzko S, Niggemann B, Arato A et al. Diagnostic Approach and Management of Cow’s-Milk Protein Allergy in Infants and Children: ESPGHAN GI Committee Practical Guidelines. JPGN 2012 ; 55 : 221-9.
2. Nwaru BI, Hickstein L, Panesar SS et al. Prevalence of common food allergies in Europe: a systematic review and meta-analysis. Allergy 2014 ; 69 : 992-1007.
3. Denisa M, Loras-Duclaux I, Lachaux A. Cow’s milk protein allergy through human milk. Arch Pediatr 2012 ; 19 : 305-12.
4. Boyce JA, Assa’ad A, Burks AW et al. Guidelines for the diagnosis and management of food allergy in the United States: summary of the NIAID-sponsored expert panel report. Nutr Res 2011 ; 31 : 61-75.
5. Dupont C, Chouraqui JP, de Boissieu D et al. Dietary treatment of cows’ milk protein allergy in childhood: a commentary by the Committee on Nutrition of the French Society of Paediatrics. Br J Nutr 2012 ; 107 : 325-38.

6. Vandenplas Y, Dupont C, Eigenmann P et al. A workshop report on the development of the Cow’s Milk-related Symptom Score awareness tool for young children. Acta Paediatr 2015 ; 104 : 334-9.


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